En France quiconque critique Israël est traité d’antisémite; Hé oui! On ne peut pas évoquer la situation des Palestiniens qui vivent dans le chaos, car non seulement ce n’est pas politiquement correct, mais c’est aussi antisémite : Dominique de Villepin en a fait les frais.

En effet, pour Dominique de Villepin, lors de son passage sur France Inter le 12 octobre,  la France a un rôle important à jouer dans l’apaisement des tensions au Proche-Orient. « Il y a aussi une exigence de responsabilité que nous devons porter à la tête de la communauté internationale« , car selon lui, « nous sommes peut-être l’un des pays qui a la plus forte expérience de ces situations de guerre, de crise, du terrorisme !« . « Nous avons donc une expérience à partager et nous devons être imaginatifs, nous devons trouver des solutions en termes humanitaires« , avait-il ajouté. L’ancien visage de la diplomatie française se montre par ailleurs critique quant à la réponse d’Israël à l’offensive du Hamas.

Toujours selon Villepin, « Le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée« , combattre le Hamas n’est pas enfermer les deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza sans pouvoir sortir« , estime Dominique de Villepin.

De ce fait, « il faut penser ‘couloirs humanitaires’ pour que tout cela ne se termine pas dans un bain de sang« .

Mis en cause par certains observateurs, notamment par l’écrivain Jacques Attali, Dominique de Villepin a répondu aux accusations, le 26 novembre sur LCI. « Tous les chemins mènent à Rome mais tous les chemins de la critique ne mènent pas à l’antisémitisme« , lance-t-il  au micro de Darius Rochebin. « On peut critiquer les États-Unis sans être forcément être antisémite. On peut critiquer le sionisme messianique d’une partie du gouvernement israélien sans être antisémite. On peut soutenir l’idée de justice pour le peuple palestinien sans être antisémite« , souligne l’ancien Premier ministre français.

Selon Villepin, il est possible de « mettre en cause un système économique, culturel, financier » sans pour autant nourrir une haine vis-à-vis des juifs. « Un ancien président de la république avait fait campagne en dénonçant le pouvoir de la finance, il n’était pas antisémite », tance-t-il ainsi.

Autre exemple utilisé, celui des États-Unis, et plus particulièrement de son paysage politique actuel. « Au sein du parti démocrate, qui n’est pas connu pour son antisémitisme, il y a une fronde générationnelle et politique majeure qui est en train de se produire par rapport à Israël« , met-il en avant. « À force de vouloir limiter la capacité que l’on a à s’exprimer, à force de traquer toutes les formes de pensée, on devient un très petit pays » a-t-il conclu.

Peut-on réprouver Israël sans crainte d’être taxé d’antisémite ?

Cela devient grave quand le soupçon d’antisémitisme fait hésiter certains à dire à haute voix ce qu’ils pensent du conflit israélo-palestinien. Le moindre soutien à la cause palestinienne est désormais systématiquement retenu contre vous, et servira à vous stigmatiser à votre tour, déplore la sénatrice Esther Benbassa, sénatrice écologiste de Paris. Lorsque vous n’êtes pas «antisémite», vous êtes «islamo-gauchiste».

Ce n’est pas parce qu’on n’en parlait plus que le conflit israélo-palestinien avait disparu. Le mur qui se dresse en grande partie le long de la ligne verte paraît avoir figé la situation, occultant périodiquement aux yeux de tant d’Israéliens jusqu’à l’existence même des Palestiniens. Reste que ce mur est en même temps le symbole de l’impossible accès à l’existence d’un État palestinien.

Toujours selon Esther Benbassa, C’est bien à cela que s’en tient Benjamin Netanyahou depuis longtemps. Ses alliances avec des partis ultranationalistes et religieux, défendant le projet du Grand Israël et une colonisation à outrance, ont seulement alimenté la haine. La politique erratique qu’il conduit pour sauver sa place n’ouvre aucun horizon. Les élections israéliennes à répétition, n’aboutissant à la formation d’aucun gouvernement stable, en sont la preuve. La voie empruntée par Netanyahou ne mène en fait qu’à l’échec et à la violence, comme le démontrent hélas une fois de plus les événements de ces derniers jours.

Les humiliations, les spoliations, la violence «légale» que subissent les Palestiniens depuis des décennies, une occupation loin de faiblir et ne visant qu’à annexer, la politique américaine sous Donald Trump, ouvrant un boulevard à l’État d’Israël et à ses exactions, ont exaspéré jour après jour l’amertume et la colère des Palestiniens.

Soutenir la cause palestinienne

Dans l’atmosphère antimusulmane qui domine actuellement en France, le moindre mot, soutien à la cause palestinienne ou refus de la stigmatisation des musulmans, est désormais systématiquement retenu contre vous, et servira à vous stigmatiser à votre tour. Lorsque vous n’êtes pas «antisémite», vous êtes «islamo-gauchiste», «complice» des terroristes (d’ici ou de là-bas).

Une lourde chape pèse sur les citoyens qui souhaitent s’exprimer dans la rue ou dans leurs écrits contre ce qu’ils perçoivent comme un nouvel apartheid. Les manifestations de soutien aux Palestiniens à Paris, ont été interdites pour éviter, nous dit-on, slogans antisémites et actes de violence.

En réalité, ces accusations et ces mesures ne contribuent qu’à mettre de l’huile sur le feu, à faire taire les plus modérés d’entre nous, à aviver le rejet des Français juifs. Que ces derniers restent attachés à Israël, qu’ils y voient comme un dernier refuge au cas où, comme il est déjà arrivé dans l’histoire, ils seraient un jour lâchés par leur patrie, n’est pas un mystère, mais cela ne les rend pas étrangers à la France. Inversement, si certaines critiques radicales d’Israël cachent mal un véritable antisémitisme, ceux qui criminalisent a priori toute expression critique, ne sont rien d’autre que les alliés de la droite et de l’ultra droite nationalistes israéliennes, les fourriers de la guerre là-bas et du conflit ici.

La réalité est là, devant nos yeux, des Palestiniens qui souffrent, des enfants qui écrivent leur nom sur leurs corps, de peur qu’on ne puisse pas les identifier quand ils seront sous les décombres, sous les bombes israéliennes. Nul juif ne peut faire comme si de rien n’était.

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express, Vol. XXI, N°12, Page 02, Édition du mois de Décembre 2023.

LIRE L’ÉDITION DE DÉCEMBRE 2023

Maghreb Canada Express

By AEF