Les raisons économiques, la corruption, les études, la sécurité et l’envie de vivre de nouvelles expériences sont, respectivement, les principales motivations qui poussent ces jeunes à tenter leur chance sous d’autres cieux plus cléments, selon une étude.
Même si elle ne date pas d’aujourd’hui, l’émigration internationale en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a pris la forme d’un mouvement massif ces dernières années. Au Maghreb, près de la moitié (47 %) des jeunes souhaitent ou cherchent à quitter leurs pays, selon une étude menée en 2020 auprès des 18-24 ans de 17 pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Les conditions socio-économiques arrivent en tête des motivations pour changer de pays.
Pas moins de 4?000 jeunes de 18 à 24 ans issus de 17 pays du Maghreb, du Proche-Orient et du Golfe ont répondu à cette étude du cabinet ASDA’A BCW. Pour mieux cerner cette problématique, l’agence basée à Dubaï a mené son enquête en janvier, avant l’apparition de la crise sanitaire, puis en août, et ce, afin de mesurer l’ampleur des conséquences de la pandémie sur les populations locales où le chômage touche un jeune sur trois ; deux fois plus que la moyenne mondiale.
Pas moins de 89 % des jeunes arabes avouent être inquiets du niveau de chômage dans leur pays et 20 % des sondés ont par ailleurs indiqué qu’un membre de leur famille a perdu son emploi en raison de cette pandémie mondiale, selon les conclusions de l’enquête.
Les raisons économiques, la corruption, les études, la sécurité et l’envie de vivre de nouvelles expériences sont, respectivement, les principales motivations qui poussent ces jeunes à tenter leur chance sous d’autres cieux plus cléments, d’après un quart des sondés.
Le souhait d’avoir plus de libertés ou de droits politiques arrive en bas du classement avec seulement 8 % des personnes interrogées mentionnant l’une de ces raisons comme raison de leur projet d’émigration.
Le même sondage relayé par la presse révèle que les Tunisiens (52 %) arrivent en tête des jeunes Maghrébins souhaitant émigrer. Viennent ensuite le Maroc (46 %), puis l’Algérie (33 %). Les jeunes Libanais (77 %), les Libyens (69 %), les Yéménites (66 %) et les Irakiens (65 %) sont plus tentés par la migration contre seulement 6 % de jeunes Saoudiens et 3 % d’émiratis .
Par ailleurs, dans une autre enquête publiée en juillet 2023, il est mentionné que près de deux tiers des jeunes Arabes des pays qui ne font pas partie du Conseil de coopération du Golfe (CCG) n’ont pas confiance dans la capacité de leur gouvernement à répondre à leurs préoccupations les plus pressantes, telles que le chômage, la corruption et l’augmentation du coût de la vie, rapporte PR Newswire, une agence de presse américaine spécialisée dans la publication de communiqués de presse.
En revanche, plus des trois quarts (78 %) des jeunes Arabes des États du CCG déclarent que leurs dirigeants accordent de l’importance à leur voix, tandis que 87 % d’entre eux affirment que leur gouvernement mène les bonnes politiques pour répondre à leurs préoccupations les plus importantes. Les jeunes hommes et les jeunes femmes du CCG ont également exprimé leur confiance dans leur gouvernement pour lutter contre la corruption. C’est l’avis de 97 % des jeunes aux Émirats arabes unis, 84 % à Oman, 82 % au Bahreïn, 69 % en Arabie saoudite et 56 % au Koweït, souligne la même étude.
Tous les jeunes Émiriens interrogés se sont dits confiants dans la capacité de leur gouvernement à assurer la stabilité économique ; des niveaux élevés de confiance dans la gestion économique ont été observés en Arabie saoudite (82 %), à Oman et au Koweït (73 % chacun) et au Bahreïn (67 %).
S’agissant de l’Afrique et du Proche-Orient, un tiers seulement des jeunes interrogés dans ces régions ont déclaré que leurs dirigeants accordaient de l’importance à leur voix, tandis que deux tiers ont déclaré que leurs gouvernements ne menaient pas les politiques appropriées pour répondre à leurs préoccupations les plus importantes. De même, les deux tiers (61 %) des jeunes d’Afrique du Nord et environ les trois quarts (71 %) des jeunes du Levant ont déclaré que leur pays allait dans la mauvaise direction, ajoute l’ASDA’A BCW.
L’exil à tout prix
En Afrique du Nord, seuls quatre jeunes sur dix (38 %) sont convaincus que leur gouvernement peut lutter contre le chômage, tandis qu’au Levant, seul un tiers (32 %) estime que leur gouvernement est en mesure de faire face à ce problème.
Les jeunes sont tout aussi pessimistes quant à la capacité de leur gouvernement à lutter contre l’inflation, 41 % des jeunes d’Afrique du Nord et un tiers (33 %) des jeunes du Levant ayant déclaré qu’ils ne faisaient pas confiance à leurs dirigeants pour gérer l’augmentation du coût de la vie.
Plus de 100 000 Marocains tentent chaque année de traverser clandestinement le détroit de Gibraltar pour gagner l’Europe. Les jeunes qui quittent leur pays ont, en général, le même objectif: celui du travail. Idem en Algérie où jeunes et moins jeunes, femmes ou enfants, risquent chaque jour leur vie pour quitter clandestinement le territoire national à destination de l’eldorado européen à bord de bateaux de fortune.
Selon le sociologue Nacer Djabi, l’augmentation du nombre de harraga au pays du pétrole et du gaz est l’un des meilleurs indicateurs de la pression sociale. Selon une ONG espagnole ,1526 harraga algériens ont disparu en mer en cinq ans. En 2020, les Algériens représentaient les deux tiers des arrivées, devant les Marocains, selon l’agence européenne Frontex.
La Tunisie, premier pays où les candidats au départ vers l’Europe prennent la mer, est confrontée elle aussi au même problème. L’OCDE a indiqué qu’entre 2011 et 2017, environ 94.000 personnes ont quitté la Tunisie, dont 84% vers l’Europe.
Le pays a également assisté à une énorme vague d’immigration clandestine depuis le départ du Président Ben Ali, selon l’Organisation internationale pour les migrations. Le nombre d’entrées irrégulières dans l’Union européenne (UE) par la Méditerranée centrale, entre janvier et avril 2023, a augmenté de près de 300% par rapport à la même période en 2022, soit 42.200 entrées illégales, rapporte le quotidien français Le Figaro.
Par voie légale ou illégale, ils sont de plus en plus nombreux les jeunes Maghrébins à émigrer principalement de l’autre côté de la Méditerranée, mais aussi en Amérique du Nord (USA, Canada) à la recherche d’une vie meilleure. Le Maghreb est devenu, depuis 2001, le troisième bassin de recrutement pour les immigrants au Québec. «Le premier facteur des départs au Maroc, c’est la dégradation de la situation économique, en Algérie c’est le désespoir lié à l’échec de changement politique et, en Tunisie, la désillusion face l’absence de perspectives politiques et économiques», estime Ivan Martin, chercheur espagnol spécialiste des migrations.
Par Ahcène Tahraoui pour Maghreb Canada Express, Vol. XXI, N°09, Page 03, Édition du mois de septembre 2023.