Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)
Il aura fallu un demi-siècle pour que la question du Sahara marocain sorte enfin du brouillard idéologique où elle avait été enfermée. Cinquante ans après la Marche verte, cette épopée pacifique qui avait su conjuguer foi, stratégie et unité nationale, la donne a changé : le débat n’oppose plus les récits du passé, mais les visions de l’avenir.
Le monde, lui aussi, a changé. Ce ne sont plus les discours révolutionnaires qui dessinent les frontières de l’influence, mais les corridors énergétiques, les ports atlantiques, les routes commerciales et les accords économiques. La géopolitique a supplanté l’idéologie — avec son langage propre, fait d’intérêts, de stabilité et de pragmatisme. Dans cette grammaire nouvelle du pouvoir, le Sahara est devenu un espace clé : un carrefour stratégique entre l’Afrique et l’Atlantique, entre le Maghreb et l’Europe.
C’est dans cette perspective que s’inscrit le récent message du conseiller du président américain, saluant la « sagesse et la noblesse » du Roi Mohammed VI et évoquant « la coopération avec l’Afrique, y compris avec l’Algérie ». Ce ton n’est pas anodin. Il exprime la reconnaissance d’un équilibre régional où le Maroc, fort de sa stabilité et de sa vision africaine, occupe désormais une place centrale.
Pendant des décennies, l’affaire du Sahara marocain a été prisonnière d’un imaginaire hérité de la guerre froide. L’Algérie s’y est longtemps accrochée, brandissant le discours de la « décolonisation » comme un totem idéologique, sans voir que le monde s’éloignait de cette rhétorique. L’histoire, désormais, se conjugue au futur. Et le Maroc, plutôt que de contester le passé, a choisi de construire ce futur : en investissant, en développant, en connectant.
Car la vraie réponse à la question du Sahara marocain n’est plus dans les chancelleries, mais sur le terrain. Le port de Dakhla, les projets d’énergies renouvelables, les routes du commerce africain incarnent un tournant : celui d’une souveraineté concrète, vécue, et non proclamée. En transformant son Sud en pôle de développement et d’ouverture, le Maroc ne défend plus seulement une cause, il crée un modèle.
C’est d’ailleurs là que réside la portée géopolitique de la Marche verte : elle fut la première expression du « soft power » marocain. À travers elle, le Royaume avait compris avant l’heure que la force la plus durable est celle qui allie légitimité historique et modernité constructive. Ce que certains voyaient comme un acte symbolique s’est avéré, avec le recul, un manifeste de stratégie nationale.
L’évolution du positionnement américain confirme cette lecture. Depuis la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, en 2020, Washington considère Rabat comme un partenaire clé dans la stabilité de la région. Loin d’être un simple appui diplomatique, c’est un choix stratégique : dans un environnement fragmenté, le Maroc représente un point d’équilibre, un acteur fiable.
Face à cela, l’Algérie demeure figée dans un temps révolu, prisonnière d’un récit de confrontation que plus personne ne lit. Or la géopolitique ne pardonne pas l’immobilisme : elle récompense ceux qui construisent et sanctionne ceux qui s’accrochent aux fantômes idéologiques.
La question du Sahara n’est donc plus celle d’une frontière contestée. Elle est devenue l’un des lieux où se joue l’avenir politique et économique du continent africain. Le Maroc, en s’y inscrivant comme puissance tranquille, démontre que la géographie — longtemps instrumentalisée — peut redevenir un projet.