Je ne l’avais pas vu gouverner puisque je fais partie de la génération de ceux qui ont débarqué au Québec dans la première décennie des années 2000, et pourtant sa phrase éternelle résonne encore dans l’imaginaire collectif des québécois issus de toutes les origines : « nous avons été vaincus par l’argent et le vote ethnique… ».
Par Kamal Benkirane, Auteur, éditeur.
J’ai pu le voir, bien après, défiler dans les plateaux de télévision pour formuler son point de vue sur la situation économique de la belle province ou sur l’indépendance du Québec. La toute dernière fois que je l’avais croisé c’était dans un couloir de l’hôpital Saint- Justine à Montréal, accompagné par sa femme, le regard toujours bienveillant, et toujours à l’affut contre toute forme de faiblesse ou d’impuissance.
Dès le début de sa carrière, Jacques Parizeau s’est dévoué à la cause de l’indépendance du Québec, une cause à laquelle il croyait: celle de voir les Québécois maitrisant leur avenir. Et lorsqu’il s’est fait élire en 1976, il donna au gouvernement Lévesque sa crédibilité sur les enjeux économiques. Il était généralement caractérisé par la volonté de passer à l’action, et de provoquer les événements.
Il avait apporté une grande contribution à l’économie québécoise avec l’édification de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de la Régie des rentes du Québec et de la Société Générale de financement. En plus de son rôle d’influence dans la nationalisation de l’hydroélectricité et de la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec, on lui doit notamment l’implantation du Régime d’épargne-actions dans les années 1980, parce qu’il voulait que les Québécois s’intéressent à leur économie et y investissent. Il a réussi à injecter aussi un nouveau souffle à des PME du Québec.
Comme premier ministre, il s’était engagé à faire un référendum sur l’indépendance du Québec et il l’a fait, avec Lucien Bouchard et Mario Dumont, dans cette défaite référendaire de 1995, il a obtenu 49,55 % des voix au référendum, volé selon les analystes par le gouvernement fédéral. Cette désillusion le marquera non seulement en personne, mais aussi la plus part des québécois dont une certaine frange continue de croire que les tribulations fédérales et une certaine population de nouveaux québécois fédéralistes continuent de constituer un rempart contre la réalisation de ce rêve.
L’espoir d’un pays rêvé par Parizeau a toujours été un projet clair et lucide. D’autres mouvances souverainistes ont été créées suite à l’impulsion de Parizeau, on notera Option Nationale sous l’égide de Martin Aussant qui démissionnera plus tard, et qui maintiendra que Jacques Parizeau était son enseignant et le restera pour la vie.
Le départ de Jacques Parizeau met un terme à la présence des grandes personnalités politiques au Québec et laisse désormais place à une certaine médiocrité qui n’est pas encore capable d’interpeller l’imaginaire et les revendications des jeunes générations en quête d’innovation et de liberté. Les revendications des jeunes demeurent capitales et ne pas le prendre en compte c’est hypothéquer carrément l’avenir.
Par Kamal Benkirane, Auteur et éditeur.
Source : Maghreb Canada Express, page 7, Volume Xiii, Numéro 06, Juin 2015
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