C’est le titre du recueil de poésie de Bernard Ducellier, et qui verra sûrement le jour bientôt à la prochaine rentrée littéraire. Les lecteurs et lectrices de MCE découvriront ce recueil de poèmes, en avant-première, dans cet article.
Comme l’a écrit E.M.Cioran dans un de ses ouvrages : « Le poète serait un transfuge odieux du réel si dans sa fuite il n’emportait pas le réel. »
En effet, Bernard Ducellier a intégré le milieu de l’entreprise, après un bref passage à la Sorbonne où il avait suivi des cours à la filière d’histoire. Pour gagner sa vie, il était obligé d’interrompre ses études.
Amoureux de littérature et de belles lettres, son recueil de poésie est composé de trois parties : Brumes et dérives, Eclaircies et ballades, et pour finir : Soleil et rêveries. Avec en surligné, la quête du bonheur au fur et à mesure du déroulement du recueil. Du fond du trou pour les premiers textes, on arrive au bonheur parfait lors de la troisième et dernière partie.
Dans ses poèmes, l’auteur ne s’interdit rien, le vers permet tout : ses angoisses, la solitude, l’oubli, la déchéance, et l’obsession du temps qui passe. Son hymne à la nature est un hymne à la joie et à l’évasion. Ce n’est pas à l’école des philosophes qu’on apprend le courage, mais à celle des poètes. La prose de l’auteur nous apprend le courage de l’intelligence et l’audace de soi-même. A l’instar de Mallarmé, l’auteur prend un malin plaisir à jouer avec les mots et les rimes, se servant des alexandrins pour certains de ses textes, pour lever le voile sur les questionnements du lecteur et ses incertitudes. Vers où voulait-il nous emmener ? Peu importe, laissons-nous emporter.
D’emblée, le décor est planté avec le texte intitulé Solitude. La nuit est longue par manque de plaisir ou plutôt par le manque de l’être aimé.
Les veillées sont longues quand on vit dans la solitude : « L’atmosphère dans la chambre devint lourde et obsédante.
Au dehors, la pluie finissait par noyer la campagne. Pour l’homme abandonné, plus rien ne comptait désormais. Il n’avait plus rien, il avait tout perdu. Il restait seul avec sa solitude. » L’imaginaire l’emporte très loin du vécu. L’esprit devient créatif entre délires destructeurs et rêves de construction.
Car, le poète est un agent de destruction:
Vivre à ses côtés, c’est partir à la dérive et rêver d’un paradis. Dans son poème intitulé Destruction, la solitude et la destruction sont jumelles : « Si je pleure en silence devant ce large gouffre, voulant m’anéantir, mourir de son absence. »
Ou encore : « Au-delà de mon être, dans le vide infini. D’une foule en délire, je crie ma solitude. » L’auteur est lucide, il n’est pas contraire à la raison qu’on choisisse notre ruine totale pour empêcher le moindre plaisir, en l’occurrence l’amour.
Mon poème préféré dans ce recueil est sans conteste : Arrêter l’horloge. Comme l’a écrit Baudelaire jadis, l’auteur nous dit que pour ne pas sentir l’horrible fardeau du « Temps » qui brise nos épaules et nous penche vers la terre : « Il faut qu’on profite du reste de notre vie, avant de nous enfoncer dans la profonde nuit. », car « Les aiguilles de l’horloge ne font jamais crédit. »
Pour l’auteur, l’idée de la femme est importante, elle correspond à un besoin, pire ! Elle dirige notre destin. En effet, dans son poème « obsession » on peut lire : « Elle obsède mes nuits, que mes rêves sont détruits. Elle dilue mon cerveau. » Et plus loin « Elle dirige mon destin, fait de moi un pantin. » Très bel hommage subliminal à la femme à la fin du poème : « Elle écrit mon histoire. »… Face à la femme, l’homme ne veut rien dévoiler et trouve le pied de nez adéquat en citant « l’idée noire », en tant que responsable de son mal être général: Deux thèmes en un seul en quelques phrases.
Tous les poèmes de ce recueil de poésie sont magnifiques. Du premier écrit à 15 ans (« Une note »), du prémonitoire écrit à 16 ( » Soir de gloire »), jusqu’au dernier, écrit en 2012 et qui sonne comme une sorte de testament pour ses petits enfants, l’auteur passe aussi par des textes instruits comme des jeux de phrases, des jonglages de mots, des envolées hors contrôle, voire frivoles ou bien hors des sentiers battus.
Dans Brumes et dérives :
« Solitude », « Appel », « Destruction », « A l’absente », « S ’il te plaît , dis madame », « Nuit blanche », « Je voudrais me défendre », « Oubli », « Déchéance », « Le désabusé », « Souffrance », « Mieux ou pis », « D’hier et aujourd’hui », « A l’abri de l’auvent », « Quai de gare », Errance terrienne », « Crachin », « Engourdissement », et « Automne ».
Eclaircies et Ballades :
« Mon double », « Il y a.. », « Au gré des éléments », « L’enfant et la mésange », « Obsession », « L’ombre du souvenir », « La feuille de l’amour », « Le solitaire », « Subconscient », « L’ombre chinoise », « Dérive et rêve », « Marine », « Erosion », « Futur imparfait », « Le chantier », « Corrida », « L’oublie », « Vivre jusqu’à demain », « Arrêter l’horloge », et « Fatalisme ».
Soleil et Rêveries :
« Trop personnel », « Hasard », « Fin de journée », « Vie de cloche », « Jungle », « Soir de gloire », « Une note », « Ballade express », « Idiotie », « Bavardage », « Pensée folle », « Un monde si petit », « Petite plume », « Le voyage en ballon », « Impertinence », « La roue », « Embellie », « Voyage », « Nostalgia », « Fleur de ville », « Prémonition », « Envoûtement », « Hors du temps », « Un baiser », « Merci », « Mon chien », « Petite boule », « Le chat », « Actes de naissances », « À vos vingt ans », et « Lunadrien ».
Bernard Ducellier est un écrivain qui ne veut pas, ou qui n’ose pas se dévoiler. Un exemple ? Il écrit sous le pseudo : Julyan Curedelli. Julyan : condensé des prénoms de ses enfants, et Curedelli : anagramme de son nom. Des textes où chacun peut retrouver son propre vécu, et aussi des émotions que nous avons ressenties à un moment ou à un autre dans notre vie. C’est un condensé de petites histoires avec un petit « h » qui débouchent de façon exponentielle sur une histoire avec un grand « H ». Un auteur que les universités de Montréal devraient inviter, pour lire ses poèmes aux étudiants. Il leur fera aimer la poésie, car c’est un personnage passionnant, dont on sent la proximité des autres, à la lecture de ce recueil.
Enfin, et pour conclure, il faudra noter que ce recueil n’est pas « fils unique », car au-delà de celui-ci, Julyan Curedelli, donc, est aussi un excellent narrateur qui a publié pour une édition très réduite un livre intitulé « FortISSYmmo » au début des années 2000. Il y raconta l’extraordinaire épopée du club de football du FC Issy dont il était un des dirigeants, à l’époque où cette équipe réalisa l’exploit d’être la première équipe amateur de niveau 7 à arriver en 16ème de finale de la Coupe de France de football, et ce, au milieu des grandes cylindrées reconnues tels que l’Olympique de Marseille, l’Olympique Lyonnais ou Paris Saint-Germain. Pour ses deux passions, le football et l’écriture, tout un programme.
Par Mustapha Bouhaddar (Maghreb Canada Express / Édition d’octobre 2013, Page 20)