La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a été signée lors du Sommet de la Terre en juin 1992, à Rio de Janeiro. C’était 20 ans après le Sommet de Stockholm, qui a vu la naissance du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Les deux événements présidés par un grand homme d’affaires du milieu pétrolier, M. Maurice Strong, aussi Directeur Exécutif du PNUE de 1973 à 1976.

Par Hassane Bendahmane, Fonctionnaire à la retraite (PNUE) , Photo : A. El Fouladi

Cette convention en plus de la Convention sur la Diversité Biologique, l’Agenda 21 et la Déclaration de Rio ont constitué un tournant décisif dans le mouvement écologique ainsi que l’engagement politique de plusieurs gouvernements (il y avait aussi la signature de la convention sur la désertification et une déclaration sur les forêts). Retenons que 1992 c’était à peine quelques mois après l’effondrement du Mur de Berlin; cet effondrement marque aussi l’émergence d’un nouveau visage du capitalisme qui ne tolère plus ce qui vient entraver la loi du marché.

Parallèlement, la nature avait sa propre dynamique et les scientifiques ont produit des rapports alarmants sur l’accélération qui devenait de plus en plus irréversible sur le changement climatique. C’est dans ce contexte qu’en 1995 le Protocole de Kyoto a été adopté avec des recommandations beaucoup plus contraignantes que la Convention mère. Paradoxalement ce Protocole risquait de constituer un obstacle sérieux à la loi du marché. Et c’est dans ce contextes que les Conférences des Parties (COP) se sont succédées toujours avec une dose importante d’inquiétude et de rejet.

L’idée est de reconnaître la gravité de la situation mais de convaincre “les autres” de remédier à la tendance inquiétante. Mieux encore, on se fait élire en scandant les problèmes environnementaux, tout en promettant des solutions après cinquante ans. On en est maintenant à la COP 26 qui vient de se terminer aujourd’hui à Glasgow. On se retrouve devant le même scénario d’inquiétude basé sur des données factuelles et sur les reproches des jeunes qui dénoncent l’inaction criminelle des politiciens. Les politiciens essaient toujours de faire prendre les mesures difficiles mais nécessaires par les autres.

On parle du changement climatique depuis des décennies; au sein des Nations Unies, une date importante est celle de 1988. Cette année, Ronald Reagan et Margaret Thatcher étaient aux postes de commandes de deux superpuissances occidentales; on dit même qu’à eux deux (avec l’aide du Pape Jean Paul II et de Lech Walessa,) ils sont arrivés à la déconfiture de L’URSS. Et pourtant, cette année, le Groupe Intergouvernemental des Experts sur le Changement Climatique (GIEC, ou plus communément connu par son abréviation anglaise IPCC) a été créé. Deux grands sages et experts africains en matière de changements climatiques étaient aux postes de commandes de deux institutions onusiennes: Dr Obazi, du Nigéria était à la tête de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM/WMO) et Dr Mostafa Tolba de l’Egypte, était Directeur Exécutif du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE/UNEP). Bien entendu, quand ces sages africains ont tiré la sonnette d’alarme, l’occident s’est méfié et a essayé de les marginaliser: deux bureaucrates onusiens qui voulaient élargir le mandat politique et financier de leurs institutions ou au moins défendre les causes tiers mondistes à travers de telles initiatives.

Mais il fallait sortir de cette impasse; les deux leaders africains ont donc proposé aux deux dinosaures la création d’un panel indépendant d’experts internationaux (respectant le profil idéologique et géographique de l’époque) avec une indépendance de décisions et une organisation interne autonome. L’OMM et le PNUE ont contribué chacun un million deux cinquante milles $US pour la création et le fonctionnement de ce Panel. Depuis 1990, les rapports du GIEC ont été systématiquement catégoriques sur des points essentiels qui ont constitué un cauchemar pour les politiciens :

  1. Oui les conditions climatiques varient selon des lois naturelles à travers toute l’Histoire de la planète. Donc tous les changements ne sont pas dus exclusivement aux activités humaines.
  2. Depuis le 20ieme siècle et surtout depuis sa deuxième moitié, les gaz à effet de serre ont contribué d’une manière significative et progressive aux changements climatiques
  3. Ces changements climatiques causés par l’humanité depuis la révolution industrielle ne cessent de s’aggraver et de mettre en danger la survie humaine sur cette planète bleue et solitaire dans l’espace; on n’a pas encore trouvé une autre planète habitable par les humains que nous pourrions coloniser.
  4. La science nous indique que la technologie moderne nous permet de trouver des sources d’énergie qui permettent à l’humanité de continuer à prospérer en utilisant des sources d’énergie propres. A titre d’exemple, l’énergie solaire produit de l’électricité qui coûte 16 cents le kilowatt alors que l’électricité venant du charbon ou du pétrole, coûte 22 à 24 cents le kilowatt. Mais là on entre déjà dans l’arnaque. Patientons un peu.
  5. Les Sources d’énergie fossiles ont été utilisées et ont constitué des fortunes ainsi que des nuisances environnementales depuis les années 20 du siècle dernier. Des mécaniciens des moteurs à cylindres, aux stations d’essence, en passant par les raffineries et les tankers, des millions de foyers sont devenus dépendants pour leurs salaires et leurs actions en bourse; le citoyen lambda de l’Alberta subit des conséquences directes sur sa qualité de vie quand on arrête le frackage du schiste bitumineux dans sa région. Il faudrait recycler toute une frange de la main d’œuvre vers d’autres métiers, moins polluants, vers Les sources d’énergie, hydraulique, éolienne et solaire; il faudra développer de nouveaux secteurs comme les batteries performantes pour le stockage de l’électricité.

Conclusion? Les politiciens endurcis qui sont les produits dérivés des hydrocarbures du siècle dernier crieront haut et fort que les énergies renouvelables c’est de l’arnaque; ils soutiennent sans se gêner les milliards de dollars de subvention aux hydrocarbures pour que le kilowatt solaire ne soit pas moins cher que le kilowatt fossile d’une manière trop flagrante. On va même jusqu’à créer des départements d’énergie renouvelables au sein des multinationales fossiles, comme vernis et aussi pour dormir avec la conscience moins perturbée.

Tout cela était possible et faisable tant que l’occident était le “big bully in the block”. On planifiait tranquillement le temps d’amortissement d’une technologie ou processus avant de sortir l’alternative novatrice pour l’amortir encore une fois pendant un certain nombre d’années. Seulement, il se trouve qu’un nouveau concurrent se pointe de l’autre côté de la rue, du côté des bidonvilles (tiers monde si l’on veut), qui lui, dispose d’une population qui permet l’existence d’un marché autonome; non seulement autonome sur le plan politique mais qui constitue un immense marché pour les biens et services de l’autre côté de la rue. Et ce concurrent est en train d’innover à une vitesse inquiétante pour le statu-quo et n’hésite pas à mettre sur le marché ses innovations d’une manière presque instantanée. Tellement de retard et tellement d’opportunités! Cela vient bousculer, bien entendu les programmes d’amortissement qui sont calculés selon le principe de la maximisation du profit. Une opportunité ratée de concurrence bénéfique pour le bien de l’humanité?

Alors on invite toute la communauté internationale à contribuer à la lutte contre le changement climatique. L’Afrique, responsable de 4% des gaz à effets de serres au niveau mondial est appelée à réduire le nombre d’arbres qu’elle abat pour la construction ou pour la cuisson (il ne faut surtout pas parler de la quantité beaucoup plus importante de bois que l’occident importe d’Afrique sous forme de bois de qualité pour les meubles et autres); on demande aussi à l’Afrique de ne pas suivre le mauvais exemple des industries polluantes qui ont permis le bien être des occidentaux; mais on refuse le transfert de technologies qui assurerait le raccourci sous prétexte que la technologie appartient au secteur privé et que la démocratie respectable et sacrée des pays développés interdit l’intervention étatique dans le secteur privé; on peut à la limite exporter certaines industries particulièrement polluantes vers les pays africains mais pas plus.

Mais il y a toujours cet élément qui vient des bidonvilles et qui essaie de montrer aux autres de nouvelles manières de faire; on revient un peu au scénario du mouvement des non alignés des années 70; les habitants du quartier exercent le peu de pouvoir de négociation pour se ranger derrière celui qui va les bouffer maintenant ou derrière celui qui va laisser mijoter la marmite. Et puis, même les grands se serrent les coudes pour ne pas être ceux qui dépensent le plus pour lutter contre le changement climatique; il faut laisser les autres dépenser davantage dans cette lutte pour que leurs produits soient moins compétitifs sur le marché mondial (ils appellent cela l’externalisation des coûts de production; eh oui la théorie économique doit s’adapter à la nouvelle mode).

Alors, on revient à ce “machin” onusien, selon le célèbre épithète de Charles de Gaulle pour faire semblant de faire quelque chose, pour faire semblant qu’on est en train de négocier, pour montrer aux victimes, les pauvres d’aujourd’hui et les générations futures, qu’on fait de son mieux mais que les enjeux sont trop grands. Alors on prend des demi mesures et on réduit les élans de l’Accord de Paris (COP 21 de 2015) où l’on a promis 100 milliards $US pendant dix ans à partir de 2020 et on nous demande d’applaudir le grand exploit d’avoir approuvé à Glasgow moins de dix pour cent de ce qui avait été prévu. Mais que voulez vous? On a arnaqué des millions d’êtres humains, depuis longtemps; alors la nature… peut attendre. Seulement la nature a ses propres lois que nous ne comprenons pas toujours; oui la nature fait que les pauvres humains souffrent plus que les riches des désastres naturels même quand ce sont les riches qui sont en partie responsables de ces désastres naturels; ce que nous oublions trop facilement c’est que la nature, quand elle en a vraiment assez de nos abus des bactéries humaines, elle ne choisit plus entre les riches et les pauvres; le tsunami de Fukushima (2011), Tchernobyl (1986 mais là les humains ont quand même donné un coup de main), le SARS et maintenant le COVID-19 met tout le monde sur le même pied d’égalité. Et nous ne savons pas ce qui nous attend dans un avenir plus ou moins proche. Il y a même des accelerationnistes qui veulent bien donner un coup de main pour précipiter l’hécatombe, en croyant exécuter la volonté divine (ils mettent leurs pathologies criminelles sur le compte divin alors que tous les messages divins sont basés sur l’amour et l’aide à autrui).

Ce machin qu’est l’ONU est l’une des créations les plus importantes de l’Humanité pendant le 20ieme siècle (l’Empire Romain était un autre exploit dans la gouvernance ) mais on l’a tellement instrumentalisée pour des objectifs égoïstes selon la volonté des plus forts, qu’une révision de fond s’impose pour que le système fonctionne véritablement comme un garant de la bonne gouvernance mondiale; ceci est d’autant plus urgent qu’un certain nombre de multinationales sont trop grandes (too big to fail) et elles dépassent le pouvoir, les frontières et la juridiction des états individuels. Un contre poids, comme les Nations Unies s’impose! Certains préféreraient jeter le bébé avec l’eau de bain. Avec plus de 7 milliards d’humains plus voraces que jamais des ressources naturelles et qui peuvent détruire la planète plusieurs dizaines de fois en appuyant sur un bouton, on se retrouve avec le système de gouvernance qui ferait rire de nous le dernier des groupes d’animaux dans la jungle. Malins? Peut être! Intelligent? Peu probable! Sage? Impossible.

Revenons. Réduire l’augmentation de la température globale à 1,5 degrés Celsius restera un idéal pour calmer la colère des jeunes; mais on n’y arrivera pas; il faut quand même être réaliste; il y a des emplois à créer et du pain à mettre sur la table. Mais après 2050, on vous promet qu’on arrivera à la neutralité des gaz à effets de serre. Comment? On vous l’expliquera plus tard, faites confiance et votez pour nous pour le moment.

Entre-temps on peut déjà promettre des initiatives concrètes: on va réduire de 30% le méthane d’ici la fin de cette décennie; il ne faut pas oublier que le méthane est 80 fois plus destructeur que le dioxyde de carbone (ce qu’on omet de dire c’est que la quantité de dioxyde de carbone est des milliers de fois plus présent dans l’atmosphère que le méthane). Ah! Mais d’où vient le méthane? Des champs de riz, des marécages et zones humides; et même des cochons et des vaches qui pètent; en tout cas l’industrie n’a rien à craindre.

On promet aussi les programmes de reforestation, ce qui n’affecte pas, encore une fois les cheminées des usines mais qui vont permettre aux arbres d’absorber le dioxyde de carbone pour nous procurer de l’oxygène. Génial! C’est pour cela qu’on a qualifié le Brésil de poumon de la planète et que le gouvernement brésilien n’avait pas le droit de porter atteinte aux poumons de la planète. Une autre arnaque: pour chaque arbre “consommé “ par un brésilien, 17 sont exportés je ne sais où (devinez). Ces programmes de reforestation devraient faire partie des mesures d’adaptation et de mitigation mais on n’en parle pas encore en ces termes; cela se négocie.

Pour des raisons diamétralement opposées avec je ne sais plus qui, je suis arrivé à la conclusion que les changements climatiques, c’est de l’arnaque.
Bonne chance Greta; je souhaite vivement avoir de ta patience et de ton courage; mais continue à dénoncer. On ne sait jamais d’où le changement peut venir.

Par Hassane Bendahmane, Fonctionnaire à la retraite (PNUE) pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°12 , pages 10-11, Décembre 2021

LIRE L’ÉDITION DU MOIS DE DÉCEMBRE 2021 :

Maghreb Canada Express

By AEF