Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

Sept cents jours de feu, de poussière et de sang. Soixante-dix mille morts. Et aujourd’hui, un accord – vingt clauses pour tenter de redonner à la vie un espace.

Six cents camions d’aide promis chaque jour, cinq points de passage ouverts, deux mille prisonniers palestiniens libérés, dont deux cent cinquante condamnés à perpétuité. Cela ne suffira pas à effacer l’horreur, mais c’est déjà un début : une main tendue au milieu du désastre. Chaque camion qui entre, chaque prisonnier libéré, est un rappel silencieux que l’humanité n’a pas entièrement renoncé à elle-même.

Car rien ne peut effacer ce que l’armée israélienne a détruit – les hôpitaux, les écoles, les familles, les rues. Les bombes ont enseveli les vivants et déraciné les morts. Et pourtant, malgré cette brutalité méthodique, Gaza n’a pas cédé.

Sous les ruines, la vie persiste

Dans les abris, les enfants continuent d’écrire le nom de leur pays. Cette obstination à vivre est devenue la plus belle forme de résistance. On peut raser une ville, mais non pas effacer une mémoire. On peut écraser des corps, mais jamais une cause juste.

L’opinion publique, nouveau visage de la conscience mondiale

Au lendemain du 7 octobre, les capitales occidentales ont récité le même refrain : « Israël a le droit de se défendre. » Mais les images ont brisé les mots. Les visages des enfants sortis des décombres ont traversé les écrans et réveillé des consciences qu’on croyait endormies.

Dans les universités américaines et européennes, les tentes se sont dressées comme autant d’actes de résistance morale. Des étudiants, des artistes, des citoyens ont rappelé que le droit international ne se négocie pas à la carte.

Sous cette pression, les discours officiels ont changé de ton : la raison d’État a reculé devant la raison humaine. Gaza a ramené l’opinion publique au centre du jeu, comme si, face au silence des institutions, la conscience des peuples reprenait la parole.

Même les grandes organisations ont retrouvé un souffle

Le Secrétaire général de l’ONU a dénoncé la punition collective. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a parlé d’un « massacre d’une ampleur inédite ». À La Haye, la Cour pénale internationale a relancé le dossier palestinien.

Ces voix n’ont pas arrêté la guerre, mais elles ont sauvé la mémoire du droit – et parfois, sauver la mémoire, c’est déjà sauver la possibilité de justice.

Entre fatigue et espérance

Dans le monde arabe et musulman, le silence est resté pesant. Quelques marches, quelques cris, mais aussi beaucoup de lassitude. Les gouvernements invoquent la prudence ; les peuples, la fatigue.

Pourtant, derrière ce calme apparent, la douleur demeure, vive et partagée. Car même sans drapeaux ni slogans, Gaza continue d’habiter les consciences.

Cet accord n’est pas un aboutissement : c’est un répit, une respiration.

Six cents camions ne nourriront pas un peuple entier, mais ils empêcheront des enfants de mourir de faim. Deux mille prisonniers libérés ne réparent pas les injustices, mais ils redonnent un nom à l’espérance. Et si la paix reste lointaine, chaque vie sauvée est une victoire – modeste, mais réelle – contre l’absurdité de la guerre.

L’accord de Gaza ne résout pas tout

Mais il rappelle qu’au cœur même du désastre, il reste possible de choisir la vie. Il dit au monde que la paix n’est pas une illusion, mais une exigence, fragile et obstinée. Et qu’à travers la poussière et les larmes, le peuple palestinien n’a pas seulement survécu : il a rappelé à l’humanité ce que signifie encore le mot “digne”.

By AEF