Les politiciens français, et en l’occurrence les candidats aux présidentiels ont toujours misé sur l’électorat issu de l’immigration. Ils courtisent ce dernier, en incluant dans leurs programmes le droit de vote aux étrangers, la construction de nouvelles mosquées pour les musulmans français, la création de l’emploi et la construction des logements sociaux.
En 2007, Nicolas Sarkozy a décroché la timbale en choisissant Rachida Dati comme porte-parole. Cette dernière a été une vraie VRP, car elle a réussi à débusquer des milliers d’électeurs issus de l’immigration. Nicolas Sarkozy de son côté, a essayé de séduire les idoles des jeunes de banlieue. Il s’est approché de Debbouze, mais ce dernier a repoussé ses avances.
Il a réussi néanmoins à rallier à lui Faudel, la star du Raï. Mais ce dernier a payé très cher son ralliement, car juste après la victoire de Sarkozy, il n’a plus rempli de salles, ni vendu de disques. L’ancienne star du Rap Doc Gynéco a connu le même destin que Faudel. Les jeunes de banlieue que Sarkozy traitait de racailles, qui ont fait de la star du Rap ce qu’il est devenu, l’ont renié. Faudel et Doc Gyneco, se sont rendus compte que ce ne sont pas les petits bourgeois du 16ème arrondissement qui achètent leurs disques.
En 2014, lors d’une conférence, Nicolas Sarkozy s’est vanté de la diversité de son ancien gouvernement, il a cité Rachida Dati qui composait son équipe en affirmant que parler de politique pénale, sa ministre de la justice, était bien placée pour le faire. En effet, Rachida Dati avait un père marocain et une mère algérienne. Traduction : les Maghrébins et le pénal ne font qu’un. Pour eux, les palais de justice sont des endroits familiers.
LA « RACAILLE » UTILE…
Ces propos n’étonnent personne puisqu’ils émanent d’un ex-président, l’expression du « mouton dans la baignoire » a été prononcée par lui quand il était dans le gouvernement de Chirac. L’écrivain Franco-algérien Azzouz Beggag a fait un livre sur cette histoire de baignoire.
En 2012, Nicolas Sarkozy qui avait viré pendant son mandat, Rama Yade, sa ministre de la jeunesse et des sports, et Rachida Dati, sa garde des Sceaux, a misé sur l’électorat de l’extrême droite, en prenant Patrick Buisson comme conseiller. Mais à force de racoler l’électorat du Front National, il s’est attiré la foudre de la communauté maghrébine qui a bonne mémoire. La suite on la connaît, les Français d’origine immigrée, ont voté pour Hollande qui a remporté les élections.
Nul n’est dupe ! A l’approche du premier tour des élections présidentielles en 2012, il y a eu une très grande approche en direction de l’électorat musulman. Cet électorat était courtisé par la classe politique et marqué par un taux élevé d’abstention ainsi que par l’ancrage à gauche.
En 2012, le site « Politique.com » a publié une étude sur le très net penchant à gauche de l’électorat musulman en France. On peut y lire : « Outre l’inclinaison pro-Hollande, l’électorat musulman aurait, toujours selon l’étude, beaucoup plus voté pour Jean-Luc Mélenchon que la moyenne des Français : 20 % contre 11 %. En terme de proportion, aucune autre frange de la population n’aurait autant voté pour le Président actuel (ou contre le sortant, selon les lectures) que les Français musulmans, aucune autre non plus n’aurait autant plébiscité le tribun populiste Jean-Luc Mélenchon.
Ce dernier, qualifié par les observateurs de « laïc intransigeant » et d’ « hostile à la visibilité trop importante de la religion (et donc de l’islam) dans l’espace public », serait néanmoins parvenu, en raison de son opposition affichée aux idées véhiculées par le Front national et par la reconnaissance publique des bienfaits de la présence d’une immigration arabo-musulmane en France (discours du Prado à Marseille notamment), à capter une part significative de ce vote. François Bayrou, qui aurait capté 15% des voix de la population étudiée en 2007, n’en aurait attiré cette fois qu’à peine 6%. »
Je pense que si aux prochaines élections présidentielles, le scénario Nicolas Sarkozy contre Hollande au deuxième tour se répète. L’électorat musulman votera en grande partie pour Hollande. En effet, l’institut de sondage IFOP relève, à partir d’un échantillon de près de 14.000 personnes, que les Français de confession musulmane auraient voté à hauteur de 57% pour François Hollande au premier tour et de 86% au second. Cette frange de la population représenterait (le conditionnel est de mise dans ce genre d’extrapolations sondagières) 1,5 point du corps électoral, ce qui correspondrait in fine à l’avance du candidat socialiste par rapport au candidat UMP, Nicolas Sarkozy. Ce dernier qui est entrain de préparer les élections présidentielles de 2017, aimerait renouveler l’exploit de 2007. Cette fois-ci, il a pris comme porte-parole une autre dame issue de l’immigration et qui se prénomme Lydia Guirous, d’origine algérienne.
LE ‘’BON’’ MAGHRÉBIN DE SERVICE
En mars 2015, pendant la campagne des départementales, elle se déclare contre les repas de substitution dans les cantines scolaires. Des menus qui proposent autre chose que de la viande. Elle y voit du communautarisme et déclare dans Le Figaro: « Ce n’est pas à l’école publique de s’adapter aux contraintes alimentaires de nature religieuse. Il m’est arrivé d’être persécutée parce que je mangeais pendant le ramadan », révèle-t-elle. Elle s’oppose aussi au port du voile à l’université. Sur les deux sujets, Lydia Guirous affiche des positions plus radicales que celles du Front national. Quelques mois auparavant, sur Europe 1, elle expliquait avoir « la possibilité de dire les choses sans que l’on me fasse ce procès de racisme. »
Sur le sort des migrants syriens qui affluent sur l’Europe, Lydia Guirous propose la fermeture des frontières et la suspension de l’espace Schengen. En revanche, aucun mot sur le sort du petit syrien trouvé mort sur la plage. Elle a été recadrée par NKM, quelques heures plus tard. Mais rien n’y fait, Lydia Guirous est plus à droite que Nicolas Sarkozy. Ce dernier a trouvé dans sa porte-parole son « Buisson » au féminin, qui est en plus d’origine immigrée.
UN ÉLECTORAT LOIN D’ÊTRE MONOLITHIQUE
Quant à Hollande et le PS, comme l’avait bien analysé Laurent Bouvet dans un entretien qu’il a donné au Figaro : « Le risque est de voir les électeurs musulmans se détourner les uns après les autres. D’une part car ils ne sont pas homogènes et donc difficiles à satisfaire de manière générale. Ainsi, supposer que tous les musulmans puissent vouloir la même chose et pensent à l’identique n’a-t-il aucun sens. Certains musulmans, sont plus favorables que d’autres à des mesures mises en oeuvre par le gouvernement, notamment en termes d’égalité hommes-femmes. D’abord parce que cette notion « d’électorat musulman » devrait être regardée de près (hétérogénéité, difficulté à la saisir en l’absence de chiffres fiables sur la religion des électeurs…).
Ensuite parce que des gestes symboliques de ce genre peuvent être à double tranchant, ils peuvent séduire mais aussi choquer d’autres électeurs, et donc ce que l’on peut gagner d’un côté peut être perdu de l’autre. Enfin parce que cela témoigne d’une conception de la stratégie électorale totalement erronée: celle qui consiste à tenter de conquérir des groupes d’électeurs identifiés par un critère identitaire saillant supposé l’emporter chez eux sur les autres. Or l’identité individuelle est le résultat d’une multiplicité de critères identitaires, comme le comportement électoral est le résultat d’une grande variété de facteurs. La religion en est un, parmi beaucoup d’autres. »
Quoi qu’il arrive, les Français d’origine immigrée, qu’ils soient de confession musulmane, chrétienne, juives et autres, ne sont pas dupes. Ils sauront choisir le jour « J », la personne qui pourrait les gouverner sans arrogance. Un homme intègre et normal à l’image de François Hollande. Pourquoi pas? Ce dernier a réussi à stabiliser au moins une fois la courbe du chômage ce qui n’est jamais arrivé sous le mandat de Sarkozy. Il a aussi réussi à vendre les Rafales, et les Airbus. Le meilleur reste à venir, car son mandat n’est pas encore terminé.
Par Mustapha Bouhaddar.
Source : Maghreb Canada Express, N°10, Vol. Xiii, , page 04, Octobre 2015
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