Un naufrage qui a provoqué 27 morts, le centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez n’a eu connaissance de la situation que lors de l’appel passé par un pêcheur en milieu de journée », écrit la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord. « Tous les appels reçus par le Cross » qui pilote les sauvetages dans la zone « sont pris en compte et traités, quel que soit le secteur maritime, les gens sont secourus. Un renvoi de responsabilité entre centres de sauvetage en mer n’est pas réaliste », a-t-elle insisté. Et la préfecture de souligner  « que tous les appels vers les centres de secours sont enregistrés ».

Qui faut-il croire ? L’un des deux rescapés, Kurde irakien, avait affirmé qu’alors que le bateau commençait à se dégonfler, des passagers avaient appelé en vain les autorités britanniques et françaises pour obtenir de l’aide.

Pourtant, la préfecture maritime a exclu vendredi 3 décembre qu’un appel de migrants en difficulté dans le détroit du Pas-de-Calais n’ait pas été traité par ses services, après qu’un rescapé du naufrage du 24 novembre a assuré que les polices française et britannique avaient refusé d’agir.

Le seul point positif, le Kurde irakien et un Somalien, deux seuls exilés ayant survécu au naufrage qui a généré un électrochoc européen, ont été reçus par les autorités, et se sont vus délivrer une « autorisation provisoire de séjour » en France, ont indiqué jeudi 2 décembre les services de l’État. Ces deux personnes sont également « hébergées par l’État dans des centres d’accueil et d’examen des situations ».

Si le ressortissant somalien « semble avoir fait le deuil de l’Angleterre », le jeune kurde irakien « ne souhaite pas s’engager dans une demande d’asile en France et son objectif reste de partir vers la Grande-Bretagne », précisent les services de l’État dans le Nord.

Versions contradictoires

D’après le quotidien « Sud-Ouest » du 3 décembre, « Le 24 novembre, 17 hommes, sept femmes, deux adolescents et un enfant ont péri dans le naufrage de leur embarcation en route vers les côtes anglaises, dans des circonstances encore floues. Dans un entretien avec la chaîne kurde irakienne, Rudaw, le rescapé Kurde irakien, a affirmé qu’alors que le bateau commençait à se dégonfler, des passagers avaient appelé en vain les autorités britanniques et françaises pour obtenir de l’aide.

« Nous avons appelé la police française à l’aide et nous lui avons indiqué que le moteur était cassé », a déclaré cet homme, formellement identifié par la préfecture comme étant l’un des rescapés. La police française « nous a dit que nous étions dans les eaux britanniques et nous avons appelé la police britannique, qui nous a dit d’appeler la police française. La police britannique ne nous a pas aidés, tandis que la police française a dit ‘’vous êtes en eaux britanniques, nous ne pouvons pas intervenir’’. »

« Il n’y a pas de principe ‘‘territorialité’’ en matière de sauvetage en mer », a répondu vendredi la préfecture maritime. Les centres de secours ont reçu « plusieurs centaines d’appels » le 24 novembre, « ce qui a permis de sauver plus d’une centaine de personnes », « dont la personne qui a fait ces déclarations », a-t-elle ajouté.

Il faut savoir que récemment, près de 250 migrants ont été secourus en mer après s’être retrouvés en difficulté en tentant de traverser la Manche.

Ces 243 migrants ont été récupérés et déposés à quai dans les ports de Boulogne-sur-Mer, Dunkerque et Calais, où ils ont été « pris charge par la Police aux frontières (PAF) et le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) », écrit la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord.

Le centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez « a engagé de nombreux moyens maritimes » pour ces opérations de secours précise la préfecture, pointant la dangerosité de ce secteur aux vents forts, trafic dense et température de l’eau actuellement en chute.

Purs calculs électoraux

Le quotidien « Le Monde » avait publié une tribune le 26/11 dans laquelle il explique que ce naufrage déchire les relations entre Londres et Paris, qui s’imputent mutuellement la responsabilité du drame. La tension est montée d’un cran, vendredi 26 novembre, après que le premier ministre britannique, Boris Johnson, a rendu publique une lettre adressée à Emmanuel Macron, dans laquelle il demande notamment que les immigrés arrivant au Royaume-Uni soient renvoyés en France.

Dénonçant autant le fond que la forme de ce courrier, le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a supprimé l’invitation à une réunion internationale sur les migrants de son homologue britannique, Priti Patel. L’événement aura bien lieu, mais en présence uniquement des ministres belge, allemand et néerlandais, ainsi que de la Commission européenne.

Une partie de la presse britannique est très remontée, appelant le gouvernement du Royaume-Uni à changer sa politique migratoire. The Guardian mettait ainsi en lumière, jeudi 25 novembre, une tribune signée du patron de l’ONG Refugee Council, Enver Solomon, titrée « Les terribles morts dans la Manche montrent que le Royaume-Uni a besoin d’une politique d’asile plus humaine ». M. Solomon y accuse notamment le gouvernement de Boris Johnson d’avoir « choisi de parler et d’agir durement, en adoptant une position sans compromis » plutôt que de « montrer compassion, humanité et compréhension ».

Dans un autre article, deux journalistes du Guardian s’emploient à expliquer que la situation est « plus complexe » que les accusations britanniques envers la France de « ne pas en faire assez ». Et d’estimer que « politique, sécurité et répression uniquement ne pourront pas résoudre le problème des réfugiés risquant leur vie pour trouver l’asile au Royaume-Uni ». Dissertant sur la même idée, le journal centriste The Economist estime que l’accident « expose comment le Royaume-Uni échoue dans sa gestion des migrants ».

Surtout, « réduire le nombre de morts va nécessiter de la coopération entre le Royaume-Uni et la France », écrit le média économique. « Les migrants qui atteignent la Grande-Bretagne ont le droit de demander l’asile », poursuit-il, regrettant que « les noyades ont mis en lumière le coût humain. »

Personne n’est dupe, tout ce tapage médiatique sur les migrants n’est que pur calcul électoral. Et Macron et Boris Johnson en savent quelque chose !

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, Vol. XIX, N°12 , page 15, Décembre 2021

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