Dans l’Éditorial du mois de mai 2015, nous avions écrit, en parlant de l’immigration clandestine des africains vers l’Europe : ‘’Hier c’était les Canaries comme raccourci vers l’Espagne pour les subsahariens. Avant-hier c’était le Maroc avec son avantage de n’être qu’à environ 14 kms des côtes Européennes. Aujourd’hui les candidats au paradis européen se rabattent sur la Libye… Chaos politique et sécuritaire oblige’. Et qu’importe les morts qui (ne) se comptent (que) par centaines car les réussites de la traversée pour les rescapés se comptent, elles, par milliers! (…)

Et de poursuivre plus loin : Prendre un zodiac et affronter les éléments déchaînés de la mer, pour le candidat à l’immigration, ne serait pas un billet-suicide mais un aller-simple vers l’espoir et une vie meilleure. Le risque de mourir ne serait pas dissuasif car le candidat à l’immigration chaque jour se considère mourir un peu… À petit feu. Et certaines caméras auront beau zoomer sur les cadavres jonchant les plages, le candidat à l’immigration ne s’identifiera point aux morts: Il laissera cette besogne aux caméras et aux plumes des reporters en mal de scoops qui vont l’accueillir et sauront faire verser sur lui une grosse petite larme de crocodile.

Mais voilà le Maroc qui revient à la mode

Et pas pour les 14 kilomètres qui le séparent de l’Espagne par mer, mais plutôt pour ses deux villes toujours occupées par l’Espagne (Ceuta et Melilla) qui prolongent la frontière de l’Union Européenne jusqu’en Afrique et exposent le Continent européen à toutes et à tous comme un fruit interdit… comme une tentation ! Pourquoi alors risquer la traversée par zodiac à travers le détroit de Gibraltar, alors qu’il suffit d’enjamber la clôture de barbelés pour se trouver au paradis ?

Et c’est ce que tentèrent de faire plus de 2000 clandestins pour s’introduire, le vendredi 24 juin 2022, à Melilla dans un assaut qualifié par les autorités marocaines, le jour même, du plus violent parmi toutes les tentatives que connurent les deux enclaves; les dernières années .

Par la suite le Maroc a laissé entendre que les clandestins furent manipulés et encadrés par des professionnels mafieux étrangers.

En effet, selon l’agence de presse espagnole EFE, L’ambassadeur du Maroc en Espagne a souligné que cet assaut contre la clôture de Melilla avait été planifié par des dirigeants « aguerris et entraînés » dans les zones de conflits qui sont entrés sur le territoire marocain depuis l’Algérie grâce au « laxisme délibéré » de ce pays en matière de contrôle de ses frontières avec le Maroc.

L’EFE s’est référée à un communiqué de la représentation diplomatique du Maroc en Espagne qui déplore le « véritable drame » survenu le 24 juin du côté marocain de la frontière où, selon les chiffres officiels, on compte 23 migrants morts et 76 blessés, dont 18 sont toujours hospitalisés.

Les assaillants auraient fait usage d’armes blanches, de barres de fer et de pierres dans leur affrontement contre les gardes-frontières.

Selon le site WEB France-info, ce n’est pas la première fois que les migrants tentent une incursion collective. Début mars il y avait déjà eu plusieurs tentatives, dont la plus importante jamais enregistrée à ce point de passage : quelque 500 migrants étaient parvenus à passer sur un total de 2 500. En 2021, dans la nuit du 16 au 17 mai, 8 000 à 9 000 migrants (dont au moins 2 000 mineurs non accompagnés) ont, eux, traversé à la nage ou à pied la frontière entre le Maroc et Ceuta. Il y avait eu au moins deux morts.

La réaction de l’Algérie

Sitôt le communiqué de l’ambassade du Maroc en Espagne publié , la réaction algérienne est venue immédiatement de la part de Amar Belani, ‘’envoyé spécial pour le Maghreb et le Sahara Occidental au ministère algérien des Affaires étrangères’’ en des termes virulents et qui ne se sont pas trop enfargés dans les manières diplomatiques .

Pour M. Bellani, «Rabat devrait admettre son faux règlement de la situation des migrants des pays du Sahel, au lieu de jeter des pierres, de manière ‘’malhonnête’’, sur ses voisins».

Et d’accuser le Maroc d’avoir «utilisé des migrants pour intimider les pays du sud de l’Europe, en particulier l’Espagne, en soulevant le risque de les inonder par des migrants, afin d’obtenir en retour un soutien diplomatique et des subventions financières de la part de l’Union Européenne».

Comme à son habitude, depuis la rupture unilatérale des relations diplomatiques par l’Algérie avec le Royaume, aucune riposte officielle aux accusations de M. Bellani ne fut remarquée de la part du Maroc officiel.

Est-ce ce mutisme qui catalysa l’empressement de M. Belani à demander une enquête internationale sur ce qui s’est passé ce vendredi 24 juin 2022, veille de l’ouverture des jeux méditerranéens à Oran, et ce, tout juste après le drame qui eut lieu aux portes de Melilla et avant même le communiqué de l’ambassade marocaine en Espagne ?

Le Maroc officiel n’a pas fait de surenchère, mais  plusieurs analystes et journalistes ayant pignon sur Youtube, ont conseillé à M. Bellani de nettoyer d’abord devant sa porte et surtout de demander une enquête sur ce qui se passe depuis plus de 47 ans au sud-ouest algérien dans les camps de Tindouf où des sahraouis sont détenus sans statut de réfugié aucun, et laissés à la merci des milices du polisario; armées et soutenus par le pouvoir algérien contre le Maroc.

Il est à souligner que la polémique entre médias sociaux marocains et représentants du pouvoir algérien s’est intensifiée depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Rappel de certaines causes ayant envenimé les relations algéro-marocaines

Le malentendu algéro-marocain remonte au temps de la colonisation française des deux pays. Mais il s’est exacerbé avec la malencontreuse guerre des sables en 1963.

Aussi, et aussitôt le Maroc entré au Sahara, suite à la Marche-verte, feu Boumediene s’évertua à planter le polisario comme un caillou dans les soulier de feu Hassan II.

Les deux frères-ennemis sont morts tous les deux depuis assez longtemps. Mais le caillou devint une montagne barrant la voie à la construction du Grand Maghreb et, du même coup, à toute coopération économique et politique entre les pays de la région.

En août 2021, la tension s’intensifia suite à la rupture unilatérale, par Alger, de ses relations diplomatiques avec le Maroc, en raison « d’actions hostiles » du Royaume à l’égard du pays, selon le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.

Le premier novembre, Alger augmente la pression en fermant le gazoduc Maghreb-Europe qui passe par le Maroc pour alimenter l’Europe en gaz naturel algérien. Et Amar Belani de se presser de son côté d’en imputer la responsabilité au Maroc.

Mais voila l’Espagne qui ajoute de l’huile sur le feu, et ce, en reconnaissant, en mars dernier, la souveraineté du Maroc sur le Sahara dit ‘’occidental’’ par la partie algérienne, et ‘’Marocain’’ par la partie Marocaine.

La riposte d’Alger ne se fit pas attendre et fit suspendre unilatéralement le « traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération » le liant à l’Espagne, depuis octobre 2002 !

Selon l’agence de presse espagnole EFE, les algériens justifient leur décision en affirmant que « les autorités espagnoles se sont lancées dans une campagne pour justifier la position qu’elles ont adoptée sur le Sahara occidental, une violation (toujours selon eux) de leurs obligations légales, morales et politiques en tant que puissance administrative du territoire sahraoui qui pèse sur le Royaume d’Espagne« .

Cette attitude contre un acte souverain d’un état souverain, ne tarde pas à faire réagir les réseaux sociaux marocains qui la trouvent pour le moins bizarre ; du moment que l’Algérie se dit non partie dans le conflit entourant le Sahara Marocain ; alors qu’elle agit ces derniers temps comme si elle est la seule partie !

Certains youtubeurs  vont encore plus loin et commencent à se poser la question sur la partie qui pourrait avoir le plus d’intérêt à ce que les immigrants clandestins envahissent Ceuta et Melilla ? Est-ce le Maroc d’une part ou l’Algérie et le polisario d’autre part ?

Quid de l’Europe ?

La solution la plus facile pour couper le mal à la racine, serait de fermer cette porte ouverte sur l’Afrique, à travers cette frontière espagnole avancée en Terre africaine, et ce, en poussant l’Occupant à rétrocéder ces enclaves à leur propriétaire légitime. Mais l’heure est aux complications…

Par Abderrahman EL FOULADI (Canada) pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°07 , pages 02 et 03, MOIS DE JUILLET 2022 .

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