J’aime infiniment la littérature de l’Exil, car je suis en quelque sorte un exilé moi-même. D’ailleurs, j’ai écrit un livre sur l’Exil.

L’écrivain chilien Luis Sepùlveda est décédé à l’âge de 70 ans, du Covid-19 en Espagne. Une amie allemande qui vivait à Hambourg où cet écrivain résidait à l’époque. Elle connaissait sa femme, et un jour, elle m’a proposé de me le présenter, mais j’étais trop timide, et j’ai décliné l’invitation.

Quand j’ai appris sa mort à la télévision, j’ai regretté d’avoir manqué cette occasion en or de faire sa connaissance.

Contrairement à certains auteurs pour qui les autres écrivains ne comptent pas. Il n’y a pas une seule ligne ou une idée que je n’ai pas empruntée à mes écrivains préférés. Et Luis Sepùlveda  en faisait partie. Son roman « Le Vieux qui lisait des romans d’amour »,  marquée par l’expérience de l’exil et ses combats pour les droits de l’Homme m’a retourné. L’auteur disait : « La littérature permet d’être la voix d’anonymes qui n’ont pas la possibilité de se faire entendre »

Né en 1949 à Ovalle au Chili, Luis Sepúlveda s’est engagé dès l’âge de 12 ans dans les Jeunesses communistes. Il sera emprisonné pendant deux ans et demi sous la dictature d’Augusto Pinochet. Libéré en 1977 grâce à l’intervention d’Amnesty International, Luis Sepúlveda s’engage pour la défense des communautés indiennes et voyage dans toute l’Amérique latine : Colombie, Equateur, Pérou, Nicaragua… Sa rencontre avec les Indiens Shuars en 1978 dans le cadre d’une mission sur « l’impact de la colonisation sur les populations amazoniennes » avec l’Unesco, inspirera le thème et les paysages de son premier roman.

Comme Albert Camus, il pensait que la littérature est un espace pour mettre en relief la dignité humaine, car la dignité humaine se construit avec l’addition des souvenirs qui l’élève. (…) il est d’abord un citoyen, et après un écrivain. Et comme citoyen il a de nombreux devoirs à accomplir. Une fois ses devoirs accomplis, il a le droit moral de s’asseoir comme écrivain et se mettre à la tâche.

L’œuvre de Luis Sepúlveda est marquée par son engagement politique et écologiste, son goût du voyage. Parmi ses autres romans, il faut citer Rendez-vous d’amour dans un pays en guerre (1997), Les Roses d’Atacama (2001) ou encore La Fin de l’histoire (2016).

Il disait : « La littérature, parfois, devient l’ombre de la mémoire. Seulement ce qui existe a une ombre et donc en ce sens, la littérature est l’ombre de ce qui se passe réellement. La littérature a un rôle de rappel de ce qui s’est passé et on ne va pas admettre une solution facile comme les amnisties par exemple ou le fait d’oublier et d’aller de l’avant. »

Dans L’ombre de ce que nous avons été (2009), Luis Sepúlveda racontait les retrouvailles à Santiago de trois anciens militants de retour d’exil trente-cinq ans après le coup d’État de Pinochet, bien décidés à participer à une ultime action révolutionnaire. Il dédiait cet ouvrage à ses « camarades, ces hommes et ces femmes qui sont tombés, se sont relevés, ont soigné leurs blessures, conservé leurs rires, sauvé la joie et continué à marcher. »

Dans son roman « Le Vieux qui lisait des romans d’amour », il y a cette phrase que j’avais notée sur un carnet, dans un train qui m’emmenait à Algésiras en Espagne, « Si la piste est trop facile et que tu crois tenir le jaguar, c’est qu’il est derrière toi, les yeux fixés sur ta nuque. »

Ironie du sort, ce livre qui ne me quittait jamais, je l’ai perdu en Espagne, le  pays où cet auteur qui m’est très cher a perdu la vie vingt ans plus tard.

Cette citation, je vais sûrement la glisser dans un de mes prochains livres.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, (Édition électronique) Vol. XVIII, N°05 , page 8, Mai 2020.

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