J’avais séjourné en France entre 1975 et 1977 en tant qu’étudiant et dans un temps où il était très facile pour un Marocain d’y entrer (même sans visa), d’y travailler et même de s’y établir définitivement.

Or une fois mes études terminées, je rentrai au Maroc illico presto, convaincu qu’un jour la haine qui touchait déjà une frange de l’immigration maghrébine n’allait pas tarder de s’étendre aussi aux autres maghrébins… Ce qui finit par arriver quelques années plus tard, et ce, malgré le ‘’Toi, tu es marocain, t’es différent’’ qui se voulait rassurant dans le temps pour les marocains de passage comme moi.

Je découvris le Canada; presque par hasard

Ce fut en 1986. La Division de la Cartographie Marocaine (mon employeur dans le temps) avait décidé de créer un Bureau de la Cartographie Marine en partenariat avec la Marine Royale marocaine. Nous avons alors décidé de nous inspirer de l’expérience de certains pays amis dans le domaine; comme le Canada et les États-Unis.

Je débarquai donc à la capitale fédérale canadienne Ottawa pour un Stage en milieu de travail de 5 semaines environ, au Service Hydrographique du Canada (SHC) . Et j’eus un coup de foudre pour le pays, si fort que je remis en question ma conviction que « Mieux vaut vivre modestement dans son pays d’origine que de vivre dans l’opulence à l’étranger » (Traduction du proverbe maghrébin : Gatran bladi awla men 3sel al Bouldane) réponse toute faite que je jetais à la figure de toute personne osant me reprocher de ne pas être resté en France ou de ne pas aller faire valoir mes compétences ailleurs.

Le syndrome du Premier Amour

En 1991, je fis le saut et abandonnai Tout au Maroc pour venir m’installer définitivement au Québec et recommencer une nouvelle vie dans un pays où en peut ‘’vivre l’Amérique en Français’’ me disais-je comme beaucoup de maghrébins en mal-de-vivre en France ou dans leur pays d’origine .

Le 29 janvier 2019. J’atterris à Montréal, en provenance d’un voyage de travail à l’étranger, pour apprendre la tragédie ayant frappé la grande mosquée de Québec.

Où est donc passé mon Canada ? Celui avec qui je suis tombé en Amour dès le premier regard en 1986 ?

Le Vivre-ensemble est possible… à 15.000 kms plus loin

Partie de la vidéo « Spécial Ramadan : Islam, mobilité humaine et vivre ensemble » consacrée à cet article

Le 20 Mai 2018, j’atterris à Kuala Lumpur en plein ramadan pour un séjour d’environ deux semaines.

Je découvris, à ma grande et heureuse surprise, des mosquées côtoyant des temples hindous et des temples chinois; je découvris une Majorité d’un peuple qui jeûne le jour et remplit les mosquées le soir, alors que des minorités mangent librement en plein jour, alors que d’autres parmi ces minorités viennent à la mosquée, au coucher du soleil, non pas pour prier mais juste pour partager le repas des jeuneurs!

Bref, j’ai découvert en Malaisie que l’islam tel que je le conçois, le vis et le rêve pour tout chacun; une religion de paix et de fraternité, existe encore. Et non seulement à Kuala Lumpur, mais aussi loin qu’à Singapour où je fis une escapade d’un weekend durant mon séjour.

Si Jeunesse savait et si vieillesse pouvait …

Et du coup, cette question se posa d’elle-même :’’Et si c’était à refaire’’?

Trop tard ! Je n’ai plus le temps de tout remettre en question. Il ne me reste que le temps de prêcher et de crier haut et fort, mes convictions par-dessus mes 70 ans passés . Et qui sait ? Quelqu’un pourra aller au-delà de la question…

Par Abderrahman EL FOULADI, pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°04 , page 7, AVRIL 2022 .

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