Le projet de réalisation du méga projet d’un tunnel sous-marin ferroviaire entre le Maroc et l’Espagne est en voie de réactivation avec pour ambition de le rendre opérationnel dès le début de la décennie 2030. 

Le dossier qui était au centre des débats lors des dernières rencontres entre le ministre marocain de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’eau et le ministre des Transports, de la Mobilité et de l’Agenda urbain d’Espagne sera de nouveau sur la table des négociations.

Les deux sociétés gouvernementales, la Société nationale pour l’étude du détroit de Gibraltar au Maroc et la Société espagnole pour les études de connexion continentale à travers le détroit de Gibraltar, présenteront un plan de travail détaillé pour la période s’étendant de 2024 jusqu’en 2026, lors  de la 44ème session du Comité mixte maroco-espagnol pour la connexion intercontinentale à travers le détroit de Gibraltar devant se tenir  en juin 2024  à Tanger.

Selon les données obtenues par Al Jazeera Net auprès de la Société Nationale d’Etude du Détroit de Gibraltar au Maroc, ce plan de travail comprend un certain nombre d’axes, parmi lesquels :

  • La restructuration et la modernisation des méthodes de travail des entreprises marocaines et espagnoles à travers les études et recherches approfondies qui ont été menées;
  • La coopération avec les institutions et instituts scientifiques et techniques nationaux et internationaux;
  • L’exploration des formations géologiques inférieures du détroit à travers des expéditions de reconnaissance sur terre et en mer;
  • La détermination du tracé et des installations du tunnel à travers une série d’études spéciales;
  • L’évaluation économique, environnementale, stratégique, sociale,  et juridique du projet, conformément aux normes internationales et autres Initiatives pour valoriser le projet aux niveaux local et international. 

Les ressources que le plan cherche à utiliser comprennent également de nouveaux équipements et technologies pour explorer les formations géologiques inférieures et réduire les risques qui y sont associés, rapporte la même source soulignant que  « le plan de travail pour la période 2024-2026 vise à faire évoluer le projet depuis l’étape de connaissance de son environnement naturel jusqu’à la description technique de cet environnement, pour passer à l’étape de mise en œuvre du projet dans le futur ».

Livraison en 2030 ?

Rappelons que la genèse de ce projet monumental  remonte à 1979, à l’issue d’une rencontre entre le Roi Hassan II et son homologue espagnol Juan Carlos, dans laquelle les deux souverains ont exprimé leur désir de travailler au développement de cette future liaison entre les deux continents. 

Un accord entre les deux gouvernements fut signé le 24 octobre 1980 créant, d’une part, un comité mixte hispano-marocain constituant l’organe de direction du projet et, d’autre part, deux sociétés étatiques d’études, chargées de la réalisation des plans de travail approuvés par le comité mixte : la Société nationale d’études du Détroit (SNED) à Rabat et la Sociedad Española de Estudios para la Comunicación Fija a través del Estrecho de Gibraltar, S.A. (SECEGSA) à Madrid.

En 2006, les ingénieurs participant au projet ont déclaré que le tunnel pourrait être mis en service à l’horizon de 2025, sous réserve de la faisabilité technique.

Fin 2006, Lombardi Engineering Ltd, une société suisse d’ingénierie, fut retenue pour concevoir le tunnel. Les études préliminaires se sont terminées dans le courant de 2008. Le projet consiste à relier Tarifa (Espagne) et Malabata (région de Tanger) par un tunnel sous-marin ferroviaire, l’Afrotunnel, long de 38 kilomètres dont 28 sous la mer à une profondeur de 400 mètres (une profondeur plus importante que celle du tunnel sous la Manche).

Selon des données publiées dans la presse, les trafics à travers le tunnel sont estimés pour 2030 à 13 millions de passagers et à 9 millions de tonnes de marchandises.

Pour les autorités marocaines, la concrétisation de ce projet permettrait de relier, non seulement deux pays, mais également deux continents, soulignant que le Maroc servirait de trait d’union entre l’Europe et l’Afrique. Le Maroc souhaite convaincre les pays de la région et un certain nombre de bailleurs de fonds d’adhérer à ce projet titanesque en discussion depuis une vingtaine d’années.

Soulignons que le tunnel servirait aussi bien au transport de passagers que pour les marchandises via une ligne ferroviaire. Les points de liaison devraient se situer à Punta Paloma, à Tarifa, et Malabata, dans la baie de Tanger.

Aucune donnée officielle sur le coût du projet n’a été annoncée mais selon d’anciennes estimations, le coût pour un tel tunnel serait d’au minimum 5 milliards d’euros. À titre de comparaison, le creusement du tunnel sous la Manche avait duré 6 ans et coûté 15 milliards d’euros.

En 2023, le gouvernement espagnol a alloué un budget estimé à 750.000 euros pour terminer les études techniques du projet de tunnel continental, tandis que la presse espagnole a rapporté que le coût total du projet pourrait atteindre 10 milliards d’euros et que sa mise en œuvre nécessitera une coopération internationale et un financement conjoint des banques internationales et de l’Union européenne.

A sa livraison, cette liaison ferroviaire sous le détroit qui va connecter l’Afrique et l’Europe via l’Espagne et le Maroc contribuera à réduire les coûts de transport et de logistique et à favoriser les échanges commerciaux entre les deux continents.

Elle facilitera également les déplacements des personnes et renforcera les liens entre les peuples africain et européen. À moyen terme, elle devrait permettre le transit de plus de 13 millions de tonnes de marchandises et 12,8 millions de passagers par an, selon les données de la SECEGSA. 

Selon des indications, le tunnel sera réalisé et exploité en deux phases : la première, avec un seul tunnel ferroviaire monotube dans lequel circuleraient alternativement des trains pour passagers et marchandises dans les deux sens par lots de 12 convois, et la seconde, avec deux tunnels ferroviaires unidirectionnels qui seront mis en service lorsque le besoin se fera sentir.

Liaison fixe Europe-Afrique et Initiative Atlantique du Roi Mohammed VI

L’initiative atlantique lancée par le Roi du Maroc Mohammed VI , a pour objectif principal de favoriser l’accès des Etats du Sahel à l’océan atlantique euh… pas pour s’y baigner (on l’aurait deviné) mais pour booster leurs échanges commerciaux avec le reste du Monde. C’est ce qui expliquerait la construction du méga port de Dakhla au Sahara; un port à la croisée de plusieurs routes maritimes africaines, américaines et même asiatiques.

Dans un proche avenir Dakhla va donc devenir un important hub de transport intermodal  (maritime bien-sûr mais aussi ferroviaire, routier et… aérien).

« D’accord, nous dirait-on, mais c’est quoi le rôle de la liaison fixe Europe-Afrique dans tout cela ? ». Une fois connectée au réseau ferroviaire marocain et africain, Dakhla va devenir un important centre de tri et d’affection du mode de transport qui sied le plus aux catégories de marchandises en provenance et à destination de l’Afrique, de l’Europe et du reste du monde. Et pour certains produits (agroalimentaires par exemple) nécessitant un transport plus rapide que par navire, le chemin de fer pourra prendre la via le tunnel euro-africain de Gibraltar. Maghreb Canada Express aura l’occasion de revenir en détails sur ce sujet. Qui ne dira pas son dernier mot de sitôt.

Par Mbarek El Azzaoui pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°04, Page 03, JUIN 2024

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