Depuis Kyoto, le concert des Nations s’est davantage préoccupé (sans succès majeur soulignons-le) des mécanismes d’atténuation des changements climatiques (réduction des émissions des gaz à effet de serre ou GES) que des stratégies d’adaptation à leurs impacts.

Cet état d’esprit aurait encore dominé, du 9 au 12 décembre dernier, à Lima où s’était tenue la 20ème conférence des parties (COP 20) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les délégués de nombreux pays, réputés être des grands pollueurs, auraient émis le souhait que l’accent soit mis davantage sur les moyens de réduction des émissions des GES (en impliquant des pays en développement) plutôt que sur le processus d’adaptation et de résilience face aux changements climatiques; de peur d’être contraints, semble-t-il, de s’engager à fournir une aide financière accrue aux pays en développement dont la majorité polluent le moins
Ce bras de fer entre pays industrialisés et pays en développement a eu comme conséquence directe l’augmentation drastique des émissions des GES et, selon le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec), leurs concentrations dans l’atmosphère sont maintenant ‘’les plus élevées depuis 800 000 ans’’, ce qui provoquerait des hausses de températures au-delà des 2°C prévues il y a déjà 6 ans à Copenhague (COP15) pour limiter les risques de canicule, d’inondation, de désertification et de hausse du niveau de la mer.
Il est à souligner que ce seuil de 2°C est l’objectif principal de la COP 21 prévue à Paris, fin novembre de cette année, et ce, en aboutissant à un accord universel et contraignant sur les émissions des GES.
Par ailleurs, il est à souligner que les impacts des changements climatiques sont globaux mais ce sont les pays en développement qui sont les plus exposés à des risques élevés à extrêmes.
Le laisser-aller de la communauté internationale rend l’adaptation des pays en développement aux changements climatiques encore plus difficile; comme le souligne d’ailleurs le rapport du PNUD déposé le 5 décembre 2014 à l’occasion de la COP 20 .
En effet, selon ce rapport, « Même en réduisant les émissions des GES jusqu’au niveau requis pour limiter la hausse des températures mondiales à 2°C au cours de ce siècle, le processus d’adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement coûtera probablement deux à trois fois le montant prévu, estimé entre 70 et 100 milliards de dollars par an d’ici 2050. »
Et la facture risque d’être salée aussi bien pour le Maroc que pour ses amis africains pour lesquels les modèles de simulation climatiques ‘’prédisent’’ un déficit pluviométrique, une dégradation des systèmes agricoles, l’exacerbation de la désertification et (pour les pays donnant sur la mer) une diminution des ressources halieutiques ainsi qu’une hausse du niveau moyen de la mer.

DÉPLACÉS OU RÉFUGIÉS CLIMATIQUES ?

L’un des impacts, et non le moindre, des aléas cités ci-dessus, est le déplacement forcé des populations. Le flux est déjà là et risque de s’exacerber dans les décennies à venir .
Dans cette perspective, le Maroc; pays tampon entre l’Europe et l’Afrique risquerait d’être soumis à une pression au-delà de ses capacités économiques; à leur tour éprouvées par les changements climatiques.
D’où la pertinence d’initier une réflexion proactive sur les migrations climatiques dans les zones à risque. Le Maroc serait doublement concerné, et ce, vu sa position géographique et surtout le fait qu’il sera l’hôte de la COP 22 l’an prochain; conférence qui pourrait mettre (enfin) l’emphase sur les stratégies d’adaptation et de résilience.
Le Québec serait aussi concerné par cette réflexion; de part son expertise en changements climatiques et en environnement que par son savoir-faire en matière de gestion de l’immigration humanitaire.
Et le partenariat des deux pays, aussi bien au niveau institutionnel qu’au niveau de la société civile pourrait contribuer à:
– Développer un argumentaire concernant la valeur ajoutée des deux pays face à la problématique des migrations climatiques lors de la COP 22;
– Contribuer à évaluer le risque et à actualiser les données des migrations climatiques mondiales, régionales et locales;
– Caractériser le Maroc comme HUB géographique de la coopération internationale du Québec en matière de migration climatique dans la région;
– Mener une réflexion prospective pouvant aboutir à l’élaboration d’une convention internationale sur les réfugiés climatiques; convention qui pourrait renforcer la contribution et le leadership québécois et marocain lors de la COP 22 (prévue en 2016 à Marrakech; Maroc).
Nous nous sommes permis les derniers mois d’approcher certaines institutions marocaines concernant cette démarche. Une implication institutionnelle québécoises séduit. Appel est donc lancé à M. David Heurtel Ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Par A. El Fouladi, climatologue.

Source : Maghreb Canada Express, N°09, Vol. Xiii, , page 03, Septembre 2015

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