J’ai écrit plusieurs articles sur Zemmour et ses démêlés avec la justice pour son incitation à la haine raciale, et sa stigmatisation des noirs et des arabes.
Mais la bête noire de Zemmour d’origine berbère juif et algérien, ce sont les musulmans qui l’obsèdent jusqu’à la folie.
Pourtant, Zemmour a des milliers de lecteurs, si j’en juge par les milliers d’exemplaires de ses livres vendus.
Il faut dire qu’il y a une partie de la population française, xénophobe et fachiste que Zemmour fascine et qui achète ses livres, à tel point que ce dernier a pris la décision de se présenter aux élections présidentielles.
Comme on peut le lire dans le quotidien « Libération » du 30/11, le polémiste d’extrême droite a annoncé dans une vidéo grandiloquente, tentant de faire oublier sa chute dans les sondages et ses dérapages ces dernières semaines.
Le thème de campagne de Zemmour est simple : La France subit le grand remplacement, cette théorie complotiste et identitaire racontant la substitution des églises par les minarets et les charentaises par les babouches. « Nous ne nous laisserons pas remplacer » dit Zemmour, pour qui « ce pays que vous chérissez est en train de disparaitre », veut retrouver le pays des chevaliers et des gentes dames, de Jeanne d’Arc, de Louis XIV et de Bonaparte, du général de Gaulle, le pays des fables de La Fontaine, de Notre-Dame de Paris et des clochers dans les villages ».
Zemmour renchérit et rajoute : « Vous me connaissez depuis des années. Je me suis souvent contenté du rôle de Cassandre, du lanceur d’alerte. Comme vous, je n’ai plus confiance, j’ai décidé de prendre notre destin en main. Aucun politicien n’aura le courage, tous ces prétendus compétents étaient en réalité des impuissants. C’est pourquoi, j’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle. Pour que nos enfants et nos petits enfants ne connaissent pas la barbarie, que nos filles ne soient pas voilées, pour préserver nos modes de vie, pour que les Français restent des Français. »
Soyons objectifs et pragmatiques, Éric Zemmour exerce une certaine forme de fascination pour une partie du public et des médias. D’une part, parce que ses idées extrêmes sur l’immigration, la sécurité ou l’islam plaisent à une partie de l’électorat. Mais aussi, d’autre part, parce qu’il fournit chaque jour un nouvel épisode, tel un scénariste de sa propre campagne, avec rebondissements, surprises, drames et dénouements plus ou moins heureux.
Le doigt d’honneur à une passante
Zemmour qui fait un doigt d’honneur à une Marseillaise qui l’interpelle, montre la vraie personnalité du polémiste incapable de garder son sang-froid. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’un de ses coups d’éclat suscite la polémique, les commentaires et les indignations multiples. La différence, avec ce doigt d’honneur, c’est que l’on a le sentiment que la provocation n’était pas calculée, et qu’elle révèle de lui – y compris aux yeux de ses propres électeurs potentiels, qui le soutiennent d’habitude une facette qui n’est pas à son avantage.
Le discours raciste s’est banalisé
Éric Zemmour peut insulter les étrangers, ou les musulmans en toute impunité. Cependant, la différence entre le discours raciste et le doigt d’honneur, c’est que les électeurs de Zemmour adhèrent au premier, alors qu’ils n’apprécient pas forcément ce que le doigt d’honneur révèle de leur champion : quelqu’un qui peine à garder ses nerfs, divise une société déjà trop divisée, au lieu d’y remettre de l’ordre comme il le prétend.
Comme l’a souligné, un journaliste de l’OBS, le rejet de l’immigration s’est répandu dans notre société justement en raison de l’absence d’images, les situations de détresse vécues par les migrants disparaissant sous des chiffres ou des notions abstraites. Tandis qu’il nous suffit de voir le visage de cette jeune Kurde qui tentait de rejoindre son fiancé en Angleterre pour mesurer combien notre rejet de « l’immigration massive » est inhumain. Tant que l’on ne parlera que de chiffres, de grandes masses, notre société continuera à chercher à se protéger d’une immigration qu’elle voit comme une menace existentielle.
Éric Zemmour fonde son succès médiatique sur la transgression. Le doigt d’honneur peut-il conforter son image – il se distingue des responsables politiques « classiques » – ou bien à l’inverse, l’abîmer – en montrant qu’il n’a pas l’étoffe d’un président ?
Zemmour ne correspond pas à ce que les citoyens – et singulièrement ceux de droite, son électorat potentiel – souhaitent, puisqu’on voit un dirigeant qui ne se maîtrise pas, qui divise au lieu de rassembler. A ce titre, ce doigt d’honneur pourrait commencer à installer chez ses électeurs potentiels une grille de lecture nouvelle sur le personnage Zemmour, faite de doutes et de crainte.
Pour comprendre Zemmour, il faut d’abord essayer de savoir ce qui pousse un juif à faire l’éloge du Maréchal Pétain qui a livré des milliers de juifs aux Nazis, et pourquoi quelqu’un qui a des origines algériennes et qui se prénomme Zemmour, un nom arabe, veut que tous les étrangers francisent leurs prénoms.
En tout cas, ce qui me rebute, ce n’est pas Zemmour, mais celles ou ceux qui le soutiennent et le laisse faire.
Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°12 , page 14, Décembre 2021