Le nouveau roman « Douce Lumière » de l’écrivain Moha Ennaji, paru aux éditions Marsam, est le récit d’une aventure à l’allure d’une biographie, celle d’Ahmed. L’auteur avait déjà signé en 2017 son premier roman, « L’olivier de la sagesse ».
Ce roman raconte d’une manière tendre et parfois humoristique les tribulations d’Ahmed, né dans un petit village des contreforts du Moyen Atlas au cœur d’une famille pauvre, à la fin du protectorat français. Grâce à son éducation et à sa formation, sans renier ses origines amazighes dans un Maroc en pleine mutation, il deviendra docteur vétérinaire. Dès lors tout semble lui réussir : sa vie professionnelle aussi bien que sa vie familiale. Jusqu’à ce triste jour où son médecin lui annonce qu’il est atteint d’une maladie incurable et où commence pour lui son plus grand combat… A travers cette trajectoire humaine, c’est toute une époque du Maroc qui revit, avec ses joies et ses tragédies, ses espoirs et ses déceptions : un destin qui saura parler à chacun de nous, un pur éclat d’humanité.
Ce roman transmet le Maroc au reste du monde, de l’Amérique à l’Europe et à l’Afrique. Il parle ce langage du cœur, de la sincérité, de la non-violence, de l’amour des choses et des êtres dans les beaux paysages du Maroc, des Atlas et du Rif. A lire ce destin tout simplement exceptionnel d’Ahmed, on voit tout un monde qui vit avec tendresse et fierté. C’est beau, c’est poétique, c’est sincère et c’est doux comme cette lumière qui permet d’écrire.
Ce roman d’une vie réelle à priori ordinaire situe son action au cœur du siècle dernier et sa trame s’enrichit des événements qui ont eu des répercussions notables aussi bien sur le devenir du pays que sur celui des individus.
Ahmed devant la maladie, un individu des plus ordinaires dans un monde défait, ne cesse au cours de péripéties de gagner en profondeur et en authenticité. Dès le début du roman, qui a pour scène initiale son enfance, le personnage ne cesse d’évoluer dans sa carrière et de s’enliser dans l’insignifiance d’une vie sans repères ; en particulier de sa caution, la présence d’une famille pourvoyeuse d’amour et de sens.
Le roman ne dépeint pas la vie ni d’un héros, ni d’un anti héros. Ahmed, qui a voyagé au monde entier, réussit toujours les paris de ses choix, et il assume toujours son destin quand celui-ci s’impose avec la force d’une nécessité ; il arrive même qu’il devance d’un pas un monde décevant à cause de cette absence du sens.
Les aventures d’Ahmed lui permettent d’aller dans tous les sens dans une quête effrénée de l’amour, non celui de l’argent qui le jugule, mais celui de la terre, de la famille, du sang, de la vie. Alors il oppose au monde son inestimable atout, une énergie à toute épreuve. Energie de la force qu’il a gardé jusqu’à son dernier souffle, jusqu’à son dernier sourire.
L’école, le travail, la guerre du désert, la vie de famille, dans tous leurs états, fondent ces tableaux qui sollicitent de sa part une réponse qui vient tout droit du profond de son cœur, de sa bonté. C’est peut-être là le trait distinctif de ce personnage généreux et ouvert au dialogue des cultures, au regard toujours frais dans un monde dur, en désordre.
En effet, le cas d’Ahmed montre que ceux qui ont grandi dans une famille stable et sécurisante, qui ont un bon réseau amical, ceux qui ont appris à communiquer, vont travailler dur, prendre des initiatives, inventer des rituels, se débrouiller grâce à ces facteurs de protection acquis au cours de leur développement antérieur. Ahmed a vécu l’école et l’université comme un soulagement et une planche de salut. Il s’agira pour lui d’investir la scolarité, d’exceller dans les apprentissages et d’accumuler des connaissances académiques, comme on bâtit un rempart face à l’adversité. À l’opposé, ceux de sa génération qui ont acquis des facteurs de vulnérabilité, isolement sensoriel, carences affectives, précarité sociale ont eu plus de mal à réussir leur vie et ont même raté leur avenir. Ils avaient davantage besoin d’aide.
Tout au long de sa vie, Ahmed a incarné la grandeur et la générosité car il aimait partager la beauté des choses, la beauté des humains et de la nature malgré les défis. Son histoire montre que, nous les humains, nous sommes résilients aux aléas de la vie, capables de grandeur, nous sommes capables de bonté. Nous pouvons toujours faire mieux et encore construire un avenir plus résilient face aux crises. Ce roman nous fait rêver en nous rappelant que nous sommes grands, que nous sommes capables d’être grands et généreux.