Par Hassane Bendahmane, Fonctionnaire international à la retraite (PNUE) ,

Le système des Nations Unies a été mis en place en 1945 alors que la seconde guerre mondiale n’était pas encore terminée. L’objectif principal de cette organisation était, et reste encore, le maintien de la paix mondiale à travers le dialogue, la concertation et la coopération entre les pays. Les pays qui sont sortis vainqueurs de la seconde guerre mondiale se sont donné un statut privilégié au sein du Conseil de Sécurité: parmi les 15 membres du Conseil, dix pays sont proposés par les pays des groupes sous régionaux pour un mandat de deux ans; ces dix pays ne sont donc pas permanents et surtout ils n’ont pas le droit de véto comme les cinq permanents: Chine, États Unis d’Amérique, France, Grande Bretagne et URSS (devenue la Russie dans les années 1990). La Chine de  Xiang  Gei Check de 1945 a gardé son siège de membre permanent à partir de Taïwan, malgré la Révolution Chinoise de 1949; ce n’est qu’en 1972 que le président Nixon, avec son Secrétaire d’Etat Henri Kissinger, a remis le siège permanent du Conseil de Sécurité à la République Populaire de Chine. La guerre froide qui a duré jusqu’en 1990 a vécu la période la plus importante du Conseil de Sécurité; c’est pendant cette période que le droit de véto  a été le plus utilisé: par l’URSS, entre autres (avec Khroutchev qui martelait son « NIET» en tapant sur la table avec sa chaussure) et par les États Unis d’Amérique ( les  trois autres membres permanents ont soit suivi la ligne des États Unis (Grande Bretagne et France) soit limité leurs interventions pour s’assurer de l’intégrité territoriale comprenant Taïwan. Cet usage, des fois abusif du droit de veto a causé des frustrations et des sentiments d’impuissance des autres pays membres, surtout quand il s’agissait du veto d’un seul pays pour rejeter le consensus mondial autour d’un sujet important.

De plus, le mouvement d’indépendance a vu une prolifération de nouveaux états indépendants et souverains rejoindre les membres des l’Assemblée Générale pendant les années 1960.  Des pays comme l’Inde ( avec plus d’un milliard d’habitants, à côté de l’autre voisin puissant, la Chine), l’Allemagne et le Japon qui se sont remis de leur défaite militaire pour devenir des puissances économiques, le Brésil… ont tous dénoncé le caractère déséquilibré, pour ne pas dire inéquitable, du Conseil de Sécurité. 

Les appels pour une réforme du Conseil de Sécurité se sont donc multipliés; mais les cinq permanents qui détiennent les rênes du pouvoir, tout en reconnaissant le besoin d’une réforme, n’ont jamais vraiment cédé ce privilège. 

C’est de là où l’idée de créer des membres permanents sans être dotés du droit de veto a émergé.

On parle du Brésil, de l’Argentine et du Chili, en Amérique Latine; on parle de l’Inde, du Pakistan de la Malaisie, de l’Indonésie et du Japon en Asie; on parle de l’Australie; on parle du Maroc, de l’Égypte, de l’Éthiopie, du Nigeria, de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie en Afrique. Tous ces pays peuvent être considérés pour occuper le siège de membres permanents, sans droit de veto. Or, il n’y a que dix sièges à pourvoir pour les membres qui n’ont pas le droit de veto, pour une trentaine de pays potentiellement candidats.

Cette course pour avoir un siège permanent sans droit de veto peut servir plusieurs objectifs:

  • 1. Promouvoir ou attiser des conflits régionaux qui sont en grande partie un héritage du tracé colonial des frontières, pour un privilège qui n’a pas une grande valeur stratégique;
  • 2. Mettre en veilleuse la critique fondamentale d’origine qui est les caractère inéquitable du droit de veto donné aux cinq membres permanents d’origine;
  • 3. Les dix membres non parements se relaient le siège pour deux ans sur une base rotative. Avec dix membres permanents, on risque de donner l’opportunité à des petits pays de connaître de près les modalités de fonctionnement du Conseil de Sécurité;
  • 4. Marquer un temps de réflexion sur la géopolitique mondiale, en attendant de voir plus clair sur le rôle du multilatéralisme (le système des nations unies en particulier) et le rapport de forces entre les puissances actuelles, en fonction de leur maîtrise de l’intelligence artificielle. 

Et le Royaume du Maroc dans cette valse?

Il est certain que le Maroc possède les atouts requis pour occuper une place de leadership au niveau régional.  L’un  des atouts les plus importants est la stabilité politique, issue d’un héritage dynastique qui remonte à plusieurs siècles. Le Maroc a cette expérience historique d’avoir négocié avec les pays du monde, à partir d’une position de supériorité, d’égal à égal ou de faiblesse relative. Les archives nationales constituent un trésor unique en la matière; les généraux ou les milliardaires des autres pays ne pourront jamais avoir accès à un tel cumul de savoir ou de savoir faire; appelons cela la Baraka ou le recul historique, peu importe mais cet atout est le fruit d’un processus historique qui est rarissime. Le Maroc a pu renforcer ses relations économiques et politiques avec les pays africains; la présence économique du Maroc est indéniable. Les racines culturelles et cultuelles sont évidentes.

Maintenant, faudrait-il que le Maroc se lance dans cette course vers le siège du membre permanent ? Et si ce n’est pas le Maroc,  qui se porterait candidat? À quel prix pour le Maroc? Pour la paix et la stabilité dans le monde? L’ambassadeur Omar Hilal explique les enjeux avec plus d’éloquence et de clarté : Lire l’article Réforme du Conseil de sécurité : le Maroc est le mieux placé pour représenter l’Afrique (M. Hilale)

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