Les Français sont-ils prêts à se faire justice eux-mêmes ?  Pas si sûr que ça !

En tout cas après le tollé qu’a soulevé le braquage du bijoutier de Nice, on a l’impression que ce n’est pas l’envie qui leur manque.

L’affaire du bijoutier de Nice est devenue un fait politique, social et culturel. En effet, ils sont plus de 1,6 millions à s’exprimer sur cette affaire sur Facebook.

Et même une grande partie de ces internautes trouvent que c’est une bonne idée de tirer dans le dos de l’agresseur.

Nous avons eu droit ces  deux dernières semaines à un concours d’insanités qui donne la nausée.

Bien sûr, le bijoutier est aussi une victime.

On peut comprendre l’exaspération de petits commerçants sans cesse agressés par des voyous. Mais cela ne justifie en rien le recours à une violence disproportionnée ni surtout à son exaltation.

Comme l’a rapporté Noël Mamère député de Gironde et ancien journaliste, dans son blog du 23/09/2013, c’est lui qui souligne : « Cette morale de café du commerce, qui consiste à défendre le droit de tirer dans le dos, nous ramène cent ans en arrière, en plein Far West où se faire justice soi-même était à la mode chez les colons qui commencèrent par exterminer les Indiens avant de s’entretuer à OK Corral.

On voit aujourd’hui aux États-Unis ce que cette histoire a produit : le culte des armes à feux et les massacres récurrents à la clef. Chaque personne agressée considère qu’elle a un droit naturel à l’autodéfense, protégé par un amendement constitutionnel ; elle se fait justicier et se substitue à l’État. »

Cette affaire a suscité de la part de beaucoup de monde une réaction du type : « il faut bien que chacun puisse se défendre puisque l’État n’est pas à même de le faire : ce gars là n’est donc pas coupable. » Or, même si on peut comprendre l’acte du bijoutier, il me semble que l’absoudre au motif :  « on peut le comprendre, il en avait marre, son agresseur n’est de toute façon qu’un voyou » n’est pas une bonne solution.

En effet, si la justice fermait les yeux, cela reviendrait à légitimer le fait de se défendre seul, d’user de la violence pour se défendre. Cela nous pose problème, puisque je pense qu’on ne peut vraiment fonder de société que si l’État s’arroge le monopole de la violence légale.

En tout cas, quand on descend dans la rue, la réaction des gens est différente de celle qu’on trouve sur les réseaux sociaux. Dans cette affaire les gens restent partisans de la loi, d’ailleurs ils ne comprennent pas l’acte du bijoutier. Il a cédé à la panique ou à la colère, n’a pas fait preuve de sang-froid et de raison.

Les gens n’hésitent pas à le qualifier de meurtrier, tout comme l’autre était objectivement un voleur. Ce qui compte c’est l’acte, pas sa motivation (qui reste subjective et peut être rétrospective). Refuser cela c’est refuser l’état de droit au profit d’un régime d’exception. Que chacun assume ses actes et ses responsabilités, et que la justice fasse son travail.

Il n’y aura pas de gagnants dans l’affaire, les braqueurs sont inexcusables : donner un passe droit au bijoutier voudrait dire que détenir une arme à feu de manière illégale peut être justifié et que le citoyen a le droit de l’utiliser quand il pense être dans son bon droit.

La loi n’est pas là pour permettre d’offrir n’importe quel moyen à n’importe qui pour se défendre. La société est censée défendre ses citoyens, en sachant bien évidemment qu’il est impossible de garantir la défense de tous. Mais, et on le voit aux Etats-Unis, la prolifération des armes entraîne davantage les morts qu’autre chose, et est donc absolument contre productive.

Légitime défense sur l’avenir ? C’est un concept absurde. Cette légitime défense « préventive » a été utilisée par les Etats-Unis pour attaquer l’Irak. On voit toute la porté du prétexte de « préventif ».

 Mustapha Bouhaddar

(Maghreb Canada Express, Édition du mois d’octobre 2013, Page 21)

 

 

 

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