Par Abderrafie Hamdi (Rabat, Maroc)
Sur les pancartes, les slogans claquent comme des coups de sifflet :
- « Pas de mondial,on veut un hôpital ! »
- « Pas de Coupe d’Afrique, on veut une école ! »
Le message paraît radical. En réalité, il est d’une lucidité rare. Cette jeunesse ne rejette ni le sport, ni la fête, ni la joie partagée. Elle dit simplement : faites-nous une place. La Génération Z marocaine, celle des téléphones à la main et des rêves suspendus, ne veut pas être spectatrice du progrès. Elle veut en être l’actrice.
Oui, elle veut des écoles dignes, des hôpitaux humains. Mais elle veut aussi des stades vivants, des espaces où respirer, des villes qui donnent envie d’y croire. Elle ne conteste pas le Mondial ; elle conteste qu’on le prépare sans elle.
Le monde a changé : le sport n’est plus un loisir, c’est un levier économique.
Aujourd’hui, il représente plus de 2 % du PIB dans des pays comme la France ou le Royaume-Uni, et génère des millions d’emplois. Derrière chaque match, il y a des ingénieurs, des cuisiniers, des chauffeurs, des communicants.
Le sport, c’est aussi l’image d’un pays, son rayonnement, sa confiance en lui.
Mais pour qu’il soit un moteur de développement, encore faut-il que ses bénéfices circulent, qu’ils financent l’école, la santé, la culture. Investir dans le sport, quand c’est fait avec transparence, n’est pas une dépense : c’est une manière d’éduquer et de soigner autrement.
Comparer un stade à une école est une erreur de perspective.
Le stade peut instruire autrement : il apprend la rigueur, le respect, la solidarité. Ce qui fait vibrer un stade, ce ne sont pas les gradins, mais les citoyens qui s’y reconnaissent. C’est là que tout se joue : dans ce sentiment d’appartenance, dans la conviction que ce qui se construit appartient à tous.
Pierre Bourdieu l’avait vu juste : le sport n’est jamais neutre. Il est un miroir de la société, un espace symbolique où s’expriment nos valeurs et nos hiérarchies. Choisir d’y investir, c’est choisir un modèle de société : fermé ou inclusif, vertical ou partagé.
La Génération Z ne tourne pas le dos au football.
Elle refuse simplement la logique de la frustration collective : voir le pays briller sans y prendre part. Elle ne veut pas attendre le Mondial. Elle veut le construire