Alors que les américains sont en train de discuter avec la Russie des premiers pas d’un éventuel cessez-le feu qui mènerait à des négociations pour mettre fin au conflit Ukrainien, certains dirigeants européens continuent à faire battre les tambours de la guerre, donnant l’impression qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils avancent ni des conséquences que cela pourrait avoir sur leurs populations, voire sur tout le continent ou le reste du monde; continuant au passage, consciemment ou inconsciemment, de diviser l’Europe tout en risquant de mettre leur économie au bord du gouffre.
Pourtant, ces politiciens connaissent bien, avant même que le New York Times le publie le 29 mars dernier, l’implication directe des États-Unis dans la guerre en Ukraine. En effet, selon Adam Entous, (auteur de l’article Du New York Times et spécialiste des questions de renseignement) « c’est un véritable partenariat » qui a lié, pendant près de trois ans, haut gradés militaires ukrainiens et américains. Les officiers de renseignement américains localisent des cibles et les Ukrainiens les détruisent. Les Américains «font partie de la chaîne d’exécution », comme l’indique le chef d’un service de renseignement européen.
Selon le New York Times, tout a commencé avec une réunion secrète sur la base américaine de Wiesbaden en Allemagne, entre généraux américains et généraux ukrainiens. Depuis, des agents des deux pays se rencontraient ainsi chaque matin afin de passer en revue les positions russes repérées par Washington et Kiev. Les opérations sur le front de Kharkiv, Koursk, la Crimée, etc. ont été l’œuvre des américains. Mais comme il ne fallait surtout pas que les USA apparaissent comme étant directement en guerre contre la Russie, cette alliance fut confidentielle.
Étant certainement au courant de ce partenariat Américano-Ukrainien, Trump a décidé de mettre un terme à la guerre en Ukraine. Une décision motivée par le souci d’éviter un échec militaire face à une Russie dont le potentiel militaire aurait surpris les experts du pentagone.
Vouloir reprendre le flambeau et remplacer les USA dans cette guerre serait une pure folie, voire un suicide; Ce qui n’est pas étranger à l’Europe. En effet, la liste des conflits armés en Europe (comprenant les guerres entre nations européennes, les guerres entre une nation européenne et une nation non-européenne dont le champ de bataille est situé en Europe) est très longue. Elle commence par la première guerre de Messénie en 743-724 av. J.-C. et se termine par la deuxième guerre mondiale sans parler des guerres au Kosovo, la Serbie… etc.
Les va-t’en guerre européens
En effet, c’est dans le continent européen qu’il y a eu le plus de batailles par habitant. C’est presque régulier, l’Europe ne peut pas s’empêcher de plonger le monde dans une guerre. Si les USA l’avaient un peu calmé à travers la guerre froide et la dissuasion nucléaire, l’Europe a retrouvé aujourd’hui avec la guerre en Ukraine cette tendance presque naturelle à vouloir retomber dans la guerre mais, elle n’est pas encore consciente.
Les va-t’en guerre européens oublient que la première guerre mondiale était un pur suicide basé sur des erreurs de calcul monumentaux. Beaucoup d’historiens (*1) ont démontré que des politiciens, des diplomates et mêmes des généraux étaient prêts à arrêter cette guerre, parce qu’ils étaient conscients qu’elle ne servait à rien et qu’elle n’avait absolument aucune utilité. Mais, le camp de la guerre dans tous les pays belligérants s’obstinait à continuer pour gagner… Chaque camp croyant que cette guerre ne va pas durer plus que six mois et… qu’il va la gagner !
A la fin, ce furent 17 millions de personnes, tuées pour rien !
Malgré cela, des responsables européens parlent aujourd’hui de réarmement et veulent même, sans le dire ouvertement, entrer en guerre contre la Russie. La présidente de la commission européenne a proposé 800 milliards d’euros pour la défense européenne. En déclarant : « Nous sommes à l’ère du réarmement et l’Europe est prête à augmenter massivement ses dépenses de défense… », elle bat les tambours de guerre. En proposant : « un nouvel instrument permettant de financer la défense aérienne et antimissile, les systèmes d’artillerie, les missiles et les munitions, les drones et les systèmes anti-drones », on pourrait en conclure qu’elle prépare la guerre, ce qui n’est pas dans ses compétences.
La poussée vers une Europe fédérale dans l’espoir de prendre son leadership serait un calcul erroné. Le calcul des géopoliticiens allemands, qui voient un destin Bismarckien pour l’Allemagne comprend des risques incalculables. Dans les deux cas, il faut au moins vingt-ans pour arriver à harmoniser les langues (minimum trois langues), les stratégies de défenses, les administrations locales … etc.
Or, la majorité des pays européens connaissent une véritable crise économique et politique. Une crise économique, due à de multiples sanctions contre la Russie qui ont eu un effet contraire, puisque ces sanctions ont peu touché la Russie, mais au contraire, ont touché de plein fouet les économies européennes, y compris celles des pays qu’on appelle « puissances européennes » (Allemagne, France Royaume-Uni et Italie).
Pour faire court, contentons-nous de citer comme exemple la situation économique et politique du couple franco-allemand :
Au niveau économique, l’Allemagne, première puissance économique européenne a connu déjà une récession en 2023 avec une baisse de 0,1 % de son PIB. L’industrie manufacturière allemande, minée par la hausse des coûts de l’énergie depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, en 2022, subit la pression de la concurrence internationale. En particulier dans des secteurs clés comme l’industrie automobile, qui a connu un net recul de la production en 2024.
Cette crise s’est aggravée par l’explosion de Nord Straem par les USA (*2), qui a coupé la jugulaire de l’Allemagne. Car, depuis ce sabotage, l’économie allemande connaît de grosses difficultés. En tout cas, la gloire de l’industrie automobile allemande après la réunification entre 1989 et 2009 est terminé et elle ne retrouvera plus jamais le niveau d’avant 2022. Aujourd’hui, la chine s’est positionnée pour être concurrente sur le marché automobile européen. D’autant plus que l’Union Européenne lui a ouvert grand les bras.
Quant à la France, elle vit au-dessus de ses moyens depuis trop longtemps. Avec 6 % du PIB, elle a aujourd’hui le déficit le plus élevé d’Europe, encore plus que l’Italie. La dette publique ne recule pas, ce qui inquiète 80 % des Français. Quant a la fierté française de son industrie automobile, elle ne s’approchera plus jamais du niveau d’avant la guerre en Ukraine; d’autant plus que Trump vient de taxer de 25% les autos européennes. Pour redresser la situation, il faudrait un effort juste et partagé par tous. Or, chaque secteur tend à avoir des idées d’économies pour les autres, mais à les refuser pour lui-même.
Au niveau politique, les résultats des élections en Allemagne du 23 février dernier sont marqués par un vote fort pour l’extrême droite, ce qui pourrait avoir des conséquences pour la stabilité du pays. En effet, compte tenu de son poids économique et démographique au sein de l’Union, les élections allemandes revêtent toujours une importance majeure pour l’avenir du continent. Dans le contexte international extrêmement tendu qui résulte de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, ces élections prennent encore beaucoup plus d’importance.
En effet, depuis ces élections, la situation en Allemagne est déconcertante; Le Bundestag (parlement) s’est transformé en un lieu de marchandage entre partis qu’en une plateforme pour défendre les intérêts du peuple. C’est en fait, un échec catastrophique du système politique du pays. En outre, avec ce scrutin, la frontière entre l’Est de l’Allemagne «RDA » et l’ouest « RFA » est plus visible que jamais dans les urnes. C’est dire que l’Allemagne doit revoir son modèle de réunification.
Conséquences ? les désillusions des électeurs allemands ne cessent de croître et ils s’éloignent de plus en plus des partis traditionnels « Volksparteien », ce qui expliquerait en partie la montée de l’extrême droite en Allemagne et dans presque tous les pays européens.
Concernant le Parti des Verts, s’il a pâti de sa participation au gouvernement ces trois dernières années, il réussit à imposer dans les négociations « Zéro Carbone » dans la constitution de l’Allemagne ce qui sera un atout formidable pour ce parti lors des prochaines élections, mais un lourd fardeau pour le gouvernement actuel.
Du côté français, les fortes tensions sociales en 2023 et en 2024 sur les problèmes aigus vécus par les agriculteurs et aussi sur les retraites ont engendré une crise sociale et politique. Ces manifestations ont rassemblé pendant douze journées de grèves 1,28 à 3,5 millions de personnes selon le journaliste Henri Clavier.
Cette crise politique s’est aggravée lorsque le président français a pensé faire un coup de génie en décidant de dissoudre en juin 2024 l’Assemblée nationale, aussitôt suivie par des élections législatives. Mais, le coup de génie a fait effet de pétard mouillé. En effet, les élections législatives ont eu comme résultat un parlement minoritaire. Une situation où aucun des courants politiques n’a la majorité absolue et qui entraîne la démission des différents gouvernements. Le dernier gouvernement, qui n’a pas encore atteint ses trois mois, reste à la merci des extrêmes droite et gauche.
Le Moyen-Orient a aussi ses va-t’en guerre. En effet, Netanyahu – un sioniste révisionniste – dont l’objectif est d’étendre les frontières d’Israël au-delà du Jourdan, est en train de pousser les USA à bombarder l’Iran ou à les aider pour le faire et, ce n’est pas la première fois. En effet, Jeffrey Sachs, un universitaire et économiste américain de renommée mondiale, aurait dit dans une interview : « Netanyahu nous a fait faire toutes les guerres qu’il voulait ».
Or, toutes les guerres dans la région du Moyen-Orient (Irak, Syrie, Afghanistan, Yémen) ont profité à l’Iran. Les politiciens Israéliens chevronnés le savent, mais Netanyahu leur vend le mythe de la réalisation du Grand Israël en se débarrassant de l’Iran, dernier protecteur de la résistance dans la région
La menace du président américain à l´Iran : « en absence d’un accord sur le nucléaire, les choses vont mal tourner » est prononcée dans ce cadre. Selon le chef de la diplomatie iranienne, une réponse à cette lettre a été adressée aux Américains . Cependant, le guide suprême Iranien a déclaré clairement : « si nous sommes attaqués, on serait dans l’obligation de développer une arme nucléaire ». Autrement dit, l’Iran a déjà sa bombe ou en phase de finition. Cela peut conduire à une guerre dans toute la région. On peut conclure, que quand une menace s’éloigne (Ukraine), une autre s’approche (Iran).
Notes :
- 1 Henri Guivin, Marc Block
- 2 le journaliste Swymour Hersh
Düsseldorf, le 5 Avril 2025, par Said Charchira

Said Charchira est un :
- Ex-professeur en Histoire politique
- Ancien directeur du Centre Européen de Recherche et d’Analyse sur la migration
- Auteur, acteur et observateur de la scène migratoire
- E-Mail: charchira@gmx.net
- Site: www.charchira.com