Avec Coluche, il faisait partie des artistes les plus engagés politiquement en France.

C’étaient des artistes attachés viscéralement à leurs opinions, et à leurs valeurs. Des valeurs nobles, humaines, et généreuses. Ils étaient incorruptibles.

Comme A. Camus, Guy Bedos est né le 15 juin 1934 à Alger. Son père Alfred Bedos est directeur de laboratoires de produits pharmaceutiques. Ses parents se séparent et le petit garçon grandit auprès de sa mère, Hildeberte Verdier, dont la violence et le manque d’affection ont marqué son enfance. Sa mère se remarie et le petit garçon est placé en pension. En 1949, la famille revient en France et s’installe à Rueil-Malmaison. A 16 ans, alors qu’il fait quelques figurations au théâtre, il quitte définitivement le foyer familial et vit de petits boulots.

Au début des années 50, il s’inscrit à des cours d’art dramatique et se forme au théâtre.

A peine âgé de 18 ans, et étudiant à l’Ecole de la rue Blanche, il met en scène pour la première fois une pièce de Marivaux. Les débuts sont cependant difficiles, le jeune comédien connaît des périodes de chômage et ne trouve pas de rôles qui lui correspondent. Alors qu’il se produit régulièrement dans le cabaret de Pierre Prévert (frère de Jacques), La fontaine des quatre saisons, il fait la connaissance de Jacques Chazot. Ce dernier lui soumet un sketch qu’il va interpréter sur la scène du cabaret. Dès lors, la fibre humoristique ne le quittera pas et, encouragé par Jacques Prévert, il prend la plume pour écrire ses propres sketchs.

En 1963, un producteur le remarque et lui propose d’adapter un de ses spectacles au cinéma. Guy Bedos accepte et interprète également un des personnages à l’écran. Le film intitulé Dragées au poivre connaît un vif succès. Deux ans plus tard, en 1965, il est covedette d’un spectacle avec Barbara à Bobino qui est un énorme succès et contribue a lancé définitivement sa carrière. Dans les années 70, Guy Bedos se produit aux côtés de Sophie Daumier, puis après leur divorce, l’humoriste poursuit la scène en solo. Artiste engagé, il s’inspire des injustices sociales et de la vie politique pour écrire ses spectacles.

Le souvenir de sa mère battant son père, puis battue à son tour par un autre homme qui ne l’a jamais regardé, il avait pris « le parti d’en rire ». N’empêche, il en avait encore les bleus au cœur, jusqu’au bout. Simplement, il en avait fait des boules d’amour et de rage, jetées au long d’un parcours formidable.

Ce que j’appréciais beaucoup chez Guy Bedos, c’était sa rage semblable à celle de Coluche que je vénérais. Sa rage, Bedos l’avait mise en politique, derrière cette gauche qu’il cherchait aux contours des partis, sans s’affilier. Cinglant avec Giscard ou Sarkozy, ironique avec Chirac, il a d’abord été séduit par Mitterrand. Puis moins. Sa gauche, c’était celle des ouvriers d’Arcelor, des sans-papiers de l’église Saint-Bernard, des gamins de Vaulx-en-Velin… Sur scène, il serrait les poings et leur criait : «Défendez-vous ! » Dans la vie, il allait vers eux, pour les soutenir à la première occasion. Et râler, bien sûr : « On ne se débarrassera pas de la petite délinquance tant qu’on sera indulgent avec la grande, en politique ou dans l’industrie. »

Guy Bedos militait à la Ligue des droits de l’Homme, lui l’antiraciste viscéral qui a campé un Arturo UI époustouflant, dans le texte de Brecht. Au Droit au logement. À l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, aussi. Ses cheveux devenus blancs, au temps de ses dernières «revues de presse», son œil rieur et sa voix de velours répétaient cela : « Tu ris, tu pleures… Tu vis, tu meurs… » Ok, d’accord, on fait comme ça. La vie est une comédie italienne. Mais… et la mort, alors ?

Son fils Nicolas lui a rendu un hommage poignant,  il a écrit : « Il était beau, il était drôle, il était libre et courageux. Comme je suis fier de t’avoir eu pour père. Embrasse Desproges et Dabadie, vu que vous êtes tous au Paradis. »

Nicolas Bedos faisait référence à un autre grand humoriste et ami de son père Pierre Desproges, disparu en 1988, ainsi qu’à Jean-Loup Dabadie, réalisateur et parrain de Nicolas Bedos, décédé au début de la semaine.

Guy Bedos a vécu avec le spectre d’une mère acariâtre toute sa vie. Il disait : « Ma mère, quand elle a arrêté de me faire peur, a commencé à me faire honte. »

La droite et l’extrême droite étaient aussi sa bête noire. Il disait : « C’est dans le regard des gens de droite qu’on s’aperçoit qu’on est de gauche. »

Chapeau l’artiste, ce sont des Français comme vous qui me font aimer la France.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, (Édition électronique) Vol. XVIII, N°06 , page 13, JUIN 2020.

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