Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a publié son rapport mondial sur le développement humain 2025 sous le titre : « L’humain et ses potentialités à l’ère de l’intelligence artificielle : une question de choix ». Fidèle à son ambition depuis 1990, ce rapport constitue un outil de référence pour mesurer le progrès des sociétés, non seulement à travers les indicateurs économiques classiques, mais aussi à partir d’approches centrées sur la santé, l’éducation et les conditions de vie.

Ce nouveau rapport, qui s’étend sur plus de 270 pages et couvre 193 pays, analyse notamment l’impact croissant des technologies émergentes – en particulier l’intelligence artificielle – sur les libertés individuelles et la capacité des individus à exercer un véritable choix dans leur vie personnelle et collective.

Au-delà des classements établis sur la base du traditionnel indice de développement humain (IDH) – combinant espérance de vie, niveau d’éducation et revenu national brut par habitant –, le rapport réaffirme une conviction centrale : le développement humain ne se réduit pas à une accumulation de ressources, mais repose sur la capacité réelle des personnes à choisir leur parcours de vie en toute liberté et dignité. L’intelligence artificielle, selon le PNUD, peut être un puissant levier d’émancipation, à condition qu’elle soit encadrée par des politiques inclusives et éthiques ; sinon, elle risque de devenir un outil de contrôle.

Les pays comme la Suisse, la Norvège ou encore l’Islande dominent, une fois de plus, le classement, portés par une tradition bien ancrée de justice sociale, d’éducation de qualité et de systèmes de santé performants. Leur force ne réside pas uniquement dans leur richesse économique, mais surtout dans leur capacité à transformer cette richesse en bien-être partagé.

En 2025, le Maroc se positionne au 120e rang mondial, mais entre pour la première fois dans la catégorie des pays à développement humain élevé. C’est là un progrès notable, fruit d’un long processus engagé il y a un quart de siècle, marqué par des réformes dans l’éducation, la santé et la protection sociale, ainsi que des investissements dans les infrastructures et les services de base.

Cependant, ce progrès ne doit pas occulter le fait que le Royaume reste devancé par plusieurs pays de la région, comme la Tunisie (105e) ou la Libye (115e), qui ont entamé plus tôt la construction de systèmes éducatifs et sanitaires solides, dès les premières années post-indépendance. Le Maroc, quant à lui, a engagé ses réformes structurelles de manière plus tardive.

Ce saut qualitatif est certes un signe encourageant et une reconnaissance internationale d’un effort national soutenu, mais il constitue aussi un appel à approfondir les réformes et à relever des défis de fond : réduire les inégalités sociales et territoriales, garantir une réelle égalité des chances, améliorer la qualité de l’enseignement, renforcer la gouvernance publique et promouvoir la participation citoyenne.

Dans un monde marqué par une accélération technologique sans précédent, le rapport insiste sur une idée essentielle : la liberté de choix n’est pas un luxe, mais une condition indispensable à toute forme de développement humain durable. Bâtir un avenir commun à l’ère de l’intelligence artificielle exige des politiques publiques inclusives, des institutions solides et des sociétés ouvertes qui placent l’humain au cœur de toute décision.

Comme l’a exprimé l’économiste Amartya Sen : « Le développement consiste à élargir les libertés réelles dont jouissent les individus. »

Dès lors, la progression du Maroc ne saurait être perçue comme une fin en soi, mais plutôt comme une étape vers une transformation plus profonde. Une opportunité de se poser cette question essentielle : comment faire en sorte que cette amélioration des indicateurs se traduise par des avancées tangibles dans le quotidien des citoyens, à l’école, à l’hôpital, sur le marché du travail et dans l’espace public ?

Car le développement véritable commence par l’humain, passe par l’humain, et aboutit à l’humain.

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