Confronté à un chômage au plus haut, après sa nomination, le premier ministre Akhanouch promettait de faire de l’emploi la priorité de son mandat. Mais il faut se rendre à l’évidence, le chômages des jeunes et des moins jeunes a atteint des sommets abyssales. Le gouvernement est indifférent et reste dans sa zone de confort. Et, comme le soulignait la journaliste marocaine Souad Mekkaoui, « cette indifférence, loin d’être un simple désintérêt passager, reflète un désenchantement amer qui a pris racine au sein de la population. Les Marocains, confrontés à une inflation galopante et un chômage endémique, ont cessé de croire en la capacité de leurs dirigeants à apporter les changements tant attendus. Le gouvernement Akhannouch fait donc face à une amertume palpable au sein des citoyens, un sentiment qui s’est intensifié au fil des mois, à mesure que les espoirs s’évanouissaient. »

Le quotidien « Le Monde » relève de son côté dans le discours du gouvernement Akkhanouch, « Des contrevérités », « un déni de la réalité », « un discours excessif d’autosatisfaction ». Les critiques de l’opposition n’ont pas manqué de fuser après la présentation,  au Parlement, du bilan du gouvernement marocain. Pendant près de deux heures, son chef, Aziz Akhannouch, aux commandes depuis les élections législatives de 2021, a adressé un satisfecit à chacun de ses ministres. « Ce qui a été réalisé a dépassé toutes les attentes », s’est-il félicité, en détaillant les résultats de son équipe à mi-mandat : universalisation de l’assurance-maladie obligatoire, aide au logement, augmentation des salaires, réforme de l’école publique, baisse de l’inflation, réduction du déficit budgétaire…

S’il était attendu, l’exercice ne relevait pour Aziz Akhannouch que d’une formalité. Adossée à deux autres partis, la coalition gouvernementale, qu’il dirige sous l’étiquette de sa formation, le Rassemblement national des indépendants (RNI), détient la majorité absolue au Parlement. En face, les quelque 120 députés de l’opposition, sur un total de 395, ne pèsent pas lourd, d’autant plus qu’ils sont divisés.

Nous sommes en 2024,  les indicateurs économiques sont inquiétants en dépit du satisfecit gouvernemental. Le tableau social actuel est le moins que l’on puisse dire, alarmant : un taux de chômage de 13,7%, qui explose à 17,1% dans les zones urbaines et frappe encore plus durement les jeunes diplômés (25%) et les femmes (20%). Le pouvoir d’achat, déjà érodé, se trouve réduit à une peau de chagrin par une inflation qui, loin de se stabiliser, continue de grignoter les revenus des ménages. Les promesses de réformes et de création d’emplois se heurtent à la dure réalité d’une économie en souffrance, où les denrées de première nécessité deviennent des luxes inaccessibles pour de nombreux Marocains. Si les prévisions gouvernementales tablent sur une inflation de 2,1% en 2024, le vécu des Marocains est bien plus douloureux : le prix des denrées de base flambe, rendant inaccessibles des produits autrefois courants.

Comme on peut le lire dans l’article de Souad  Mekkaoui publié dans « Le Maroc Diplomatique », « Au-delà des chiffres et des statistiques, ce sont deux secteurs névralgiques, la Santé et l’Éducation, qui crient leur malaise. Des secteurs qui devraient être les fondements solides sur lesquels repose toute société, mais qui, au Maroc, sont au bord du gouffre. Dans les hôpitaux, l’accès aux soins est devenu un parcours du combattant, marqué par des infrastructures délabrées, un personnel médical sous pression et des délais d’attente interminables. Les grèves, bien que légitimes, viennent accentuer ce sentiment d’abandon, laissant les citoyens les plus vulnérables dans une détresse profonde menaçant même la vie de certains patients dont les traitements ne respectent plus la fréquence. »

Le Maroc est revenu « au niveau de pauvreté et de vulnérabilité de 2014» à cause de la pandémie de Covid-19 et de l’inflation, selon une note récente du Haut Commissariat au plan (HCP). La flambée des prix (+ 7,1 % en octobre sur un an), la hausse du coût des carburants, des denrées alimentaires et des services, combinées à une sécheresse exceptionnelle, plombent la croissance (+ 0,8 % seulement prévue pour 2022). Le pouvoir d’achat des plus pauvres, mais également de la classe moyenne, s’en trouve particulièrement touché dans un pays qui souffre déjà de disparités sociales et territoriales.

Il faut rajouter à ça les jeunes marocains  qui bravent le danger pour passer en Europe, ces migrants, dont fait partie plusieurs mineurs .

En effet, les traversées clandestines de la Méditerranée ne sont pas nouvelles au Maroc en général, mais ces dernières années, selon plusieurs médias, ces jeunes tentent d’entrer, dans l’enclave espagnole. Un véritable exode ! Il y a des vidéos où on voit bien des centaines de jeunes escalader des collines et tenter de passer à travers les barbelés dans la zone de Fnideq (côte nord, à environ 300 km de Rabat). Et cela s’est déroulé sous les yeux des éléments ayant constitué le fort dispositif sécuritaire déployé sur le lieu, qui était totalement dépassé. Déterminés à atteindre leur objectif, ces candidats à la migration clandestine n’ont pas reculé, malgré les tirs de grenades lacrymogènes par les services de la gendarmerie marocaine !

Le gouvernement marocain choisit une réponse sécuritaire à un phénomène social, engendré par des sentiments de malaise, d’injustice et de privation chez des jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur.

Tentant d’anticiper sur une nouvelle vague de candidats à la migration clandestine, les autorités marocaines ont déjà déployé des renforts d’agents de sécurité dans la zone de Fnideq. Mais jusqu’à présent, il n’y a eu aucune volonté de comprendre les raisons de ce phénomène et pourquoi les jeunes préfèrent prendre tous les risques pour quitter massivement leur propre pays. Pourtant, les éléments de réponse sont donnés par la société marocaine.

Alors faut-il remanier le gouvernement pour améliorer les choses ?

J’en doute ! Au Maroc les gouvernements se suivent et se ressemblent.

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°08, page 4, Édition Octobre 2024

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