Pour la première fois depuis la Charte de 1814, le gouvernement français décide de rédiger seul, par un décret en Conseil d’Etat, un texte proclamant des libertés fondamentales.

Il s’agit d’une proposition de charte présentée en janvier 2010, lors du calamiteux débat sur l’identité nationale en France. Une disposition qui a inscrit une différenciation à vie entre français naturalisés qu’on peut déchoir de leur nationalité, les seuls à avoir des devoirs et l’obligation de signer une charte des devoirs du citoyen, et les français nés français qui en sont exemptés. Ces derniers ne doivent ni signer la dite charte, ni montrer qu’ils connaissent et adhèrent aux principes et valeurs de la République française, à la Déclaration des droits de l’homme du citoyen du 26 août 1789, au Préambule de 1946, ou tout autre texte proclamant les valeurs de la République.

Citoyenneté multi-vitesses

Le principe d’égalité soumet pourtant tous les citoyens, sans distinction d’origine, aux mêmes droits. Principe bafoué dans la réforme constitutionnelle décidée suite aux attentats barbares qui ont frappé la France le 13 novembre 2015, et que je condamne. La déchéance de nationalité des binationaux nés en France est maintenue dans le projet. Ils risquent la déchéance de nationalité s’ils sont définitivement condamnés pour terrorisme ou pour crime contre la nation. Le texte du gouvernement prévoit qu’ils doivent effectuer leur peine et une rétention de sûreté en France et qu’à l’issue de cette peine, ils sont déchus et expulsés. Comme si les pays tiers allaient accepter sur leur sol un terroriste français, né en France, ayant payé ses taxes en France et ayant perpétré des actes terroristes en France.

C’est un manque de discernement et de considération envers les pays tiers, que de songer à leur confier une personne ayant connu le processus de ‘prisonisation’, des effets psychosociaux catastrophiques liés aux longues peines et la modification de la personnalité. Oui, le comportement social d’un terroriste français et ses syndromes psycho-pathologiques rendent impossible son accueil ailleurs qu’en France. C’est pourquoi, la déchéance n’aura pas d’impact positif sur la lutte contre le terrorisme, mais porte plutôt atteinte au principe constitutionnel d’égalité, l’un des trois à figurer dans la devise de la République française. L’égalité caractérise la représentation française de la vie en société et trouve un multiple « ancrage » explicite dans le corpus constitutionnel. Et donc, les français visés par la déchéance seront mal considérés, caricaturés et représentés comme étant les sous français susceptibles de commettre un attentat. L’égalité n’est pas un principe « déduit » par la jurisprudence constitutionnelle, comme les droits de la défense etc…. l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fait d’ailleurs partie du  » bloc de constitutionnalité  » auquel le Conseil constitutionnel français confronte les lois qu’il a à examiner, depuis la célèbre décision du 16 juillet 1971. Cet article dispose que « la loi doit être la même pour tous ». Le principe d’égalité n’accepte pas les modulations telle que la déchéance, car elle ferait d’une partie des Français de véritables sous- citoyens en possession d’une carte d’identité française, tant qu’ils n’auront pas commis d’attentat. Ces modulations ne reposent pas sur des critères objectifs. Au regard de l’objectif recherché par le législateur ; à savoir combattre le terrorisme, l’objectif est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

L’art de tuer avec des mots…

Il y’a un autre problème, il s’agit de la ‘libération de la parole raciste’ et l’emploi fréquent de termes liés à l’idéologie néonazie, dans son entreprise raciste visant à déstabiliser la démocratie et à dénigrer les musulmans pour avoir combattu le nazisme. D’où les termes* « islam- iste,=islam terroriste, jihad**– iste=jihad terroriste »* inventés par les néonazis, et utilisés par des médias respectables et dans des discours officiels voire même des lois. Or, si le caractère normatif d’une loi est sujet à caution, ou sa portée ou son intensité sont incertaines, les droits seront menacés. Le droit perd de sa précision en utilisant des termes vagues, démagogiques, sales ou imprécis. Montesquieu n’écrit-il pas lui aussi que «la loi ne doit pas contenir d’expression vagues» ? Remarquez la transformation des termes de la résolution 2178 de l’Onu ; de ‘Combattants terroristes étrangers’ on passe à ‘Jihadistes’. Une résolution qui vise pourtant la Syrie et l’Irak, mais aussi l’Est de l’Ukraine (avion malaisien abattu), la République Centrafricaine, l’Est du Congo, la Birmanie (mouvement Ma Ba Tha du moine Wirathu qui massacre les Rohingyas depuis 1947), et Les combattants qui vont bombarder Gaza et reviennent en Europe bénéficier de la quiétude et l’impunité. Évidemment, Daesh en tant qu’organisation terroriste horrible qui continue à ôter la vie aux innocents partout où elle le peut, doit rester la priorité dans la lutte contre le terrorisme, sans oublier les autres.

Cela dit, peut-on établir une paix*** durable, sans faire la guerre pour avoir la paix, ni profiter de la paix pour préparer la guerre, ni détruire des pays ou les vider de leur population ?

Par Abdelrhani Belhalloumi (Belgique) pour Maghreb Canada Express

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Notes :

* D’autres extrémistes ont aussi mis au point des termes sales à bannir aussi, tels que

Fasco-juifitiste, Radical christianniste, radical croisadiste  etc…

** Ce n’est pas le rôle du législateur ni d’aucun pays de parler du ‘jihad’ dans ses lois

et sa communication, pour 3 raisons :

-Le jihad (vient du jouhd : l’effort) est divisé en 2 parties, le jihad majeur qui englobe toute action humanitaire, en faveur de la paix, aller vers l’autre, construire des écoles, aider les pauvres etc… Et  le jihad mineur qui concerne la lutte armée légitime,  comme stipulé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme le 10 décembre 1948

-Parler de Jihad dans le cas de la Syrie, pays en proie à la guerre civile opposant, un pouvoir totalitaire, des terroristes et une opposition légitime, c’est non seulement une attaque et une stigmatisation de l’Islam, mais surtout une volonté  d’induire l’opinion publique, les jeunes, les repris de justice et les fumeurs de shit candidats à la terreur.  Considérer des actes barbares comme du Jihad relève de la démagogie, de l’ignorance, de la mauvaise foi, de l’idéologie véhiculée par Beivik, et prouve une ignorance complète de l’islam et de son message de paix.

-Une loi qui parle du ‘jihad’ exclut du champ de son application tous les autres terroristes
et les extrémistes violents  de tous bords qui constituent une menace pour la société à leur retour. Il n’y a nulle part dans le Coran ni le mot guerre, ni guerre sainte. (Verset La Vache 208).

Et depuis quand le terrorisme est-il jihad ou le jihad terrorisme ?

***Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. Article 2 (4) de la Charte des Nations Unies

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