Abdel-JalilZaidane
 

Le Maroc connaît actuellement une bonne dynamique de développement portée par un tissu transnational de relations, de circulations, de transferts, par une intense activité des marocains du monde (MDM).

L’évolution de l’émigration interne et internationale

L’émigration s’était amplifiée dans les grandes villes côtières du Maroc, elle se distinguait par son ancienneté et son importance. L’émigration intérieure était une étape préalable avant l’émigration planétaire, la ville offrait des opportunités en termes de réseau et d’emploi puis des opportunités et des tremplins pour partir à l’étranger.

Historiquement, cette migration peut être segmentée en trois temps :

Avant le colonialisme: il s’agissait surtout d’une mobilité interne attirée par le commerce et l’agriculture.

Pendant le colonialisme : il s’agissait d’une immigration paysanne transitoire attirée par les besoins de mains d’œuvres de la réforme agraire coloniale, pour contribuer à l’effort de guerre, dans les fabriques d’armements mais aussi sur le front.

Après l’indépendance (et précisément à partir des années 1960) : les mobilisations se sont intensifiées et ont ainsi amorcé la dynamique migratoire surtout entre les deux rives de la méditerranée (parvenue de proches).

Les MDM : Co-acteurs du développement ?

Les desseins de développement s’inscrivent dans un ensemble de flux et de réseaux qui constituent la charpente de l’espace transnational marocain. Les relations que conservent les migrants avec leur espace d’origine ont généré une somme de flux de personnes et de transferts de devises.

Si, pour certains,  l’entraide et la pérennité des liens que les marocains conservent par-delà le temps et la distance sont mises en avant pour motiver la participation des MDM dans le développement ; A l’inverse de ce raisonnement de la solidarité, d’autres soulignent le profit que les porteurs de projets tirent de ces gestes : prestige, faveurs politiques ou économiques !!!

Le migrant où qu’il soit n’est pas à sa place

Le statut de l’émigré-immigré est compris dans une double invraisemblance. Dans le pays d’accueil, l’immigré est ‘‘ici mais pas d’ici’’. Sa situation au Maroc n’est plus constante : il se trouve être ‘‘d’ici mais pas ici’’. La cassure entre l’émigré et l’immigré nourrit une situation de désarroi dans laquelle les migrants sont fourrés : le migrant où qu’il soit n’est pas à sa place, il souffre ainsi d’une double expédition.

Les transferts des MDM : une forte résilience face à la crise sanitaire du Covid-19

Une résilience qui est attestée par les chiffres de l’Office des changes qui font état d’une nette augmentation de ces transferts de 41,8% au titre des trois premiers mois de cette année, passant de 14,73 milliards de dirhams (MMDH) à fin mars 2020 à plus de 20,89 MMDH au premier trimestre 2021. Ces transferts de fonds des MDM devancent même leur niveau d’avant crise Covid-19 (15,1 MMDH au premier trimestre 2019).

Cet accroissement soutenu confirme de la conscience de solidarité de la diaspora marocaine qui, malgré la crise et ses multiples contraintes, s’est efforcée pour maintenir son rythme d’envoi de fonds.

Trois postulats pourraient expliquer cette prouesse:

“Premièrement, le caractère permanent et fréquent de ces transferts en raison de la proximité familiale qui existe entre les expéditeurs et les bénéficiaires de ces fonds. En effet, selon une étude de Bank Al-Maghrib (BAM) et de la Banque Mondiale (BM), 83% des bénéficiaires interrogées sont des membres de la famille proche des expéditeurs”.

Deuxièmement, la fermeture des commerces et des lieux de loisirs dans les pays émetteurs a pu engendrer une baisse de la part du revenu réservée à la consommation au profit de la part envoyée aux proches au Maroc.

S’agissant de la troisième hypothèse, elle porte sur l’arrêt de la circulation des personnes, causé par la fermeture des frontières extérieures et qui a probablement contribué au recul des canaux de transferts informels au profit des canaux formels.

Ce fait doit s’expliquer par des subventions et des compensations diverses, ainsi que des mesures de relance économique que les pays d’accueil ont entreprises au profit de leurs résidents afin d’en réduire les répercussions économiques, ce qui a représenté une opportunité pour les MDM d’augmenter les transferts de fonds, afin d’aider leurs proches à faire face à la situation difficile.

Force est de constater que la poursuite de la hausse des transferts des MRE demeure dépendante de la relance économique dans les pays d’accueil et par conséquent, de la situation épidémiologique qui est toujours entourée par quelques incertitudes, en particulier avec l’apparition de nouvelles variantes. Il est à souligner l’importance d’améliorer la capacité du Royaume à attirer ces fonds en les intégrant dans le circuit financier en généralisant des instruments permettant la baisse des coûts, pour permettre aux MDM de transférer de l’argent à leurs familles au Maroc dans de meilleurs conditions.

La contribution n’est pas que financière

 Ainsi, la participation des migrants au développement économique du Maroc peut-être synthétisée d’abord en un aspect économique à savoir toute création d’unités de production : petites, moyennes ou grandes entreprises (ouverture de convenances d’emploi) et toute construction d’habitat/immeuble… (Réconfort du niveau de vie) ; ensuite en un aspect capital humain : les migrants – notamment ceux de retour – qui disposent d’une compétence ou d’un niveau universitaire, vont être vus comme des meneurs du développement.

Ainsi, il n’est pas une épreuve d’apprécier quantitativement la contribution migratoire mais de la comprendre à travers les attitudes et les profils des migrants porteurs de projets et dotés d’une richesse humaine.

La contribution des migrants marocains au développement de leurs terroirs d’origine serait une manifestation très consensuelle : tous les acteurs directs et indirects en tirent des bienfaits grâce à un enchaînement d’équilibres et de consentements.

L’interprétation de cette performance trouve également son interprétation à priori des valeurs de solidarité familiale dans lesquelles ont grandi les marocains vivant au Maroc et à l’étranger, mais il est à noter que la plus grande part de ces évolutions positives, a été représentée par les pays d’accueil dans les pays européens, notamment la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Belgique où se concentre le plus grand nombre de MDM.

Si les transferts pécuniaires symbolisent la contribution le plus perceptible des migrants pour le développement du Maroc, le transfert des valeurs humaines et du capital social, accumulés durant la période migratoire, en sont les plus importants.

Par Abdel-JalilZaidane,Tanger (Maroc) pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°10 , pages 13-14, Octobre 2021

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