26 ramadan 001Les mosquées représentent pour la communauté musulmane à la province du Québec une instance de socialisation et de sociabilité adressée aux divers groupes d’âge… entre autres  :

En effet, ces lieux de culte permettent aux habitués d’apprendre le Coran, le hadith et les fondements de leur religion islamique.

Par ailleurs, les mosquées représentent un lieu de rencontre qui remplace le café et crée chez les adhérents un sentiment de continuité avec leurs pays d’origine et un sentiment d’appartenance à leur groupe ethnique et culturel. Toutefois, la gestion de ces espaces de culte véhicule certaines déviations à l’essence de la pratique religieuse et se heurte vers certaines pratiques qui peuvent fragiliser la paix sociale et la cohésion sociale au sein de l’espace public québécois.

Dans ce cadre d’idées, cet article permet de mentionner quelques pratiques inadéquates qui menacent la paix sociale et de proposer quelques issues qui permettront de soutenir certaines pistes de changement.

Des logiques inadéquates

La gestion actuelle de certaines mosquées se heurte à la pratique démocratique, à la distribution des richesses, et émiette le corps de l’Omma.

La logique du sacrifice

Certains leaders de la communauté ont contribué à la création des mosquées dans la société d’accueil soit par leurs savoirs religieux, soit par les pratiques de bénévolat, soit par leurs contributions financières et soit par leurs nobles sentiments envers l’Omma.

Toutefois, les règlements de certains espaces ont instauré des restrictions et ont oublié d’instaurer des règles de participation démocratique en ce qui a trait entre autres à la prise des décisions, l’adhésion de nouveaux membres et le choix de l’imam. C’est ainsi, certains membres fondateurs d’entre eux détiennent la présidence de ces espaces de culte depuis des années. Ainsi, certains des imams détiennent le savoir religieux, la gestion des fonds, la représentation de la communauté auprès des médias et la gestion des contrats de mariage.

La logique d’invisibilité

Cette dimension a un rapport avec une mosquée qui est située dans une région éloignée. Aucune indication dans les rues qui permet d’identifier l’emplacement de la mosquée par crainte de pénétration des représentants de l’espace public dans le contrôle des activités de ces espaces. Cette logique peut affecter la forme juridique de cet espace et par conséquent affecte ces sources de financement et alourdit la charge des adhérents par leurs contributions sous forme de dons ou des prêts. Cette dimension a un rapport également à l’invisibilité des adhérents. En effet, c’est la charité qui permet de résoudre certaines difficultés des adhérents en absence des gens compétents. Cette réalité engendre de façon involontaire la culpabilité des demandeurs d’aide. En effet, la gestion de résolution des problèmes n’assure pas la confidentialité des données ce qui représente une menace à la dignité humaine.

La logique des identités émiettées

Cette logique repose sur le constat suivant : dites-moi quelle est la mosquée que vous fréquentez, je vous dis à quel pays vous appartenez, quelle idéologie vous essayez de défendre ou pour quel parti politique vous menez votre lutte. Parmi les conséquences de cette logique : les conflits entre certains groupes religieux, ce qui explique la présence de deux mosquées à proximité l’une de l’autre et dont les adhérents représentent deux groupes antagonistes. Aussi, il arrive qu’un imam utilise le discours de la prière du vendredi pour s’en prendre aux responsables de son pays d’origine. Dans certaines circonstances, en cas d’absence d’un imam, ce dernier sera remplacé, pour la prière du vendredi, par un adepte qui reproduit les discours du vendredi trouvés sur Internet et qui reflètent une tendance idéologique ou certaines opinions qui sont très loin de la réalité de la société d’accueil.

La logique de mauvaise gestion

Cette logique est le résultat, entre autres, de celle évoquée plus haut. Il s’agit de l’absence d’autocritique, de manque d’ouverture et de faiblesse  ou de refus du dialogue. C’est la situation d’un imam qui assure ou fait assurer par sa femme la gestion d’une école et organise pendant l’été des camps de vacances, tout en bénéficiant de chèques reçus sous le manteau et d’avantages divers que son statut lui procure.

Par ailleurs, certains organisateurs de ces espaces encouragent les adeptes à contribuer à l’élargissement des mosquées. Tandis que ces espaces ne sont pleins que dans la prière de vendredi, durant la célébration de la fête du aïd ou encore lors des prières de tarawih pendant le mois de ramadan. Il est important de mentionner lors du ramadan la présence de certains imams qui viennent de différents pays islamiques et dont les voyages sont payés par leur propre pays. Il arrive que certaines collectes de fonds soient assurées par des bénévoles pour remercier ces invités. Il arrive parfois que certains fonds soient envoyés, par l’intermédiaire de ces invités, pour soutenir l’effort de certaines associations à l’étranger. Quant à la gestion de Zaket, les fonds collectés par certaines mosquées sont distribués de façon arbitraire et par des gens incompétents.

Quelques issues pour la gestion des mosquées

Lorsque la religion se mélange avec la politique, elle devient une idéologie au profit de celui qui la manipule. Et lorsque la religion se mêle de gestion d’argent, elle peut devenir une source de corruption. C’est pourquoi cet article essaye de présenter quelques solutions qui permettront d’assurer le bon fonctionnement des mosquées tout en préservant en amont le côté rituel et en aval des rôles sociaux bénéfiques pour la communauté.

La nécessité d’instaurer le statut de mosquée

 Une mosquée représente pour le musulman la maison d’Allah. Pour assurer la continuité de cette idée, il est important de garantir que ces espaces de culte soient ouverts à tous les musulmans sans considération de leur appartenance idéologique ou politique. À ce propos, les prières collectives seront assurées par un imam et la gestion de cet espace respectera les lois en vigueur.

C’est pourquoi il est important que les pouvoirs publics ouvrent des canaux de dialogue avec les représentants actuels des mosquées pour connaître leur opinion et leurs suggestions pour arriver enfin à offrir un statut particulier aux mosquées afin de s’assurer de la neutralité de ces espaces.

La nécessité de réglementer le statut d’imam

Dans la plupart des pays musulmans, le rôle d’imam est rempli par des gens compétents qui ont des diplômes universitaires dans le domaine des sciences de la religion islamique. Il s’agit d’une condition qui doit être soutenue dans la société d’accueil afin de lutter contre l’intégrisme religieux, d’assurer la conduite de la vie spirituelle des adeptes et pour assurer les valeurs de la tolérance et de l’ouverture. Ces imams diplômés ont le bagage nécessaire pour donner des avis religieux et pour assurer la jurisprudence qui tient en considération les changements culturels. Ils sont les mieux placés pour représenter l’islam et ses valeurs dans les médias.

La nécessité d’instaurer un fond unique de gestion de Zaket et de Sadaka

Les fonds recueillis dans les mosquées sont mal orientés. La communauté a besoin, entre autres, de la présence des établissements de soins et de services sociaux qui prennent en considération les besoins particuliers des musulmans et de la présence d’instances de thérapie familiale et conjugale. Il existe des musulmans qui souffrent de la précarité et la pauvreté. Ces fonds peuvent être dirigés vers l’instauration de coopératives en faveur des membres de la communauté musulmane qui s’ouvrent à plusieurs types d’activités économiques, sociales et culturelles.

La nécessité d’entreprendre des recherches qui se réfèrent au champ de l’islam social

Afin de permettre des changements prometteurs en faveur de la communauté musulmane, il est important de mener des recherches relatives au champ de l’islam social. Ce champ désigne toutes les activités qui sont organisées au sein de la communauté musulmane et qui visent au bien-être spirituel, affectif, psychosocial et culturel du musulman. Ce champ est une alternative à l’islam politique qui vise à diviser les musulmans en provoquant des conflits idéologiques et en stimulant l’intégrisme. À titre d’exemple, il est important de mener des études systématiques sur le rôle des imams.

Pour conclure, les mosquées dans la société d’accueil représentent une importance spirituelle, sociale, économique et culturelle pour les immigrés musulmans. Il est important que ces instances soient bien organisées et bien structurées pour permettre aux musulmans d’affirmer une identité tolérante, ouverte, objective et ambitieuse. Le dialogue, la spécialité et la restructuration sont des clés qui permettent aux musulmans de s’identifier, de partager et de collaborer comme citoyens et non pas en tant que groupe restant en marge de la société d’accueil.

Par Maalla, Taha Abderrafie Maître ès Arts Travail Social (Maghreb Canada Express, Édition d’octobre 2013, Page 24)

 

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