Les incendies de l’été 2022 n’ont jamais été aussi graves: Des feux de forêt en Afrique du Nord et en Europe du Sud se sont produits en juin et juillet 2022; attisés par de fortes chaleurs et des vents persistants livrant les conditions favorables à leur déclenchement; soit par la foudre, soit par des causes humaines. Les principales zones endommagées sont en France, en Grèce, en Espagne, au Portugal et au Maroc.

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Les canicules combinées avec la sécheresse : une situation qui est en train de devenir la norme

Au cours de la période 2010-2015, environ 1% de la forêt méditerranéenne brûle chaque année; soit presque 400.000 hectares, causant, en plus, des pertes en vies humaines ainsi que d’énormes dommages écologiques et économiques.

Soulignons, d’ores et déjà que, contrairement aux autres parties du monde où prévalent les feux de forêts d’origine naturelle (essentiellement déclenchés par la foudre), les incendies en région méditerranéenne sont, à 95% des cas, d’origine criminelle ou d’inadvertance…

Pourtant, La profusion des feux de forêt dans les pays du bassin méditerranéen change d’un pays à l’autre. A titre d’exemple, la part de la surface forestière moyenne annuelle brûlée est de : 0,01% en Albanie ; 0,04% au Maroc ; 0,05% en Turquie ; 0,13% en France ; 0,87% en Algérie ; 0,9% en Espagne ; 1,12% en Grèce ; 1,04% en Italie et 4,12% au Portugal.

A l’instar du Maroc, l’ensemble de l’Union européenne souffre des mêmes conditions climatiques extrêmes, et la plupart des Vingt-Sept ont, d’ores et déjà, souffert d’incendies ayant détruit des surfaces de forêts largement supérieures aux moyennes des années précédentes (2006-2021). Les scientifiques prédisent que les feux de foret vont augmenter de 30 %… comme en témoignent les premiers mois de 2022.

Pourquoi la chaleur est-elle si extrême ces dernières années ?

La plupart des climatologues affirment que la réponse à cette question est le réchauffement de la planète.

Le Met Office, service national britannique de météorologie (Weather and climate change), estime que la probabilité d’une chaleur extrême a été multipliée par dix en raison du changement climatique.

Les températures moyennes de la planète ont augmenté d’un peu plus que 1°C par rapport aux niveaux de la pré-industrialisation au XIXe siècle, et ce, à cause des émissions de gaz à effet de serre suscitées par la combustion de combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, qui emprisonnent la chaleur dans notre atmosphère et contribuent à porter la concentration de dioxyde de carbone aux niveaux les plus élevés depuis 2 millions d’années. Il s’agit de la période la plus chaude de l’histoire depuis 125 000 ans.

Le  Maroc se démarque très fortement des pays voisins

Le Maroc dispose d’une richesse biologique des plus distinctives du bassin méditerranéen, corollaire de sa position géographique privilégiée, entre la Méditerranée, l’océan atlantique et le Sahara, et avec ses hautes chaînes montagneuses des Atlas et du Rif.

Le Maroc fut frappé durant plusieurs semaines successives, cet été, par une vague caniculaire, avec des températures approchant les 45 °C, dans un contexte de sécheresse hors norme et de stress hydrique. Conséquence : De violents incendies ont ravagé des régions boisées reculées du nord du Maroc, entraînant l’évacuation de centaines de familles et détruisant des milliers d’hectare de forêt. il est à souligner que les incendies ont ravagé ces dernières semaines plus de 11000 hectares de foret dans les provinces de Larache, Ouezzane, Tétouan, Chefchaouen, Taza et Al Hoceima. Ces incendies sont honorablement tous maîtrisés.

La stratégie de gestion des incendies au Maroc : Intelligence artificielle, drones et canadairs

La gestion des incendies de forêts a constitué depuis longtemps, une angoisse majeure des pouvoirs publics marocains. Une stratégie est adoptée par le Département des Eaux et Forêts, en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés.

Ainsi, la prévention englobe toutes les actions qui visent la résorption des conditions favorisant les éclosions des incendies, il s’agit principalement de la sensibilisation du grand public aux dangers des incendies et aux mesures de prévention, l’interdiction des activités forestières qui font usage du feu en forêts (en saison estivale), le lancement d’opérations sylvicoles et d’entretien des plantations et le renforcement des infrastructures et des équipements en milieu forestier tels que : voies d’accès, points d’eau, pistes forestières, tranchées pare-feu…

Avec des cartes statiques et dynamiques des feux de forêt, on peut analyser les risques de feux de forêt et fournir aux gestionnaires des données permettant de définir des priorités : investir dans les infrastructures, les équipements ou les opérations de protection contre les incendies en milieu forestier.

Ce système de prédiction est renforcé par un supercalculateur dont les données sont ensuite analysées par des experts multidisciplinaires. De même, des drones pour surveiller l’avancée des feux dans les endroits difficiles d’accès.

L’utilisation de drones DJI 300 RTK qui combinent une autonomie de vol de 55 minutes, des capacités d’intelligence artificielle avancées, une détection et positionnement dans 6 directions, permettra de collecter des informations sur l’évolution des incendies.

Pour les opérations d’intervention, il s’agit de toutes les actions visant la limitation de la progression du feu : Il englobe aussi bien les dispositions prises en vue de se doter du matériel nécessaire, pour rendre les équipes de lutte opérationnelles, que l’ensemble des procédures mises en place pour partager et définir les rôles et l’ordre de marche de l’ensemble des intervenants.

Réhabiliter les zones sinistrées

La réhabilitation des zones brûlées consiste en une série d’actions à réaliser sur le court et sur le long terme en fonction de l’analyse de la sévérité de l’incendie et aussi en fonction du diagnostic post-incendie basé sur des critères indicateurs de la survie ou de la mort différée de l’arbre.

Juste après le passage du feu, des actions sont envisagées pour remédier aux risques nés de l’incendie, il s’agit essentiellement de la mise en place d’actions visant à protéger le sol de l’érosion et la mise en protection de la surface brûlée. À plus long terme, en fonction des conditions naturelles et socio-économiques, la reconstitution du peuplement forestier s’appuiera soit sur la régénération naturelle ou artificielle (par plantation de plants élevés en pépinières).

Clin d’œil au pays de l’érable: Canadair, un avion-pompier qui changea la face de la  protection civile marocaine

Reconnaissable à ses couleurs rouge et jaune, l’avion permet d’atteindre le cœur de l’incendie, inaccessible au sol.

L’armée de l’air marocaine utilise des bombardiers d’eau Canadair et des avions d’épandage Turbo Thrush. Ceux qui pilotent ces avions sont parmi les meilleurs de nos pilotes : En temps normal, ils pilotent des F-16 ainsi que d’autres avions de chasse.

Les bombardiers d’eau “Canadair” sont des appareils imposants qui peuvent transporter des milliers de litres d’eau en faisant le plein directement en rotation sur les étendus d’eau. Ces engins ont été décisifs dans la maîtrise des feux de forêt qui ont ravagé le nord du Maroc, le mois dernier. 

Le Maroc est le seul pays arabe et africain à en posséder. Les premiers Canadairs lui ont été livrés en 2011. Aujourd’hui, le pays en possède cinq opérationnels. Cet avion est capable de puiser jusqu’à 6 tonnes d’eau en douze secondes. Pendant son ravitaillement, l’avion peut atteindre une vitesse maximale de 300 km/h.

À l’époque, le Maroc subissait presque chaque été d’énormes incendies qui ont ravagé entre 2006 et 2009 des milliers d’hectares de forêt. Ces avions ont révolutionné la lutte contre les incendies, rendant ainsi l’action de la protection civile plus facile. Les canadairs ont permis, pendant toute une décennie, aux équipes sur le terrain de venir à bout de spectaculaires feux de forêt de manière efficace.

Le Royaume, qui boucle l’achat de trois nouveaux Canadair CL-415, rejoint ainsi la liste des 12 pays propriétaires de Canadair. Seulement quelques pays disposent de ce type d’avions dans le monde : le Canada (63 appareils), l’Espagne (25), l’Italie (19), la Grèce (18), la France (12), la Turquie (9), la Croatie (6), les Etats-Unis (4), la Corée du Sud (1) et la Thaïlande (1).

Le prix d’un seul de ces avions varie entre 20 et 25 millions d’euros. L’heure de vol revient à quelques 16.000 euros, auxquels il faut ajouter des frais considérables de maintenance notamment.

Trois avions supplémentaires de type CL-215 ont été acquis, dont le premier sera livré cet été, les vols d’essai des trois bombardiers, effectués au Canada, ont été couronnés de succès.

Par Abdel-Jalil Zaidane,Tanger (Maroc) pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°08 , pages 6 et 7, MOIS D’AOÛT 2022 .

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