Que se passe-t-il au Palais El Moradia, à Alger ? Wash el beghla waldat ?  m’écriai-je, ce matin du 29 juin 2024, incrédule en utilisant cette métaphore chère à mon douar marocain d’origine (Oulad Mbarek; Tribu Beni Moussa) et se traduisant à peu près : ‘’Est-ce que la mule vient de procréer ?’’… Une manière comme une autre de se demander si l’impossible est devenu (enfin) possible !

Et il y a de quoi s’étonner car le Président algérien vient de créer l’Événement, non seulement par l’envoi d’un télégramme de condoléances au Roi du Maroc, qui vient aujourd’hui de perdre sa mère, mais il fut parmi les premiers à le faire ce 29 juin 2024 et, tenez-vous bien, en utilisant des termes si ’’élogieux’’ qu’on est en droit de se demander si le Président Tebboune est en possession de toutes ses facultés mentales lorsqu’il s’est réveillé !

 En effet, la version arabe du télégramme  de Abdelmajid Tebboune (publié sur le site WEB de l’Agence algérienne officielle de l’information APS; celle même qui désignait le Royaume du Maroc de ‘’royaume du vice’’ et la famille royale de makhzen) qualifie maintenant le Royaume du Maroc de Royaume Frère et la famille royale de ‘’honorable’’… Incroyable !

Soulignons quand-même que sur la version française du télégramme, ‘’Royaume du Maroc frère’’ fut remplacé par ‘’Royaume du Maroc, Pays frère’’ et le mot honorable avait disparu tout simplement de ’’famille royale honorable’’.

L’étonnement reste quand même de mise car il n’ y a même pas une semaine que le Chef d’État-major de l’armée nationale algérienne, le Général Said Chengriha, mettait sur le dos du Maroc tous les maux de l’Algérie et accusait le voisin de l’ouest de tous les complots contre ‘’le seul pays de la région (l’Algérie) dont le seul crime est de soutenir les causes justes partout dans le monde et le droit inaliénable de peuples à l’autodétermination’’ y compris le peuple sahraoui dont (selon plusieurs observateurs et pas seulement marocains) l’extrême majorité clame haut et fort sa marocanité et vit paisiblement dans un Sahara décolonisé de facto, suite à la Marche Verte de Hassan II, mais dont une toute petite minorité continue de croupir dans une prison à ciel ouvert , du côté de Rabouni, dans la région algérienne de Tindouf, et ce, en violation des droits humains les plus élémentaires selon plusieurs organisations internationales non gouvernementales.

Le télégramme de Tebboune surprend d’autant plus que tout est soit coupé soit fermé unilatéralement du côté algérien avec ou entre le Maroc : Relations diplomatiques, frontière terrestre, espace aérien, gazoduc Maghreb-Europe (GME)… ! Tout est fermé sauf les grandes gueules de part et d’autres des frontières qui appellent à la guerre et qui, certainement, seront les premiers à détaler comme des lapins si par malheur éclate cette guerre !

De l’avis de ceux qui l’ont côtoyé de près, Tebboune ne serait pas ‘’un mauvais gars’’. D’ailleurs dans une interview juste après son investiture, il avait déclaré qu’il n’a aucun problème avec le Maroc, allant jusqu’à mettre en valeur les liens de sang qui lient plusieurs familles marocaines et algériennes et soulignant les sentiments fraternels qui se manifestent à chaque fois que l’un des deux peuples à une joie à partager, citant la liesse des foules marocaines quand l’Algérie remporta la Coupe d’Afrique de foot.

Et puis Chengriha rappela Tebboune à l’ordre en qualifiant, juste après cette déclaration d’Amour, le Maroc d’ennemi ‘’classique’’. Une façon comme une autre pour rappeler au Président que, sont une chasse gardée de l’Armé nationale: les relations avec le Maroc, la question du Sahara et le budget du Polisario entre autres.

Et c’est ainsi que tous les appels à la réconciliation, lancés par le Maroc y compris ceux de son Roi Mohammed VI lors de ses discours du Trône, furent ignorés. Pis : les provocations, aussi bien sur le terrain réel que sur l’espace virtuel, se multiplièrent… aussi bien officiellement que par l’intermédiaire d’internautes formés en « armée cyber-spatiale » comme souhaité par le chef d’état-major de l’armée nationale algérienne.

Prenant toutes ces données en considération, certains marocains ce sont empressés de saluer l’initiative inédite du président algérien, criant « khawa khwa » à qui veut les entendre (fraternité quoiqu’il advienne), croyant que le général Chengriha est devenu enfin raisonnable et souhaitant que finalement la haine et les malentendus vont être enterrés définitivement… juste après les obsèques de la Princesse lalla Latifa, native du Moyen-Atlas, fille et petite fille des nobles amazighs Zayan, à l’hospitalité légendaire mais farouches guerriers qui n’ont jamais courbé l’échine devant l’ennemi et qui avaient su, ne serait-ce que le siècle dernier, imposer à l’occupant français le respect du guerrier maghrébin lors de batailles dont celle de Lehri (13/12/1914) n’est pas la moindre.

Certains analystes voient, au contraire, que l’armée (car ce serait elle le pouvoir et le centre de décision; ne serait-ce que pour ce qui à trait au Maroc) est maintenant divisée entre ceux qui veulent en finir avec la haine envers le Maroc et ceux qui ne veulent pas perdre un aussi « bon ennemi » qui, en plus, fait si bien le bouc émissaire.

Mais l’euphorie fut de courte durée pour tous :  Le général Chengriha tient toujours le bon bout du gourdin.

Il s’est avéré, selon une source algérienne, que l’initiative des condoléances fut prise dans un cercle très restreint et que plusieurs généraux étaient même en colère. Et d’ailleurs, à peine le télégramme envoyé que les réseaux sociaux s’enflammèrent pour tirer à boulets rouges sur le Maroc et son Makhzen . Et le tir n’épargna même pas la défunte, et ce, avec une bassesse où seuls certains internautes algériens savent exceller . 

La haine aurait, une fois de plus marqué un but. Et, même les ‘’Khawa khawa’’ parmi les Marocains, devant une telle vague de haine bien orchestrée pour nuire aux Marocains et au prestige de leurs institutions, se seraient résignés à mettre le fraternité dans le congélateur en attendant… Qui sait ?  Peut-être que les silencieux parmi les raisonnables algériens, se décideraient à remettre, à leur place, les marchands de la haine parmi leurs compatriotes.

En attendant, faute d’enterrer la hache de guerre, bon nombre, parmi les sages de part et d’autre de la frontière, prie pour que le président algérien, ne se fasse pas enterrer à la place de cette hache de guerre, et ce, pour le punir d’avoir voulu être président à lui tout seul en de pareilles circonstances.

Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°05, Page 04, JUILLET 2024

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