La richesse et la diversification de l’immigration en Afrique n’ont jamais été mises à l’honneur. En Europe, par contre, en raison de la philosophie libérale, on a confondu égalité morale et égalité concrète.  D’où le durcissement et la dégradation des politiques migratoires. Et c’est ainsi que naquit une idée.

Une idée qui consiste à organiser un départ collectif de l’Europe, de millions de personnes*, de différentes nationalités et de profils différents, vers un pays africain qui reste à déterminer, a fait son chemin, malgré ses détracteurs. Elle a même exercé un certain pouvoir d’attraction sur des étrangers nés en Europe et des Européens. 

Cette idée ou ce phénomène discret est non quantifiable et est en expansion. Cette idée, si elle se réalise, pourrait bouleverser l’architecture de l’Europe. Pourtant, paradoxalement, un afflux record de migrants continue vers l’île de Lampedusa, Sebta, ou encore  vers la Grande, ces traversées en small boat, avec son lot de naufrages dans la Manche. Et ce, malgré la mesure de Boris Johnson de les renvoyer au Rwanda (abrogée par le gouvernement actuel).

Ces migrants, en quête d’eldorado de « la souffrance », de la stigmatisation, des éloignements forcés et de la misère, sont accueillis par un durcissement sans précédent de la législation, sous la pression de l’extrême droite. A commencer par l’Italie, où les recettes dures de Giorgia Melloni ont fait baisser les flux.

Puis, Au Pays-Bas, le gouvernement demande une loi d’urgence et une dérogation aux règles de l’UE sur l’asile. L’Autriche où l’extrême droit a fraichement (ce septembre 2024) remporté une victoire historique, tout comme Chypre,  pense expulser des Syriens chez eux. L’Allemagne, après avoir expulsé quelques Afghans vers leur pays, a tout simplement rétabli le contrôle à ses frontières. Une politique qui peut avoir une incidence sur les règles de l’Espace Schengen. L’Allemagne, confrontée à une pénurie de main-d’œuvre a aussi conclu des accords de migration avec le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, l’Inde, la Géorgie, la Moldavie, les Philippines et le Kenya pour attirer du personnel qualifié.

La Hongrie, condamnée par la Cour européenne de Justice à payer 200 millions d’euros pour « violation sans précédent et exceptionnellement grave du droit de l’UE » pour avoir imposé des restrictions au droit de l’asile, a tenté récemment de convoyer en bus des migrants vers Bruxelles. Le porte parole du gouvernement hongrois a même tenu , à Röszke,  une conférence de presse en étant face à plusieurs bus. La Commission européenne habilitée à retirer les 200M€ des fonds européens destinés à la Hongrie, s’est opposée à son geste. La Commission européenne en a profité pour rappeler les valeurs de l’UE.

La Suède non plus,  ne veut plus de migrants sur son sol, fini le modèle scandinave. Elle propose une aide au retour. Le Danemark s’est doté de 42 lois restreignant l’entrée au Danemark et facilitant l’expulsion des migrants chez eux ou au Rwanda. La police danoise peut même confisquer les biens d’un demandeur d’asile arrivé sur son sol. L’asile y est réévalué chaque année. Et donc, même si l’UE a approuvé ‘le pacte migration-asile’, des difficultés subsistent encore. Elle a, d’ailleurs, offert une aide financière à l’Egypte, au Liban et la Tunisie en échange d’un contrôle de la migration. Et le débat risque d’être chaud lors de du Sommet européen de la mi-octobre à ce sujet.

La Pologne veut mettre fin aux allocations sociales pour les 300 mille hommes ukrainiens sur son sol, et elle estime qu’ils ont le devoir de retourner chez eux combattre. En Finlande, avec le succès du parti des ‘Vrais finlandais’ dont un ministre est soupçonné d’appartenir à l’ultra droite’, les choses se compliquent pour les migrants.

En France, par contre, on peut distinguer :

– les migrants installés en toute légalité et qui font face à des difficultés, tels que les médecins diplômés dans les pays du Maghreb (PADHUE**). Ils ont un statut précaire de stagiaire associé et peuvent accéder à l’équivalence des diplômes après plusieurs années de procédures administratives, et n’ont pas le droit de s’inscrire à l’ordre des médecins, ni signer un certificat de décès.  « les Maghrébins n’ont pas leur place dans les hauts lieux ‘ a déclaré un député de l’Yonne,  écarté du RN.

Quant à la loi promulguée le 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, elle a apporté du neuf. Afin de répondre aux besoins de recrutement dans les hôpitaux, une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent-profession médicale et de la pharmacie » de 4 ans a été initiée.

Car, quand une idéologie crée un climat anxiogène face à l’immigration, que ça soit l’immigration européenne en Afrique ou africaine en Europe, en opposant les uns aux autres, ça sape la cohésion sociale et le vivre ensemble qui est la base de la stabilité des pays .

– Puis, il y’a l’émigration fiscale et patrimoniale de Français vers d’autres pays européens.

– Et finalement, l’émigration de Français issus de l’immigration, surdiplômés, surqualifiés, désabusés, désenchantés, qui disent fuir le racisme, la discrimination, et en raison d’un plafond de verre de préjugés. Un phénomène révélateur d’un malaise ambiant, d’insécurité et de non-appartenance de ces descendants des Tirailleurs maghrébins et sénégalais ayant combattu pour la liberté de l’Europe.

Ils quittent la France pour la Grande Bretagne, les pays du Golfe ou le Canada. Des pays aux aguets saisissant des opportunités rares. D’ailleurs, l’ouvrage la France, tu l’aimes mais tu la quittes, ausculte ce mal-être. Et ce serait bien que la classe politique des pays d’origine de ces jeunes se penche sur le problème.

Car, ce qui est problématique, ce n’est surtout pas l’immigration, mais plutôt les courants idéologiques  extrémistes qui sont un mal et une menace pour l’Europe et la démocratie.      

NOTES

* Une certaine idée certaine. Pas de coordination entre ces personnes ni leur nombre exact, mais l’idée de propage. On parle de 10 millions de personnes. Si elle se transforme en vrai projet, une simple projection peut nous donner l’ampleur de richesses et de patrimoine et son impact positif sur le pays choisi.

** Pharmaciens, praticiens, diplômés hors Union européenne.

Par Abdelrhani Belhaloumi, pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°08, page 6, Édition Octobre 2024

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