Nous nous souvenons tous de ce jour tragique, le mardi 12 septembre 2023, lorsque la terre tremblait encore sous les pieds des habitants des régions d’Al Haouz et de Souss, secoués par des répliques sismiques. Les équipes de secours étaient mobilisées sur le terrain, cherchant les disparus et portant assistance aux victimes d’un séisme dévastateur, qui avait ravagé des vies humaines, des animaux et des constructions. C’est dans ce contexte tragique que le président français est apparu ému sur le réseau “X” (anciennement Twitter), s’adressant directement aux Marocains, alors que les relations franco-marocaines traversaient une période particulièrement tendue.
Cette intervention, bien que marquée par une grande politesse et une offre d’aide, a suscité une vague de colère sur les réseaux sociaux. Pour de nombreux Marocains, voir le président d’une ancienne puissance coloniale s’adresser directement à eux sans passer par les voies diplomatiques habituelles avait quelque chose d’inapproprié. Le Maroc est une monarchie avec plus de quatre siècles de tradition diplomatique, et cette intervention française était perçue comme un écart protocolaire.
Qui aurait imaginé que presque un an plus tard, le même président serait accueilli par les Marocains avec une chaleur sincère, dépassant le cadre du protocole ? Emmanuel Macron a, en effet, prononcé un discours profond depuis la tribune du Parlement marocain, un discours qui tenait plus d’une conférence académique que d’une intervention politique. Avec courage, il a abordé des questions historiques, économiques, culturelles et des dossiers sensibles. Son discours, riche et complexe, avec des termes bien choisis et un langage soigné, a mis en lumière sa connaissance du Maroc, au point que nos parlementaires ont choisi de ne pas utiliser les dispositifs de traduction, préférant suivre en français.
Néanmoins, accueillir un chef d’État étranger au Parlement est une pratique ancienne, qui, au XXe siècle, est devenue un symbole de la qualité et de la hauteur des relations bilatérales. Ce genre d’interventions reste gravé dans les mémoires, comme celle du président Kennedy en 1963 au Parlement allemand, affirmant la solidarité des nations démocratiques avec Berlin : “Ich bin ein Berliner,” “je suis Berlinois”, ou encore celle d’Angela Merkel au Congrès américain en 2009, rappelant que “la démocratie est une force fragile nécessitant l’engagement de chaque génération”.
Dans son discours, Macron a cité l’ambassadeur marocain Abdallah Ben Aïcha, figure emblématique du Maroc diplomatique et militaire, qui, au XVIIe siècle, refusa de s’entretenir avec les envoyés de Louis XIV tant qu’il n’avait pas été reçu en tant qu’ambassadeur officiel du sultan Moulay Ismaïl. Une fois cela acquis, il prononça un discours en arabe, traduit par le célèbre peintre français Eugène Delacroix. Par cette référence, Macron a habilement illustré la profondeur des relations maroco-françaises, et, en tant que président, il n’a pas esquivé les blessures de la période coloniale, mais les a abordées comme partie intégrante de l’histoire commune.
L’un des moments les plus marquants du discours a été lorsque Macron a réaffirmé la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara. Sa voix claire et ferme, dépassant symboliquement les frontières fermées entre le Maroc et l’Algérie, a suscité une vive émotion dans l’hémicycle. Ce moment de vérité a été perçu comme un acte de courage, consolidant les relations bilatérales et témoignant du respect mutuel.
Ainsi, bien qu’il soit le quatrième président français à s’exprimer devant le Parlement marocain après Chirac, Sarkozy et Hollande, ce discours d’Emmanuel Macron restera comme l’un des plus significatifs par son impact politique.
Quant au refus de Louis XIV de marier sa fille au sultan Moulay Ismaïl, malgré les éloges de l’ambassadeur Ben Aïcha, cela appartient à une autre Histoire.
Par Abderrafie Hamdi pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°09, page 06, Édition Novembre 2024