Deux mois de confinement ont suffi à mettre à bas l’économie et les libertés élémentaires. Comme le disait Georges Orwell : « S’accrocher jour après jour, semaine après semaine, pour prolonger un présent qui n’avait pas de futur, était un instinct qu’on ne pouvait vaincre, comme on ne peut empêcher les poumons d’aspirer l’air tant qu’il y a de l’air à respirer. »
Comme on peut le lire sous la plume de Christian Authier paru au quotidien « L’opinion » le 15/05/2020, « Responsables politiques, journalistes, intellectuels, associations, syndicats n’hésitent pas à brandir ces inquiétants totems qui relèvent en général plus du fantasme que de la réalité. Or, l’apparition du Covid-19 a annihilé toutes ces traditionnelles critiques au moment même où la France connaissait une restriction des libertés publiques qu’elle n’avait pas connue depuis… l’Occupation. Il ne s’agit pas évidemment de comparer notre gouvernement au régime de Vichy allié à l’Allemagne nazie, mais simplement de constater que nombre de nos libertés fondamentales – liberté de circulation et de réunion, liberté de travailler, liberté d’entreprendre, liberté d’exercer son culte… – ont été mises sous le boisseau (et continuent de l’être) sous l’exigence d’un «confinement» qui n’a fait l’objet d’aucun débat ou examen sérieux aussi bien du Parlement que des instances juridiques censées protéger ces libertés. »
Drôle de guerre
Toujours d’après C.Authier, c’est lui qui souligne « Peu importait dès lors que nombre de départements et de régions n’étaient pas ou peu touchées par le virus, qu’une foule d’activités économiques auraient pu être autorisées sans nuire à la sécurité de tous ou que des mesures inutilement punitives et répressives aient été prises contre des millions de citoyens sans aucune utilité que celle de montrer la toute-puissance d’un Etat et de sa technocratie par ailleurs impuissants à répondre à des défis plus importants : fournir des masques et des tests, isoler uniquement les populations à risque (l’âge moyen des décès dépasse les 80 ans)…
Notre appareil d’Etat est imaginatif quand il s’agit de pondre des normes, des interdictions, des règlements, des autorisations, des protocoles, de surveiller avec des drones ou des applications numériques. Il l’est beaucoup moins quand il faut fabriquer du gel hydro alcoolique. Drôle de guerre… La France n’a pas été la seule à s’engager dans cette voie néfaste, elle a suivi le modèle emprunté par l’Italie, l’Espagne ou la Belgique – autres pays d’ailleurs qui s’en sortent le plus mal avec nous en termes de décès – mais on a plus ou moins occulté les nombreuses nations ayant fait l’impasse sur le confinement strict au profit d’un confinement ciblé ou très souple autrement efficient. »
Eviter que l’effondrement social succède à l’écroulement économique
D’après François Perret, diplômé de l’ENA et Sciences Po, Directeur général de Pacte PME, fondateur de l’Institut Anaxagore, « Plus personne ne s’en cache. Le confinement, en mettant à l’arrêt notre activité productive économique pendant des semaines entières, risque bien de provoquer une crise sociale mondiale. A moins que les filets de sécurité mis en place par les Etats et qu’un supplément de coopération internationale ne viennent amortir un choc qui s’annonce considérable. Car désormais, c’est un demi-milliard d’habitants qui pourraient basculer dans la pauvreté, principalement dans les pays à bas revenus, mais pas seulement. »
D’après F.Perret, Selon toute vraisemblance, la crise va commencer à s’en prendre d’abord à ceux qui vont perdre leur emploi et pourraient entrer dans la précarité, mais elle devrait aussi exiger d’importants sacrifices de la part de ceux qui seront amenés à le conserver, aggravant aussi la situation de ceux qui en sont durablement exclus.
Premières victimes : les salariés que la pandémie va exclure du marché du travail, au moins jusqu’à ce que les activités marchandes connaissent un rebond, sans doute pas avant 2022 voire 2023.
Une avalanche d’inscriptions aux guichets gérant les demandeurs d’emplois qui n’est pas encore visible sur notre continent, dont le marché du travail est en moyenne moins flexible et qui a davantage recouru – à l’instar de la France- au chômage partiel (qui concerne presque 1 Français sur 2).
Mais les experts s’accordent à penser que les statistiques du chômage pourraient s’emballer, y compris au sein de l’Union européenne, dès le second trimestre. L’OFCE a par exemple mentionné l’hypothèse d’une élévation de + 460 000 de la cohorte des demandeurs d’emplois dans l’hexagone dans les semaines qui suivront la fin du confinement.
Cette population ne sera pas la seule à subir les conséquences terribles de la crise. Car un certain nombre de salariés ne conserveront leur emploi qu’au prix d’une dégradation de leur niveau de rémunération, voire de leurs conditions de travail.
Le spectre de l’effondrement de l’économie
Dans sa présentation du plan de déconfinement face aux députés, Edouard Philippe a mis en garde contre « le risque de l’écroulement » de l’économie si les mesures n’étaient pas mises en œuvre progressivement.
D’après l’économiste français Pascal Perri, « La France est entrée dans le confinement pour protéger la santé des Français mais un confinement trop long provoquerait un écroulement de son économie. Etroite ligne de crête entre la préoccupation sanitaire et la nécessaire relance de l’appareil productif. Edouard Philippe a livré un mode d’emploi du retour à la normale. Il n’a pas prononcé un discours de caractère économique mais ce mot « écroulement » en dit presque plus long sur les risques encourus. Le scénario de l’écroulement toucherait l’économie réelle. Ceux qui suivent la bourse ont relevé que les grandes places financières réagissaient plutôt favorablement ces derniers jours. L’écroulement ne devrait pas venir des bourses, mais du terrain des entreprises, pour ensuite contaminer le reste de l’écosystème.
L’Etat prend en charge les salaires à travers le chômage partiel mais les charges permanentes comme les mensualités d’emprunt, les remboursements d’investissement, les leasings, les loyers, certaines charges externes sont maintenues. L’entreprise n’a pas obtenu de concours bancaires, ses lignes de crédit sont épuisées, elle ne peut plus faire face à ses engagements, le chef d’entreprise doit se résoudre au dépôt de bilan puis à la liquidation faute de solution de sortie. Les créanciers des entreprises en faillite perdent leurs créances, y compris les créanciers prioritaires comme les organismes publics (URSSAF). Les fournisseurs perdent les factures qui leur étaient dues. La crise se propage. Quand elle est massive, elle atteint les bilans des banques. Elles doivent passer dans leurs comptes les pertes qu’elles ont enregistrées du fait de la défaillance de leurs clients. Bref, la crise est virale. Elle est contagieuse. Plus elle est massive, plus elle s’étend aux secteurs amont et aval. Une bulle d’impayés enfle qui aboutit elle-même à l’affaiblissement du tissu productif. Les salariés des entreprises en faillite perdent leurs emplois. La bulle du chômage prend de l’ampleur. Elle a au moins deux types de conséquences : Les ménages consomment moins, et les dépenses sociales augmentent tandis que les recettes des organismes sociaux baissent.
Les services publics font eux aussi défaut. Les hôpitaux manquent de moyens. On leur fait payer cash la fourniture des molécules de traitement des maladies graves. La pauvreté se développe. Nous sommes en plein cauchemar économique, social, budgétaire. Tous les actifs, immobiliers ou mobiliers ont été dépréciés. L’Etat et ses finances publiques doivent être placés sous tutelle !
Face à cette crise, l’Etat a intérêt à mettre carte sur table, elle doit être transparente, et éviter de mener en bateau la population.
Mais malheureusement, « Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l’accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l’apparence de la solidarité à un simple courant d’air. » Georges Orwell.
Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, (Édition électronique) Vol. XVIII, N°06 , page 11, JUIN 2020.
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