Par Abdelfettah EL FATIN , Chercheur en droit international. Docteur en droit économique international et européen;  et professeur à la faculté des sciences économiques, juridiques et sociales jà l’université Hassan II de Casablanca (Maroc)

pr fatin AbdelfetahLa stratégie nationale d’immigration et d’asile est l’expression d’une démarche volontariste et souveraine de l’État marocain qui répond à son inscription en continu dans le concert des États démocratiques, honorant ses engagements internationaux en matière de mobilité humaine. Dès 1979, un groupe de travail présidé par le Maroc et le Mexique fût créé en vue de la rédaction dans le cadre onusien d’une convention de protection internationale des migrants.
La campagne internationale lancée par ces deux États a heureusement, quoique tardivement, pu être concrétisée le 18 décembre 1990 par l’Assemblée générale des Nations Unies, en adoptant ainsi une convention portant sur la protection des migrants. L’État marocain a été également porteur de l’Initiative de l’Alliance africaine pour la migration et le développement en plus de son implication dans les organisations internationales œuvrant dans la protection des migrations (HCR, OIM … etc.)
L’Etat marocain a opéré , par cette nouvelle politique vis·a·vis des étrangers, un choix stratégique qui, loin de nier le phénomène migratoire sur son sol, vise la gestion au mieux des intérêts de l’Etat et ceux des migrants. Le Maroc a compris que la fermeture absolue des frontières pour des raisons de sécurité et de culture, arguments avancées par le réalisme, perd tout son sens devant l’existence et la continuité des migrations.
La stratégie nationale marocaine d’immigration et d’asile n’est qu’un préalable à l’adoption future de tex· tes de lois sur l’asile, la lute contre la traite et sur l’immigration. C’est une stratégie intégrée, africaine et humaniste. Dans ces termes de « liens humains », « pays subsahariens frères », « principes humanitaires », le Roi du Maroc, dans son discours du 6 novembre 2013 en a tracé les fondements. La Constitution marocaine de sa part a concrétisé le principe libéral d’égalité entre marocains et étrangers en affir­mant que « les ressortissants étrangers jouissent des libertés fonda· mentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformé· ment à la loi».
Cette initiative s’inscrit dans l’édii­fcation de l’État de droit, prônant des valeurs humaines universelles. Le Maroc , par cette stratégie, adopte une définition large des droits civils qui sont des droits naturels ou artificiels reconnus ou institués par la loi au profit de tout individu humain national ou étranger, en dehors de sa qualité de citoyen et dont l’objet immédiat est le bien propre et privé de l’individu (J. Dabin).
La conception de la stratégie nationale en matière d’immigration et d’asile traduit une conformité à l’esprit des rédacteurs de la Charte des Nations Unies , car elle entend « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, culturel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales par tous, sans distinction de race de sexe de langue u de religion».
La campagne de régularisation des ressortissants étrangers s’inspire d’un corpus normatif étoffé pour protéger les droits fondamentaux de la personne humaine , que ce soit dans le cadre de l’ordre juridique international issu de la Charte des Nations Unies ou du droit international des migrations défini comme le regroupement de l’ensemble des règles internationales applicables aux personnes qui quittent un État et de s’y séjourner à titre durable ou temporaire.
Les critères pris en compte répondent positivement à « l’obligation de protection » affirmée par la Cour internationale de justice dans l’Affaire Barcelona Traction quand la Cour a dit que « dès lors qu’un État admet sur son territoire … des ressortissants étrangers … il est tenu de leur accorder la protection de la loi et assume certaines obligations quant à leur traitement ». L’intégration des personnes dont la situation est régularisée est un élément fondamental dans la stratégie marocaine.
Eu égard à la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés au paragraphe 1 de son article 33, et plus précisément au principe de non refoulement qui affirme que « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne re· foulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liber­té serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. », le Maroc, en application de ce principe de droit international coutumier et par son volontarisme en matière de protection des migrants, a honoré ses engagements internationaux en œuvrant dans un premier temps dans sa politique migratoire à veiller à la régularisation des situations des ressortissants étrangers sur son sol.
Toutefois, ces ressortissants étrangers au Maroc devraient avoir accès aux autorités consulaires de leurs pays en application de la convention de 1963 sur les relations consulaires, et l’étranger arrêté mis en détention a le droit d’entrer en contact avec les représentants consulaire de son pays. L’Etat marocain devrait s’inspirer davantage de l’exemple des principes énoncés par la Commission de Venise quant aux critères de l’État de droit à l’échelle européenne. Dans son traitement de la qualification juridique des ressortissants étrangers sur son territoire, il devrait prendre en considération la légalité de ses actes et interventions d’où l’urgence de voter des lois dans ce sens, de mettre en place un contrôle juridiction· ne! effectif pour asseoir une sécurité juridique complémentaire au profit des ressortissants dont la situation n’a pas été régularisée.
En somme, la stratégie nationale d’immigration et d’asile s’inscrit complètement dans la nouvelle poli· tique étrangère vers l’Afrique en particulier, dans un esprit qui observe les normes internationales en matière des droits de l’homme, des droits de l’homme des migrants et des grands principes de droit inter­national. L’adoption future des tex· tes de lois relatifs à l’apatride, le droit d’asile et le droit d’immigration éclaireront davantage cette vision avant-gardiste.

Source : Maghreb Canada Express, Vol. Xiv, N°09, Septembre 2016, Page 09.

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