Je pensais qu’avec le coronavirus, et toute la ribambelle de morts qui ont sévi en France et ailleurs, Éric Zemmour fera une pause, et mettra fin à son incitation à la haine contre les musulmans et les étrangers. Mais non, il a récidivé récemment, en employant des phrases complotistes à l’occasion du succès des Verts aux municipales 2020. Il fallait oser. Convaincu (ou tentant de nous convaincre) qu’Europe Écologie Les Verts était un parti islamiste, Éric Zemmour a relevé que la couleur des écologistes était « comme par hasard » aussi celle de l’Islam. Des propos ahurissants qui, fort heureusement, suscitent de formidables réactions taquines.

En effet, le 9 juillet, l’humoriste belge Abdel en vrai a publié une nouvelle vidéo sur le compte YouTube du média Al Jazeera (AJ+), financé par le gouvernement qatari. Il y dresse un portrait peu flatteur et vrai d’Éric Zemmour, allant même jusqu’à le renvoyer à ses origines. Abdel en vrai est connu pour ses dérapages sur la chaîne AJ+. En août 2018, il avait publié une vidéo visant à dévoiler le « côté obscur » des Lumières et à démontrer le lien entre les penseurs du 18e siècle et le suprématisme blanc, rappelle Marianne. Devant le tollé, la vidéo avait rapidement été supprimée par AJ+.

Une tête de serveur kabyle

Dans cette vidéo, Abdel en vrai entend « analyser le fonctionnement de l’éditorialiste qu’il décrit comme un « huissier de justice de l’immigration ». « Ce mec est allergique à tout ce qui ne ressemble pas à l’idéal français, alors qu’il a une tête de serveur kabyle », s’amuse-t-il.

Je doute que cette qualification soit flatteuse aux yeux des kabyles, (Zemmour est juif d’origine kabyle), mais passée cette remarque sur le physique, l’humoriste critique aussi sa présence sur les plateaux de télévision, notamment celle, quotidienne, sur CNews dans Face à l’info. « T’as l’impression qu’il a les doubles des clés des studios télé, vu qu’il est invité à chaque fois pour vomir ses idées », avance l’humoriste. En disant ça, ce dernier met en avant toutes les condamnations dont a écopées Zemmour pour incitation à la haine  raciale. Et il a raison de le rappeler.

Avec finesse, l’humoriste met en exergue le rapprochement que fait Zemmour, entre les écologistes et l’islam après les élections municipales et pour son discours incisif sur l’immigration lors de la Convention de la droite.

Zemmour intouchable

Pour son discours tenu en septembre 2019 à Paris lors d’une « convention de la droite », jugé pour injure et provocation à la haine raciale.  Zemmour, « Multirécidiviste de la haine » ou « polémiste » qui use de sa « liberté d’expression »,  le parquet a requis contre lui 10 000 euros d’amende, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement.

Même s’il n’est pas là physiquement, la voix du chroniqueur de 61 ans, qui intervient quotidiennement dans une émission sur CNews, résonne tout de même dans le tribunal, qui a décidé de visionner les 32 minutes du discours du 28 septembre, prononcé lors d’un rassemblement politique et qui lui vaut d’être jugé.

3 600 signalements

En bas du large écran de la salle d’audience, les trois couleurs de la chaîne LCI, qui avait retransmis l’intégralité des propos en direct. En plan de coupe, dans le public, apparaît l’ex-députée d’extrême droite Marion Maréchal, dont les proches avaient organisé cette réunion baptisée « Convention de la droite ».

À l’époque, les propos avaient suscité l’indignation dans la classe politique, jusqu’au Premier ministre, mais aussi au sein des médias qui employaient Zemmour.  Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait reçu 3 600 signalements et le parquet avait rapidement ouvert une enquête.

Neuf mois et deux renvois plus tard, le tribunal se penche sur six passages de cette virulente diatribe contre l’immigration et l’islam. Éric Zemmour y dépeint notamment des immigrés « colonisateurs » et une « islamisation de la rue », décrivant le voile et la djellaba comme « les uniformes d’une armée d’occupation ».

« La question qui se pose donc à nous est la suivante : les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en minorité sur la terre de leurs ancêtres ? Si oui, ils méritent leur colonisation. Si non, ils devront se battre pour leur libération. Mais comment se battre ? Où se battre ? Sur quoi se battre ? », dit-il notamment.

Un « quasi-appel à la ratonnade », s’indigne, à la barre, Dominique Sopo, de SOS Racisme, partie civile. Éric Zemmour « est dans une trajectoire de dérive, avec une montée en puissance de la violence », affirme-t-il, parlant d’« un Dieudonné des chaînes d’infos », qui « a choisi de faire de la haine un spectacle ».

 Débat intellectuel 

Les avocats de la dizaine d’associations partie civile alertent longuement sur le « danger » des propos, appelant à une sanction « exemplaire », « dissuasive » pour porter un « coup d’arrêt » à un « multirécidiviste de la haine ». « Il ne s’agit pas de sa liberté d’expression, d’opinion, mais il s’agit clairement de haine raciste, d’appel clair à la discrimination et à la violence » à l’encontre « des immigrés, les musulmans, les Africains », lance l’avocate de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), Sabrina Goldman.

« Il y a un appel, une exhortation au rejet, à la discrimination des musulmans dans leur ensemble », tance, plus tard, dans son réquisitoire, la représentante du parquet.

Décortiquant une « rhétorique insidieuse » qui « crée la peur » et « essentialise la communauté musulmane », elle demande une peine de 10 000 euros d’amende, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement, ainsi qu’une publication « large » de la décision aux frais du prévenu.

La condamnation « doit amener les citoyens et pas seulement Zemmour, l’opinion publique, à prendre conscience que s’il avance toujours sur un fil, celui de la provocation et de dépasser le « politiquement correct », une sanction est prononcée lorsqu’il franchit les limites posées par la loi », ajoute-t-elle.

« On a assimilé Zemmour à Dieudonné, à Alain Soral, à Edouard Drumont », autant « d’amalgames d’une violence extrême », s’est indigné Me Pardo pour la défense.

Affirmant qu’« à aucun moment, une communauté n’est visée dans son ensemble », il assure que quand l’auteur parle de « se battre », « c’est se battre avec des mots », et évoque un discours « beaucoup plus balancé qu’il n’y paraît ».

« Tout est beaucoup plus compliqué que ça en a l’air. Cette complexité, il ne faut pas la retirer au débat intellectuel français », poursuit-il, avant de conclure : « C’est aussi ça la France, le pays de la discorde, des polémiques. Et je vous en supplie, permettez que cette magnifique tradition perdure ». Le tribunal rendra sa décision le 25 septembre 2020.

Ça roule toujours pour Éric Zemmour

En septembre dernier, Zemmour a été condamné définitivement à 3 000 euros d’amende pour provocation à la haine religieuse, à la suite de propos anti-musulmans tenus en 2016 dans l’émission de France 5 « C à vous ». Il a, depuis, saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans cette affaire, reprochant à la France de violer sa liberté d’expression.

Zemmour officie toujours dans plusieurs émissions sans être inquiété, il reste intouchable. Il continue chaque fois qu’il en a l’occasion de fustiger les musulmans, et les étrangers en général au nom de la liberté d’expression, alors que certains journalistes et intellectuels ont disparu des médias pour moins que ça. Cherchez l’erreur !

« Il s’agit de savoir si nous croyons à l’homme et si nous croyons à ce qu’on appelle les droits de l’homme.
À liberté, égalité, fraternité, j’ajoute toujours identité. » (Aimé Césaire.)

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express, Vol. XVIII, N°08 , page 07, AOÛT 2020.

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