Depuis l’arrivée des talibans au pouvoir en août 2021, l’aide humanitaire manque cruellement, le prix des produits de première nécessité s’enflamme, la famine s’installe. C’est justement pour s’alimenter dans un pays où la pauvreté empire chaque jour que des parents en viennent à commettre le pire : vendre leurs enfants. Souvent, ce sont les petites filles qui sont envoyées ailleurs contre une somme d’argent… À un homme beaucoup plus âgé qui en fera sa femme, ou à une famille qui ne peut pas en avoir.

Une journaliste de France 2 s’est rendue à Qala-E-Naw, dans un camp « perdu dans la montagne à 4 heures d’Herat », à l’Ouest de l’Afghanistan. Elle y a rencontré deux femmes qui ont dû avoir recours à cette transaction tragique. Amina, 10 ans, a été vendue à un homme de 20 ans de plus qu’elle, qui viendra la chercher dans quelques semaines. « Il n’y aura pas de mariage, il l’emmènera de force« , commente la reporter.

Face à la caméra, la fillette pleure en pensant au destin qui l’attend. Sa mère est tout aussi bouleversée, mais explique sa décision par un désespoir omniprésent dans le village, et le besoin de nourrir ses autres petites. « J’ai vendu ma fille à cause de la famine et de la pauvreté« , confie-t-elle en essuyant ses larmes. Elle en tirera 2 300 dollars pour rembourser ses dettes.

« Aucune garantie que le mari attende la puberté de la fillette avant d’avoir des relations sexuelles« , conclut avec gravité la journaliste… »On pense que l’on peut lui offrir un meilleur avenir« 

Dire adieu à l’aînée pour sauver les plus jeunes, c’est aussi le choix dévastateur qu’a dû prendre la mère de Sebara, 5 ans. Pour 500 dollars, elle a vendu sa fille à un couple aisé qui n’arrive pas à concevoir: Assez d’argent pour nourrir sa fille handicapée et son bébé de 5 mois.

Elle raconte avoir emmené l’enfant chez ses acheteurs en lui « disant des mensonges« , puis l’avoir laissée pour la nuit. La fillette a tellement pleuré qu’elle s’est enfuie jusqu’à chez elle, et s’est accrochée à la jambe de sa mère pour ne plus la quitter. Le couple reviendra la chercher dans quelques jours, ne voulant pas la brusquer dans cette nouvelle vie, et convaincu de pouvoir « lui offrir un meilleur avenir, avec une meilleure éducation ».

Un phénomène dramatique qui aurait doublé en un an, que commentait auprès du Parisien la journaliste de TF1 Liseron Boudoul, en décembre 2021. « Certaines seront vendues et revendues, en Iran puis au Pakistan, pour être prostituées. Un villageois évoque l’existence de trafics d’organes d’enfants avec les pays voisins. Je n’ai pas rencontré de trafiquants, mais c’est, hélas, une possibilité réelle« .

Dans ce reportage de France 2, nous assistons à une jeune femme afghane qui a vendu son rein droit pour survivre, elle préfère vendre son organe pour préserver sa fille.

Dans l’ouest du pays, c’est un véritable drame humain qui se joue actuellement. Certains parents ne sont pas d’accord entre eux, mais le manque d’argent les pousse à prendre des décisions radicales. « Mon père m’a vendue, parce qu’on n’avait rien à manger. Quand ma mère l’a appris, elle lui a dit qu’elle n’était pas d’accord« , témoigne une fillette de 9 ans.

Une détresse qui s’explique par la prise du pouvoir des Talibans en 2020, après des accords avec les États-Unis. Depuis, les aides internationales ont été presque toutes coupées. Une pauvreté amplifiée depuis quelques mois, assortie d’une régression des principaux droits des femmes dans le pays.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express , Vol. XX, N°11, Page 07, Édition de NOVEMBRE 2022.

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