Souvent quand les abonnés de SFR appellent ce dernier pour un problème quelconque, il n’est pas rare qu’ils tombent au bout du fil, sur une voix marocaine qui se présente sous un prénom européen.
Par Mustapha Bouhaddar
Évidemment les clients ne sont pas dupes, car la personne qui se présente sous le nom d’ « Eric » ou de « Charlotte » a du mal à masquer son accent.
En effet, l’opérateur SFR comme son homologue Free, ont délocalisé leur centre d’appels au Maroc.
Bien-sûr, c’est une aubaine pour les jeunes marocains qui pour la plupart trouvent du travail chez ces opérateurs, même si le salaire ne dépasse pas en moyenne 300 euros par mois.
Selon « Le Canard enchaîné » du 6 mai 2015, « le groupe Altice, qui contrôle l’opérateur depuis octobre dernier, n’a pas l’intention de rapatrier le moindre emploi en France. Il a débauché, il y a six mois, Michel Rigot, en général à la retraite, avec mission de construire un centre d’appels à Madagascar.
Cela tombe bien : les autorités de Tananarive ambitionnent de concurrencer les anciennes colonies francophones sur le marché de la délocalisation du numérique et de la téléphonie. Un employé casablancais coûte environ 500 euros par mois à son patron français. A Madagascar, c’est moins de 200 euros; Avec, en bonus, une formation professionnelle dispensée pendant plusieurs mois par le gouvernement malgache.
Rien de tel pour faire frétiller le patron d’Altice, Patrick Drahi, qui en peu de temps s’est fait une réputation d’implacable « cost killer ».
Qui est Patrick Drahi ?
Comme le rapporte « Le Point » du 14 mars 2014, « Le nom de Patrick Drahi n’a jamais été scandé dans les médias, il n’a jamais fait le buzz sur Internet, on ne peut pas décrire son visage, il est invisible.
La célébrité, même durant un quart d’heure warholien, Patrick Drahi s’en contrefiche. Il a au contraire tout fait – jusqu’à cette interview accordée au Point – pour se faire oublier et rester un entrepreneur anonyme dans la foule.
« Je ne me cache pas, je suis juste discret, sourit l’actionnaire principal de Numericable. Je ne suis pas le genre à faire des conférences de presse toutes les cinq minutes. Je préfère avancer et grandir dans l’ombre, en proposant les meilleurs services à mes clients. »
Et il a parfaitement réussi son coup…
Il faut dire que le business de cet homme de 50 ans, qui vit entre Genève, Tel-Aviv et Paris, n’est pas de nature à attiser le feu des projecteurs. Il semble difficile de trouver un métier moins glamour que le sien : câblo-opérateur. Patrick Drahi « est » dans la tuyauterie et, même s’il s’agit de véhiculer jusque dans nos foyers sans encombre et le plus vite possible Facebook, Youporn, de la série télé ou du téléphone en provenance du monde entier, cela reste de la plomberie.
Juste de la plomberie « numérique »
Qui peut toutefois se révéler plus lucrative que SOS dépannage un jour férié. « Patrick Drahi a fait son chemin dans son coin, explique son ami Jacques Veyrat, ex-patron de Louis-Dreyfus. Personne ne l’a vu venir… Il a été longtemps le seul à croire au câble, en prenant des risques financiers monstrueux. Petit à petit, il a constitué un géant dans une industrie aujourd’hui florissante. Il a construit l’un des plus beaux succès économiques de ces dernières années. »
Il faut dire que « Le Point » comme le prouve ce passage que j’ai cité plus haut, est loin de la vérité, et que M. Drahi n’est qu’un mercenaire dans le milieu de la téléphonie, et comme l’a bien expliqué le numéro du Canard cité plus haut, pour faire gagner plus d’argent à SFR, « il a jeté son dévolu sur une zone franche de la banlieue de Tananarive. Il a pour mission d’y construire, avec l’aide financière du gouvernement malgache, un bâtiment pouvant accueillir pas moins d’un millier de téléopérateurs.
Évidemment, il n’est pas question d’y expatrier du personnel de l’Hexagone. Mais deux départements d’outre-mer craignent de voir 150 emplois s’envoler : la Réunion et Mayotte, où SFR sous-traite les trois quarts des appels du Mondial Assistance. »
Les mercenaires sévissent partout, et M. Drahi, n’a que faire des jeunes marocains salariés chez SFR, et qui vont se retrouver sur le carreau. En effet, l’argent n’a pas d’odeur.
Source : Maghreb Canada Express, page 17, Volume Xiii, Numéro 06, Juin 2015
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