Ce débat a vu la participation des membres RACMA, Kamal Benkirane, Majid Blal, Mostafa Benfares, Fayrouz Fawzi et Taoufik Chraibi le neveu de Driss Chraibi. Cette rencontre littéraire dédiée à cette figure de proue de la littérature marocaine d’expression française, a été ponctuée par une analyse de l’œuvre de l’auteur. Ainsi il a été proposé entre autres : (le Passé simple), (Le Monde à coté), (Les Boucs) et (Mort au Canada). À cet égard, les panélistes ont fait observer que dans chaque roman de Chraibi, la révolte n’était jamais redondante puisque l’écrivain incrustait sa vision de la vie et de la littérature à travers son style intrinsèque, bien particulier et que ses romans, pour la plus part, autobiographiques, avaient été un exutoire pour faire valoir ses revendications.
Les conférenciers ont mentionné le fait que Driss Chraïbi avait permis à la littérature marocaine, d’opérer son premier ancrage dans la modernité. Alors que par ailleurs c’était plutôt la crise identitaire qui dominait. La relation amour-haine qu’il avait entretenue avec son pays, et nettement exprimée dans ses premières œuvres, ont été significative de cette volonté de rupture avec le poids des traditions et de leurs manifestations rétrogrades, ce qui a donné des œuvres comme “Le Passé simple”, “Les Boucs”, “Succession ouverte”, « la civilisation ma mère », etc., et qui continuent de nous parler à la fois du point de vue de l’auteur et du contenu de l’écriture.
Il y a aussi la revendication de la liberté à travers la dénonciation de l’immobilisme et de l’archaïsme qui avait caractérisé la société marocaine minée par les traditions. La littérature de Driss Chraibi, selon les conférenciers, a abordé aussi l’histoire comme dans « Naissance à l’aube », le féminisme, la réalité du monde arabe et contemporain, etc.
Taoufik Chraibi, dans des confidences instructives sur l’auteur, a été pointilleux sur quelques révélations ayant trait sur la relation de l’auteur avec la politique, la religion, la famille, l’amour. Il a ponctué son intervention par des petites anecdotes sur le trait de caractère de son oncle et sur le cheminement bien en dos d’âne de la condition matérielle et de vie de Chraibi.
Les positions avant-gardistes de ce précurseur de la littérature marocaine d’expression francophone, avaient marqué toutes les générations qui ont suivi. Salim Jay, dans son “Dictionnaire des Écrivains marocains”, écrit : «C’est sans doute l’écrivain de langue française qui a eu, dans les années cinquante et jusqu’aux années quatre-vingt, le plus grand impact et la vertu d’inviter les lecteurs marocains à s’interroger en profondeur sur leur société, sur leur rapport au monde et à eux-mêmes». Chraïbi s’était toujours posé la question suivante : « Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ? » Il dira sur ceci : « Si la civilisation arabo-musulmane s’est éteinte, c’est parce que nous n’avons pas pu apporter autre chose à l’édifice humain. Il m’arrive de me demander pourquoi j’écris. À quoi cela servira t-il ? La même question peut se poser à une plus grande échelle : que pouvons-nous faire au lieu d’être à la traîne du monde occidental ? C’est notre faiblesse qui fait la puissance de l’occident »
Par une telle activité, le Regroupement des Auteurs Canado-Marocains, a dévoilé ses intentions d’incarner le convoyeur pour incruster la littérature marocaine dans le parcours migratoire des marocains vivants au Québec. Ainsi le RACMA, s’investit dans sa vocation de médiateur dans la culture binationale et affiche clairement sa citoyenneté transnationale.
Malgré son jeune âge, puisqu’il n’a pas encore une année depuis sa naissance, le RACMA a gagné le respect des gens qui tiennent à la culture, la littérature et qui valorisent les écrivains. En effet, depuis mars 2013, le RACMA a un bilan bien fourni en activités et en projets porteurs du souci de bien transmettre l’amour du livre, la passion de l’écriture métissée, la promotion de la littérature migrante et le respect des artistes et auteurs qui travaillent souvent dans la solitude de leurs univers pour irradier les esprits de la lumière du savoir, pour mettre le rêve et l’utopie comme moteur de l’espoir par la poésie et pour nourrir les imaginaires par le roman.
Le RACMA a dans son actif une dizaine d’activités, de rencontres, d’événements qui en font actuellement, l’organisme marocain établi au Québec qui est le plus productif en quantité et surtout en qualité.
Les administrateurs fondateur de l’organisme tiennent mordicus à ce que l’excellence soit l’objectif premier qui anime leurs réalisations et que les avenues sont tellement nombreuses que cela devrait maintenir le RACMA en hyperactivité pour les années à venir.
Par Kamal Benkirane et Majid Blal.