Par Driss Boussaoud *
Directeur de Recherche au CNRS (Marseille, France)
Courriel : driss.boussaoud@univ-amu.fr

Driss BoussaoudDepuis des décennies, le Maroc et la France entretiennent d’importantes collaborationsen matière de recherche et de formation dans de nombreux domaines scientifiques. Celui des neurosciences est exemplaire de par les développements majeurs réalisésces dernières années.

La grande majorité des enseignants chercheurs marocains ont gardé des interactions étroites avec les laboratoires français dans lesquels elles/ils ont été formé(e)s. Ceci leur a permis, en particulier, de suivre et de s’intégrer dans l’évolution scientifique mondiale et ce malgré la compétition internationale intense qui objectivement favorise les pays qui ont les  » moyens « . C’est sur ce terreau historique et fertile qu’est née l’initiative de la création d’un GDRI franco-marocain en neurosciences dont l’objectif principal était de structurer les échanges scientifiques autour d’axes thématiques porteurs pour les deux pays.

Qu’est-ce qu’un GDRI, et comment fonctionne-t-il ?

Un GDRI (Groupement de Recherche International) est un des outils de coopération internationale du CNRS (http://www.cnrs.fr/derci/spip.php?article24). C’est un réseau de recherche sans personnalité juridique, créé pour une durée de quatre ans, éventuellement renouvelable une fois. Il regroupe plusieurs laboratoires de deux pays – ou davantage – pour la coordination scientifique d’une thématique déterminée.
Le GDRI est supervisé par un Comité scientifique présidé par un coordonnateur et composé de représentants des laboratoires membres. Il rend compte régulièrement de son activité à un Comité de pilotage. Ce Comité comporte un représentant des tutelles des laboratoires constituant le GDRI.

Le GDRI de Neurosciences France – Maroc

Coordonnateurs : Driss Boussaoud (France) & Omar Battas (Maroc)
* Fondé en Janvier 2008 par le CNRS (France) et le CNRST (Maroc), composé de 16 laboratoires (France, 5 ; Maroc, 11);
* Plus de 250 chercheurs et 300 doctorants, post-doc;
* 2009 : lancement de l’école annuelle du GDRI
* 2010 : de nouvelles équipes rejoignent le GDRI, et l’INSERM devient Partenaire en 2011;
* Janvier 2012 : renouvellement pour un 2e quadriennal (2012-2015), composé de 29 laboratoires;
* Le financement du GDRI vient du CNRS, CNRST, INSERM, ITMO Neurosciences et Universités Partenaires;
* Site internet : http://gdri-neuroscience-france-maroc.scicog.fr/

Faire avancer en parallèle la recherche fondamentale sur le cerveau et la recherche sur les maladies neurologiques et psychiatriques

Les travaux conduits par les différentes équipes du GDRI visent à comprendre le développement et le fonctionnement normal du cerveau, ainsi que ses dysfonctionnements dans de nombreuses maladies neurologiques et psychiatriques (Schizophrénie, Parkinson, Alzheimer, Autisme, Dyslexies…). Le but du GDRI est de     s’appuyer sur les spécificités scientifiques des équipes membres pour apporter une contribution originale aux progrès des neurosciences, tout en les plaçant dans leur contexte sociétal si particulier du monde méditerranéen.

Santé et environnement : la neurotoxicité, un enjeu sociétal majeur

La toxicité environnementale est une problématique mondiale, qui intéresse directement les neurosciences, et la neurotoxicité est souvent évoquée comme cause de maladies dégénératives. Un pôle de compétences en neurotoxicité environnementale a été créé au Maroc, il est issu directement de la dynamique créée par le GDRI.

Santé et éducation : le dépistage des dyslexies, une nécessité pour les apprentissages scolaires

Le dépistage précoce des troubles du langage (dyslexie, aphasie et pathologies associées) est crucial pour la mise en place du suivi et de la prise en charge chez l’enfant scolaire. Au Maroc, il n’existe pas encore de batteries de tests en langues natales (arabe, amazigh), et le GDRI contribue à faire progresser la recherche dans ce domaine.

Transfert de savoir faire médical : la stimulation cérébrale profonde et maladie de Parkinson

Un des meilleurs exemples de recherche translationnelle développée ces 20 dernières années, cette approche thérapeutique a d’abord été mise au point chez le modèle animal de la maladie de Parkinson avant d’être transférée aux Patients. Grâce aux chercheurs du GDRI, la stimulation cérébrale profonde est aujourd’hui utilisée dans les hôpitaux Marocains.

Partenariat avec le secteur socio-économique et innovations technologiques

Le GDRI œuvre en tant qu’acteur majeur dans le transfert des connaissances vers la société, la promotion de l’éducation et du développement socio-économique, par des partenariats en R&D avec les industriels (médicament, communication, santé, éducation…).Il vise ainsi à contribuer à l’innovation technologique, et à permettre l’insertion professionnelle des doctorants.

Du GDRI à NEUROMED et à la MNS : La construction d’un réseau méditerranéen de Neurosciences

L’ambition du GDRI, depuis ses débuts, a été d’inscrire les neurosciences méditerranéennes dans le concert mondial, en s’appuyant sur l’axe fort Maroc – France. Cet objectif s’est concrétisé en 2009, par un ambitieux programme de coopération (NEUROMED) du FP7 de l’Union Européenne : 26 partenaires, 7 pays méditerranéens (www.neuromedproject.eu), 1M€ sur 3 ans.Des centaines d’étudiants et de chercheurs de la région ont bénéficié de ce programme, avec d’importants échanges Sud-Nord mais aussi Sud-Sud, le transfert de savoirs faire, et le recrutement de jeunes chercheurs marocains formés au Canada ou en Europe.
Ces échanges scientifiques sont pérennisés par la création d’une Société Méditerranéenne de Neurosciences, en 2009 à Alexandrie, Egypte (MNS, www.mnsociety.com).

Quelques chiffres pour illustrer l’impact des actions et programmes impulsés par le GDRI :

– 10 écoles internationales (dont 4 du GDRI, 4 NEUROMED et 2 de la MNS)
– Formation de plus de 200 jeunes chercheurs
– Echanges de 60 doctorants et 25 chercheurs
– 40 événements (ateliers, colloques)
– Recrutement de jeunes chercheurs après séjours à l’étranger
– 3 jeunes équipes constituées
– 90 doctorants en co-encadrement
Défis futurs
Forts de son succès et de ses acquis, leGDRI poursuit aujourd’hui ses actionsautour de deux objectifs majeurs :
1) Achever la structuration des équipes membres du GDRI autour des thématiques d’intérêt pour les deux pays : l’objectif visé à l’horizon 2015 est de proposer des structures de recherche conjointes, de type Laboratoires Internationaux Associés (LIA) ou Unités Mixtes Internationales (UMI).
2) Pérenniser la structuration des équipes par le renforcement d’une Alliance Marocaine de Neurosciences. Cette Alliance permettra de porter des projets structurants en réponse aux appels à projets lancés à l’échelle nationale (Maroc) ou internationale (ANR Franco-Marocaine, programmes européens etc.).

Conclusion: Une coopération scientifique pérenne entre les deux pays

Les Neurosciences se sont imposées comme un champ scientifique qui touche toutes les sphères du savoir humain, devenant ainsi une des grandes entreprises de l’humanité. Cependant, alors que le poids des maladies du cerveau s’est accru à travers le monde, les moyens et les savoirs faire sont restés concentrés dans un petit nombre de pays développés. Les actions initiées par le GDRI ont contribué, et contribuent encore, de manière décisive au transfert des savoirs faire et des ressources en direction des pays du Sud. Le Maroc, qui s’est engagé résolument dans une politique ambitieuse de développement économique et social, est  aujourd’hui un partenaire à part entière dans les grands programmes internationaux de recherche en neurosciences,.
Pour finir, cet article étant publié dans un support destiné à la diaspora Marocaine, il vise à faire connaître cette initiative scientifique majeure et à inviter les Marocains du monde à la soutenir. Que vous soyez un scientifique, un praticien de la santé, un homme d’affaire, un industriel ou un homme de l’art et de la culture, vous avez sans doute une contribution intellectuelle, scientifique/technique ou matérielle à apporter. Contactez-nous.

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