Voilà presque un mois qu’Israël a commencé ses opérations militaires dans la Palestine occupée. Les bombardements que subissent les Gazaouis sont d’une rare violence et le nombre de morts palestiniens sont hélas pour une écrasante majorité des civils, dont des femmes et des enfants. Qu’en est-il de la communauté internationale (et surtout de la France) face à cette situation ?
Les États-Unis, le Canada et les pays européens sont sans surprise derrière Tel-Aviv, soutenant la thèse qu’Israël ne fait que se défendre.
Néanmoins malgré des airs de déjà vu, quelque chose a changé dans la diplomatie internationale.
En effet, la voix singulière de la France, seule puissance occidentale à faire entendre une autre musique dans le concert des nations sur la question palestinienne semble aujourd’hui avoir perdu toute forme d’aura. Ce que certains appelaient la politique pro arabe de la France, que les gaullistes nommaient la politique d’indépendance nationale, semble avoir totalement disparu à l’aune du dernier massacre à Gaza. Il nous semble bien loin l’époque où la France se faisait honneur en soutenant la cause d’un peuple sans terre. Cette doctrine diplomatique initiée par de Gaulle en 1967 où il condamnait l’agression Israélienne contre l’Égypte et décréta un embargo sur la vente d’armes à Israël. Cette politique à été suivit par tous ses successeurs de gauche comme de droite. En 1982 lors de l’attaque israélienne au Liban, François Mitterrand dépêche des bâtiments de la marine française pour exfiltrer Yasser Arafat et des cadres de l’OLP. Enfin, tout le monde se souvient de la colère de Jacques Chirac lorsque l’armée israélienne l’empêchait de visiter les quartiers arabes de Jérusalem.
Néanmoins, la dernière crise au proche orient, a vu la diplomatie française changée de bord, pour soutenir inconditionnellement Israël à l’image du premier communiqué de l’Élysée affirmant qu’Israël a le droit de se défendre. Le ministre des affaires étrangères persiste et signe lors de sa tournée au Moyen-Orient en affirmant que c’est le Hamas qui bloque le processus de trêve entre les deux parties, tout en oubliant de mentionner qu’Israël refuse catégoriquement comme condition de la trêve une levée du blocus qui dure depuis 7 ans !
Enfin, quelle ne fut pas la surprise du monde de voir la France s’abstenir lors du vote de l’ONU pour demander une enquête internationale sur la guerre israélienne à Gaza, tandis qu’il y a 10 ans de cela, c’était Paris qui était à l’origine des résolutions condamnant Israël et qui finirent par être rejeté par un véto de Washington.
Le gouvernement français est à l’étude d’un projet de loi, à juste titre, pour empêcher des français de rejoindre des réseaux djihadistes en Syrie et en Irak. La justification de cette loi est d’empêcher des français de commettre des crimes de guerre sur la base de motivations religieuses. Il est intéressant de voir que les jeunes juifs français volontaires pour rejoindre Tsahal se fait exactement sur les mêmes bases religieuses. La justice française n’empêche pas ces jeunes gens de rejoindre l’armée israélienne. Pourtant, cette politique à géométrie variable peut avoir des retombés négatifs sur l’image de la France. Qu’adviendra-t-il si l’ONU arrive à la très probable conclusion de crime de guerre, auquel des Français ont participés ? Quelle sera l’image de la France si la Palestine adhère à la cour pénale internationale, et que des Français sont sur le banc des accusés ?
Nous assistons à un revirement de la diplomatie française sur fond de projection de la crispation identitaire que connait le pays aujourd’hui. La nouvelle génération politique prend position pour Israël parce qu’elle s’associe d’avantage aux Israéliens de culture occidentale, tandis que les Palestiniens sont réduits aux islamistes du Hamas. C’est depuis cette logique que les nouveaux dirigeants français basent leurs décisions politiques, que les hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay, au fait de l’histoire et de la complexité de la région, ont souvent du mal à comprendre. Ce revirement de la position française se fait également sentir à l’intérieur du Pays avec deux manifestations pro-palestinienne interdites par le ministre de l’intérieur. La France est ainsi le seul pays au monde à avoir interdit les manifestations de soutien à la Palestine. La raison officielle de l’interdiction de cette manifestation est les risques de trouble à l’ordre public, et les débordements d’actes antisémites.
La condamnation de la politique israélienne n’est en rien un acte raciste envers une religion. Il y a en France une confusion des genres que beaucoup d’intellectuels aiment entretenir. La question israélienne n’est pas la question israélite.
La distinction est en réalité simple à faire, elle se résume par une seule phrase du général de Gaulle.
En 1967, suite à une violente condamnation du président de Gaulle de la politique israélienne, le grand rabbin de France demanda à être reçu à l’Élysée, ce que le locataire des lieux accepta. Avant même que l’entretien ne commence, de Gaulle dit au rabbin, « si vous voulez me parler des Juifs de France je vous écoute, si vous voulez me parlez d’Israël j’ai un ministre des affaires étrangères pour cela ».
Par Anas Abdoun (Étudiant en Sciences politiques à l’Université de Montréal, candidat à une Maîtrise en Relations Internationales) pour Maghreb Canada Express, N°08, Volume Xii, Août 2014.