Les incendies de forêts se multiplient dans les pays du pourtour de la Méditerranée, en proie à une vague de chaleur sans précédent.

Outre les forêts de la côte-Nord du bassin méditerranéen; comme celles de la Croatie, de l’Italie et de la Grèce (où le 26 Juillet dernier, les températures ont oscillé entre 43°C et 45°C dans le centre et le sud), les forêts de certains pays de la côte-Sud , comme l’Algérie et la Tunisie sont également la proie des flammes.

Les changements climatiques sur la sellette

Les feux de forêts font partie du cycle de vie d’une forêt. Certaines espèces ont même besoin de ces feux pour pouvoir ‘’s’épanouir’’; c’est le cas de certains résineux. 

En outre, pour qu’il y est feu, il faut un comburant, un carburant et une ‘’étincelle’’. Dans une forêt, tous ces éléments sont réunis : Le comburant, c’est l’oxygène de l’air ambiant, le carburant c’est le bois sec ainsi que les broussailles et l’étincelle peut aussi bien provenir d’un mégot de cigarette; d’un fond de bouteille (qui pourrait jouer le rôle d’une loupe concentrant les rayons de soleil sur des brindilles de broussailles) que de la foudre qui s’abat sur un arbre.

Dans ce cas, pourquoi pointer du doigt les changements climatiques ? Pour la simple raison que tous les modèles climatiques projettent pour la région des hausses de températures, une diminution des précipitations et un rapprochement des sécheresses cycliques.

Et l’impact sur les feux de forêt est clair : Du bois et des broussailles plus secs (ce qui favorise le déclenchement du feu) et des pluies de plus en plus rares; ce qui rend difficile l’extinction de ce feu. Or les pays du bassin méditerranéen connaissent actuellement l’une des plus longues canicules de ces dernières années..!

Par ailleurs, si le réchauffement climatique participe activement à augmenter le risque d’incendies, le phénomène inverse se produirait également.

En effet, les feux de forêts sont favorisés par l’augmentation du risque de chaleurs caniculaires et de sécheresse, eux-mêmes accentués par le réchauffement climatique lui-même provoqué par l’émission de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone. Problème : «quand un arbre meurt, il largue dans l’atmosphère tous les gaz qu’il a stockés pendant l’ensemble de sa vie», explique Jonathan Lenoir, chercheur au sein du laboratoire Écologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés de l’Université de Picardie Jules Verne.

Des «puits de carbone»

Pendant toute leur vie, les arbres agissent comme un «puits de carbone», en absorbant une partie des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère.

Certes, les forêts relâchent une partie de ce qu’elles absorbent, mais ont un «bilan positif de CO?». «Le dépérissement d’un arbre prend plusieurs années, décennies voire des siècles dans certains cas», assure Jonathan Lenoir. Autant de temps où le gaz à effet de serre reste stocké dans l’arbre.

L’incendie change la donne par sa «brutalité». «Quand un arbre brûle, c’est une quantité colossale de gaz à effet de serre qui est déversé d’un coup dans l’atmosphère», complète Jonathan Lenoir. Autrement dit, tout ce que l’arbre a stocké pendant l’ensemble de sa vie est relâché à ce moment-là dans l’atmosphère.

De même, les flammes d’un incendie touchent le sol et les racines des plantations. «Le carbone qui se trouve dans le sol va aussi se libérer» sous l’effet des flammes, complète Sophie Szopa, chimiste de l’atmosphère et co-autrice du rapport du Giec de 2021. Autant de gaz à effet de serre déversés en plus dans l’atmosphère.

De là à avoir un effet majeur sur le réchauffement climatique ?

«Cela vient un petit peu l’accentuer, c’est un signal», assure Sophie Szopa. D’après elle, ces émissions de gaz à effet de serre supplémentaires restent loin de celles provoquées plus directement par l’activité humaine. Mais cela n’est pas à prendre à la légère non plus, selon Nathalie Huret, physicienne de l’atmosphère, ex-directrice de l’Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand. D’après elle, cela témoigne d’un «effet boule de neige».

Déjà dans les années 1970, la sécheresse était pointée du doigt pour expliquer les incendies. Des étés de plus en plus chauds, partout en France et déjà des inquiétudes. Ce constat fait en 1976 se répétera année après année.

Entre 1960 et 2008, les feux de forêt ont augmenté de 18%. Il faudra attendre les années 2000 pour que certains scientifiques fassent le lien entre l’augmentation du nombre de feux de forêt et le réchauffement climatique.

2019 ; l’année record en France

Rien que pour le département du Gard avec 1 200 départs de feux. Les scientifiques étaient déjà convaincus. L’État à son tour fait le lien entre les changements climatiques et l’augmentation du nombre de feux de forêts. Des incendies plus intenses, pendant des périodes plus longues allant du printemps à l’automne et concernant plus de régions.

Ces feux de forêts participent au réchauffement climatique en dégageant des gaz à effet de serre. Un cercle vicieux qui ne semble pas prendre fin cette année.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express , Vol. XXI, N°08, Page 03, Édition du mois d’août 2023.

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