Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)
À New York, l’Assemblée générale de l’ONU vient de rappeler au monde une évidence : la question palestinienne est d’abord un dossier politique. En adoptant massivement, en ce mois de septembre 2025, la « Déclaration de New York » réaffirmant la solution à deux États, la communauté internationale a voulu replacer le débat dans son cadre naturel : celui du droit, des frontières et de la souveraineté. Depuis des décennies, résolutions onusiennes, accords de Camp David ou d’Oslo, et même l’Initiative arabe de 2002, ont poursuivi ce fil directeur : le conflit israélo-palestinien n’est pas un affrontement théologique, mais une lutte politique qui doit trouver issue dans le compromis ,la diplomatie et la résistance.
C’est précisément cette évidence que Benjamin Netanyahou tente de brouiller.
Ses discours récents abandonnent le langage de la realpolitik pour s’envelopper de métaphores bibliques. Il ne parle plus de sécurité ou de négociations, mais de « combat entre la lumière et les ténèbres », d’« affrontement sacré contre le mal islamique ». Le chef de gouvernement israélien n’assume plus seulement une stratégie sécuritaire ; il se rêve en héraut religieux.
Ce virage n’a rien d’anodin. Il dit surtout l’impasse d’un homme. Rattrapé par de multiples affaires de corruption, contesté dans la rue par des foules immenses hostiles à sa réforme judiciaire, Netanyahou a perdu l’image de l’homme politique néanmoins d’État. Son autorité repose désormais sur une coalition fragile, dominée par des partis ultra-religieux qui dictent son agenda. Faute de bilan politique à offrir à l’Histoire, il cherche à se fabriquer un destin « sacré ».
Mais l’Histoire est cruelle avec ce genre d’illusions. Netanyahou n’est ni Rabin, artisan d’Oslo, ni Begin, qui osa la paix avec l’Égypte. Il n’aura ni la stature du stratège, ni la légitimité du guide spirituel. À trop vouloir se draper des habits de l’un et de l’autre, il risque de finir comme ce corbeau de la fable : ridicule et vide, incapable d’incarner ce qu’il prétendait être.
Sauf que le prix de cette fuite en avant ne se paiera pas seulement dans les livres d’Histoire.
En présentant le conflit comme une guerre de religion, Netanyahou offre un argument en or aux extrémistes qui y trouvent la confirmation de leur propre récit : non pas un combat contre une occupation, mais une croisade entre deux fois irréconciliables. L’un nourrit l’autre, et la spirale devient infernale.
Face à cette dérive, la responsabilité du monde est double : soutenir la reconnaissance d’un État palestinien et empêcher que le conflit ne bascule définitivement dans l’imaginaire du sacré. Car si tel devait être le cas, la région s’enfoncerait dans une guerre sans fin. Et Netanyahou, loin d’être retenu comme un chef d’État, ne resterait dans les mémoires qu’à la manière du corbeau : un imitateur malheureux, qui croyait gagner en grandeur mais n’aura semé que chaos et ruines.