Photo: Maghreb Canada Express

Par Radouane Bnou-nouçair

Microsoft Word - Radouane BNOU.docEn tant que marocain résident au Québec, je viens d’être interpelé par trois événements récents qui sont symptomatiques de la situation actuelle de la communauté marocaine au Canada.

Le premier, c’est la fermeture « provisoire » de Dar Al Maghreb; fermeture qui commence à durer puisque cet établissement culturel n’est pas encore ouvert à ce jour.

Le deuxième événement, apparemment anodin, consiste en une polémique entre des membres de la communauté sur l’intérêt de l’initiative : « consulat mobile ».

Le troisième, c’est la multiplication des associations à but non lucratif qui sont devenues « lucratives sans but ».

Des événements symptomatiques de la situation actuelle de la communauté

Il est nécessaire d’analyser ces trois événements pour en tirer les conclusions nécessaires quant à l’avenir du vécu de la communauté marocaine au Canada, en général et au Québec, en particulier.
L’immigration marocaine au Canada présente, au moins, trois caractéristiques spécifiques : elle est récente, de qualité (la plupart des membres disposent de diplômes d’études supérieures) et volontaire.
L’effectif de la communauté (plus de 120.000 marocains sont installés au Canada, dont 80% sont installés au Québec) est devenu relativement important. C’est pourquoi, il est nécessaire d’analyser l’évolution de sa situation depuis le début de cette immigration.

La communauté marocaine et le chômage

Malgré un potentiel d’intégration plus grand que la moyenne, la communauté marocaine au Canada a subi de plein fouet le chômage et l’islamophobie qui ont ralenti son intégration, notamment au Québec.
Les réponses apportées à ces difficultés ont été essentiellement la reconversion aux métiers en demande (Chauffeurs de taxi, infirmier, éducatrices, etc.) et la création de petites
entreprises (Garderie, boulangerie, boucherie, etc.). Ce qui a permis à la communauté de s’adapter, dans un premier temps en attendant une intégration plus efficiente.

Une communauté devenue ‘’Fond de commerce’’

Malheureusement, en parallèle à ces solutions louables, certains membres de la communauté ont commencé à faire de leur propre communauté un véritable fond de commerce et un moyen de soutirer de l’argent au gouvernement marocain qui soutient ses MRE.

Ces agissements contribuent à éloigner la communauté de son objectif principal qui est l’intégration au pays d’accueil. Et c’est à ce niveau que se situe l’influence néfaste des trois événements cités au début du texte.

La fermeture de « Dar Al Maghreb »

La fermeture « durablement provisoire » de cet établissement est un véritable drame et un constat d’échec pour toute une communauté car « Dar Al Maghreb » assume plusieurs rôles essentiels à la promotion de la culture marocaine au Canada. C’est aussi un lieu de contact entre les marocains du Canada et leur culture d’origine ainsi qu’un espace d’échange interculturel.
La polémique sur « le consulat mobile »

L’initiative du « consulat mobile » part d’un principe louable : « puisque le client a des difficultés à venir au consulat, c’est le consulat qui va vers le client ». Malheureusement, cette action, malgré toute la bonne volonté de ses initiateurs, est peu adaptée aux services offerts par le consulat. En effet, pour que le concept soit applicable, il faudrait que la plupart des clients-citoyens soient disponibles, avec tous leurs problèmes à résoudre, au moment où le consulat mobile arrive. Or, cela ne peut pas être toujours le cas puisque des actes comme le renouvellement de la carte CIN, obtenir un casier judiciaire ou solliciter un extrait d’acte de naissance ne sont pas spontanés.

Le consulat, et son corollaire, l’ambassade, s’ils recherchent le bien être des MRE du Canada, devraient s’atteler à des tâches plus urgentes comme :

  • Intervenir auprès de la RAM pour baisser des tarifs devenus des freins au voyage des marocains vers le pays d’origine;
  • Assurer un suivi plus rigoureux des associations qui reçoivent des subventions du ministère de tutelle;
  • Apporter un soutien plus efficace pour l’apprentissage de l’arabe aux enfants de la communauté;
  • Actualiser les statistiques sur les résidents marocains au Canada et au Québec;
  • Améliorer les conditions d’accueil au consulat, à Montréal.

La multiplication des associations

Dans le cadre de sa politique de proximité, le ministère de tutelle n’a pas lésiné sur les moyens pour soutenir les différentes associations mais cette initiative louable est en train de se transformer en une activité mercantile à cause de la multiplication d’associations sans local, sans membres , sans programmes, peu actives , peu transparentes et parfois même sans objet.

Les vrais problèmes de la communauté

Ils sont ailleurs et ils nécessitent des solutions plus adaptées.
Un des problèmes essentiels de la communauté est le suivant : Comment s’intégrer au pays d’accueil et imposer le respect sans lâcher sa culture d’origine? Pour cela, il faudrait, en premier lieu, assurer son indépendance économique, à l’instar des communautés libanaises, italiennes ou chinoises.

Et c’est lorsqu’elle aura assuré son indépendance économique et politique que la communauté marocaine pourra contribuer efficacement au développement du pays d’origine

(*)  Radouane Bnou-nouçair est l’Éditeur du site : www.maroc-quebec.com

Lire le journal en format PDF :

MCE_134.qxd

 

 

By AEF