De Rabat (Maroc), Abderrafie Hamdi
Une justice équitable, impartiale et indépendante constitue l’un des piliers fondamentaux de la stabilité et de la sécurité des sociétés. Elle garantit la protection des droits humains et des libertés fondamentales.
Parmi les grandes problématiques qui ont interpellé juristes et magistrats à travers les siècles – et fait couler beaucoup d’encre –, figure la distinction entre vérité factuelle et vérité judiciaire.
Un juge, qu’il soit assis ou debout, peut-il fonder son jugement ou sa qualification des faits sur sa connaissance personnelle et ses expériences extérieures à l’audience (la vérité factuelle) ? Ou doit-il se limiter strictement aux preuves, témoignages et documents présentés devant lui (la vérité judiciaire) ?
Cette réflexion m’a habité en suivant l’écho mondial provoqué par la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d’émettre un mandat d’arrêt international contre :
« Benjamin Netanyahou, né le 21 octobre 1949, marié, père de trois enfants, actuellement Premier ministre d’Israël, récidiviste.
Il est accusé de crimes imprescriptibles qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, perpétrés dans des territoires sous mandat des Nations Unies, à savoir la Palestine et le Liban. Ces faits relèvent pleinement de la compétence territoriale de la CPI et répondent aux critères d’un procès équitable. »
J’imaginais alors la satisfaction de Karim Ahmad Khan, procureur général de la CPI, au moment de signer cette décision historique. Une vérité judiciaire, appuyée par des preuves et des arguments solides, venait ainsi consacrer une vérité factuelle : des milliers de victimes, des blessés, des déplacés, et des millions de vies brisées depuis quatorze mois à Gaza, et bien avant cela, partout en Palestine. Une vérité connue non seulement par Karim Khan, mais aussi par le monde entier.
Cependant, la force des décisions judiciaires ne réside pas uniquement dans leur formulation, mais aussi dans leur exécution. Bien que le scepticisme domine quant à la probabilité qu’un des 124 États parties au Statut de Rome procède à l’arrestation de Netanyahou, ce mandat d’arrêt reste une décision historique. Il fissure le mur de l’impunité dont jouissent certains dirigeants – un mur qui ne pourra jamais être restauré, compte tenu du poids symbolique et politique de l’accusé.
Un tournant pour la justice internationale
1. La Cour pénale internationale, fondée en 2002, est une institution judiciaire récente et indépendante des Nations Unies. Elle incarne une révolution dans l’architecture de la justice internationale et la protection des droits humains.
2. Depuis sa création, la CPI a émis des mandats d’arrêt contre plusieurs figures politiques majeures, dont Vladimir Poutine (Russie), Omar el-Béchir (Soudan), Slobodan Miloševi? (Serbie), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire) et Charles Taylor (Liberia).
3. Avec ce mandat, les crimes commis contre les Palestiniens ne resteront plus consignés dans des archives sans nom. La vérité judiciaire rejoint ici la vérité factuelle.
4. Cette décision met en lumière l’échec des médias occidentaux à occulter une réalité qui a mobilisé les peuples dès les premiers jours du conflit.
5. L’argument de l’antisémitisme, souvent brandi contre quiconque dénonçait les crimes israéliens, a perdu de sa force.
6. Le mandat d’arrêt expose l’incapacité des institutions politiques et judiciaires israéliennes à contenir les dérives de leurs dirigeants et de leur armée, alors même qu’elles se targuent d’être un modèle démocratique dans une région hostile.
7. Enfin, ce mandat pousse Netanyahou dans ses retranchements, brisant l’image publique de force et de courage qu’il tente d’afficher.
Une anecdote révélatrice est rapportée par Audrey Lefèvre, maquilleuse française ayant travaillé à la Maison-Blanche pour des personnalités comme Bill Clinton, Donald Trump et Joe Biden. Elle se souvient de la peur manifeste de Benjamin Netanyahou lors d’une séance à Washington : il espérait atténuer, par le maquillage, les marques du temps et les stigmates de ses actes, pour paraître plus confiant devant le monde.
En conclusion, une justice impartiale et indépendante reste avant tout une valeur morale. Pourtant, elle se heurte sans cesse à la politique, un terrain où les intérêts se négocient et s’affrontent. Mais chaque pas, même fragile, vers la vérité judiciaire est une avancée pour l’humanité tout entière.