“Gatran bladi awla men 3sel al Bouldane” (proverbe maghrébin dont le sens peut se traduire approximativement par : « Mieux vaut vivre modestement dans mon pays d’origine que de vivre dans l’opulence à l’étranger ») vous répondront certains maghrébins quand vous leur demanderez ce qu’ils pensent de l’immigration.
Étrange réponse quand-même de la part de musulmans dont la religion fut protégée et épanouie dès ses débuts grâce à l’immigration ; d’abord celle de quelques compagnons du prophète vers un pays chrétien (l’Éthiopie) puis par celle du prophète lui-même et du reste de ses disciples de la Mecque vers une ville païenne dans le temps (Médine) où Mohammed (SAW) fut accueilli comme messager de Dieu.
C’est d’autant plus étrange d’entendre des maghrébins parler ainsi alors que l’apologie de la mobilité humaine est faite au sein-même du Coran ( Sourat 49 ‘’Al Houjourat’’, verset 13) dont voici une traduction approximative d’un extrait: ‘’Nous vous avons créé d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des Nations et des tribus, pour que vous puissiez vous entre-connaître’’.
Mais le ‘dégout suscité par l’immigration chez certains maghrébins s’expliquerait par le traitement subi par les immigrants maghrébins, surtout en France, où ils furent exposés d’abord à la morgue et au mépris du pays d’accueil puis, ensuite, à une haine viscérale; exacerbée par l’émancipation des pays maghrébins suite à une indépendance toutefois atténuée par une ‘’interdépendance’’ imposée par des accords, souvent du genre ‘’diktat’’, garantissant surtout les intérêts du colonisateur.
Donc la question ne serait plus d’immigrer ou de ne pas immigrer mais plutôt la question serait : où immigrer.
Avant de répondre à cette (dernière) question, il serait pertinent d’ouvrir une petite parenthèse pour aborder rapidement ce chapitre sombre du colonialisme (européen) tout en comparant deux maux dont le moindre serait celui anglais.
Les origines probables des malheurs des migrants musulmans
L’Anglais coloniserait spécifiquement pour des intérêts économiques et stratégiques. Et pour préserver ces intérêts, et optimiser l’exploitation des richesses du pays occupé, il irait jusqu’à chercher la complicité des populations sous sa domination, et ce, en les ‘’éduquant’’ pour mieux les intégrer dans son système économique colonial, mais tout en préservant leurs coutumes, leurs religions et leurs cultures.
Quant au Français, et en plus des motivations coloniales de l’Anglais, lui, il ne se contenterait pas juste d’éduquer l’occupé car il se croit, en plus, ‘’investi de la noble mission’’ de civiliser les peuples colonisés qui sont, de facto, considérés comme des sauvages, et ce, en dépit de leur propre civilisation multiséculaire. Et du coup, les enfants ‘’indigènes’’ (comme ils sont catalogués) découvrent à l’école des aberrations du genre que ‘’leurs ancêtres sont des gaulois aux yeux bleus’’ et que ‘’leurs (seuls) ennemis héréditaires sont leurs voisins immédiats’’ !
Pour faire vite, et afin de fermer au plus vite cette boîte de pandore, voilà que la Première Guerre mondiale qui éclate et qui ne se termine que suite à l’intervention des Américains. Ces derniers (comme suggestion de reconnaissance de la part des européens), mirent sur la table des négociations la proposition de créer une Société des Nations (SDN), avec l’objectif non avoué, d’en faire leur jardin d’influence où pourraient s’épanouir de nouveaux pays émancipés qu’ils pourraient séduire par la suite et mettre sous leur tutelle.
Les pays colonialistes du Vieux-continent, qui ont vu de loin les américains arriver avec leurs gros sabots et leur mentalité du Far-West, étouffèrent le bébé SDN dans l’œuf.
Et le président Wilson se retourna cuver sa frustration à Washington.
Mais voilà que 22 ans plus tard, rebelote : La Deuxième guerre mondiale éclata à son tour et l’adversaire sembla cette fois-ci beaucoup plus coriace : L’armée française fut balayée en moins de deux et l’Angleterre, qui s’échappa de justesse du siège de Dunkerque, se trouva à la merci des bombardiers allemands et menacée d’invasion.
Churchill fut déterminé à impliquer les américains dans le conflit coûte que coûte. Pour ce, il commença par récupérer, au passage, De Gaulles pour les convaincre que le Party continue avec la France, malgré les gesticulations de Pétain qui avait déposé les armes et qui était devenu le pantin des allemands à Vichy.
Les Américains se seraient laissés suppléer et n’auraient cédé qu’une fois ils obtinrent, entre autres, 1. la garantie de la renaissance de la défunte SDN de ses cendres sous le nouveau nom d’Organisation des Nations Unies (ONU) et 2. la consolidation du membership de cette organisation par de nouveaux pays émancipés grâce à sa charte.
Or où trouver de nouveaux pays ‘’à émanciper’’ ? Sinon en démantelant les colonies des pays européens dont la Grande-Bretagne et la France ne sont pas les moindres ?
Devant l’inquiétude franco-britannique, les USA auraient fait la promesse de laisser les deux grands colonisateurs européens garantir leurs intérêts à travers des accords d’indépendance qu’ils auront tout le loisir de conclure avec leurs anciennes colonies. Et comme gage de bonne volonté, les USA leur offrit le privilège de véto au Conseil de sécurité à titre de ‘’moyen de dissuasion’’; au cas où certains pays indépendants tireraient trop sur la corde de l’indépendance.
Il est à souligner que, dans le cadre de sa nouvelle stratégie ‘de leader mondial’, les États-Unis, s’attribuent aussi le même privilège de véto tout en l’offrant également à la Russie (‘’pour ses grosses pertes humaines face aux Nazis’’) et à la Chine pour ‘’son engagement dans la guerre contre le Japon’’.
L’Angleterre avait son plan B tout prêt: Le Commonwealth
Après la victoire contre le camp Nazi, et après avoir sécurisé ses intérêts dans ses anciennes colonies (en réprimant quelquefois dans le sang certains mouvements indépendantistes comme en Malaisie par exemple) elle finit par accorder l’indépendance politique à la plupart de ses anciennes colonies en prenant, bien-sûr, le soin de bien les arrimer économiquement au Commonwealth.
Mieux ! En plein guerre froide, et pour contrer l’influence de l’ex URSS à l’ONU, la Grande-Bretagne est allée jusqu’à octroyer l’indépendance à plusieurs micro – pays; aussi minuscules que Saint-Kitts & Nevis (dont la superficie n’excède guère 261 km2 et dont la population n’excède nullement 60 milles habitants) mais qui ont (ces nouveaux pays) chacun une voix à l’ONU au même titre que la Chine par exemple !
Quid de la France ? Celle-ci octroya plus ou moins facilement l’indépendance à ses anciens protectorats (Tunisie, Maroc…), mais pour le reste, il fallut plus qu’un Dien Bien Phu pour lui faire lâcher prise.
Résultat ? Un froid avec les États-Unis, une méfiance de De-Gaules vis-à-vis de ce ‘’Machin’’ qui est l’ONU et… le début du chemin-de-croix pour les immigrés et même pour les citoyens français d’origine maghrébine; Chemin que certains Machiavels ne cessent, jusqu’à nos jours, d’agrémenter d’épines, et ce, en entremêlant, dans les discours, xénophobie, haine, Moyen-Orient, blessures mal cicatrisées et héritées des guerres coloniales, terrorisme, islamisme et islam ‘’Radical’’, et ce, au point où certains maghrébins se mirent à renier leur identité tandis que d’autres choisirent de s’en aller plus loin; guidés par leur quête de trouver un havre de paix parlant la langue de Molière; cette langue que la quête coloniale civilisatrice de jadis leur greffa profondément dans l’âme et dans la mémoire.
Mais le virus de la haine semble avoir eu la même idée. Et en mutant en islamophobie, il transcenda ses frontières historiques et a contaminé des terres lointaines… Aussi loin qu’en Amérique. Il ne resta alors à certains maghrébins, souvent les plus diplômés et les plus expérimentés, que la possibilité de se tourner vers des pays anglophones ou vers d’anciennes colonies britanniques. Et l’une de ces ex-colonies n’est autre que la Malaisie qui figurerait aujourd’hui dans le palmarès des 7 pays où il fait bon d’immigrer.
Par Abderrahman EL FOULADI, pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°04 , pages 2 et 3, AVRIL 2022 .
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