Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)

Depuis sa création en 1948, Israël s’est toujours présentée comme la seule démocratie du Moyen-Orient. Et de fait, ses institutions politiques et judiciaires ont parfois donné des preuves d’indépendance, allant jusqu’à traduire en justice d’anciens Premiers ministres, dont Benjamin Netanyahou lui-même. Mais cette vitrine démocratique cohabite, depuis l’origine, avec une réalité tout autre : l’expulsion des Palestiniens en 1948, l’occupation totale des territoires en 1967, puis le blocus de Gaza instauré en 2007 .,,, Une contradiction structurelle est née : démocratie pour les citoyens juifs d’Israël, régime de domination et d’exclusion pour les Palestiniens.

La guerre actuelle à Gaza pousse cette contradiction à son paroxysme. Selon les Nations unies et les ONG humanitaires, plus de soixante-dix mille Palestiniens ont été tués, la majorité étant des femmes, des enfants et des personnes âgées. Un tel bilan relève, à l’évidence, du crime d’extermination. Face à cela, la justice israélienne — prompte à instruire des dossiers de corruption ou de harcèlement sexuel visant le président ou le Premier ministre — reste muette. Comment comprendre qu’un État se montre capable de sanctionner ses dirigeants pour des délits individuels, mais ferme les yeux quand il s’agit de massacres collectifs commis sous ses ordres ? La question n’est plus seulement juridique : elle est morale et politique. Jusqu’où le citoyen israélien accepte-t-il d’être complice, par son silence ou son adhésion, d’une politique d’anéantissement ?

Dans toute démocratie, on distingue la responsabilité d’un gouvernement de celle de la société. Lorsqu’un exécutif mène une guerre injuste, il revient à la presse, aux partis, aux associations, à la justice et aux autres institutions d’exercer un contre-pouvoir. Or, dans ce cas, la société israélienne a semblé, dans son immense majorité, suivre la ligne officielle : quelques voix dissidentes, vite marginalisées, et une masse silencieuse ou acquiesçante. Dès lors, la faute ne saurait se réduire à Netanyahou et à son cabinet : elle engage aussi une opinion publique qui n’a pas mobilisé les outils démocratiques disponibles pour contenir la violence de son propre gouvernement. L’histoire est riche d’enseignements : l’Allemagne nazie n’a pas été le fait d’Hitler seul, mais aussi du consentement passif de millions d’Allemands ; l’apartheid sud-africain n’a pris fin qu’au moment où une partie de la population blanche a fini par le rejeter, sous la lutte interne et la pression internationale.

La communauté internationale ne verra bientôt plus un simple affrontement entre un gouvernement et un peuple occupé, mais la compromission d’une nation entière dans un processus d’extermination. Cette perception suivra chaque Israélien dans le monde et dans son quotidien.
La démocratie ne se réduit pas à l’existence d’institutions électives ; et Si le citoyen israélienne ne se ressaisit pas, et ne demande pas des comptes à ses dirigeants pour les crimes commis en Palestine, alors ce silence deviendra un fardeau moral et politique qui le hantera long temps

By AEF