(Par  Pr. Said Charchira, Tel : RFA +4915773076053, Mail : charchira@gmx.net , www.charchira.com)

immigration-marocaineLa communauté des Citoyens Marocains de Belgique, célèbre en cette année 2014 son demi-siècle de présence dans ce pays, alors que celle d’Allemagne a fêté l’année dernière le  cinquantième anniversaire de sa présence.

Pendant ce demi-siècle, de nombreuses et  multiples mutations se sont opérées au sein de la communauté des Citoyens Marocains de l’Etranger « CME ».

En effet, la féminisation, la sédentarisation, la double nationalité, l’apparition de la troisième génération, voire la quatrième génération, l’émergence de nouvelles élites, l’arrivée d’une frange importante de la communauté au troisième âge, l’apparition de nouveaux modes de comportement spécifiques à toutes ces catégories, sont autant de mutations structurelles.

L’occupation d’un certain nombre de CME des positions privilégiées dans différents domaines, la diversification des profils de ses membres et l’élévation de leur niveau socioculturel, constituent un trait de notre communauté en ce début du troisième millénaire.

Mais la gestion du dossier n’a que peu évoluer pour suivre ces diverses et multiples mutations. En effet, force est de constater, que le traitement de ce dossier continue à ne durer, que le temps des vacances estivales, ou l’on resserve les mêmes épanchements d’éloges, de sympathie alors que la gestion demeure frimeuse. C’est l’occasion d’organiser rencontres ici et là, où l’on prononce des slogans à l’emporte-pièce, sans aucun débat de fond.

Certains annoncent pour l’occasion, quelques propositions, souvent périmées sitôt que publiées. D’autres, tentent d’apprivoiser la communauté, de l’embrigader et de la contrôler de manière « néo-amicale » en réactivant certaines méthodes du passé. Pourtant, la communauté n’a  pas à être domptée, mais écoutée.

Devant ce triste bilan, le sujet lui-même a fini par devenir une simple évocation ponctuelle, perçue comme une lapalissade désolante. Il n’est pas exagéré de dire, que les gestionnaires du dossier, portent une lourde responsabilité, soit par l’absence d’initiatives sérieuses, soit par leur silence complice.

En effet, force est de constater, qu’aucune des institutions, chargée de gérer ce dossier, n’a tiré le bilan de sa gestion, pour se pencher non seulement sur les points faibles et sur la promotion des acquis, mais pour saisir également la grandeur des enjeux socio-économiques, stratégiques et politiques du dossier et profiter du potentiel énorme, dont recèle la communauté ainsi que du rôle qu’elle peut jouer, dans un monde de plus en plus globalisé. D’autant plus, que l’évaluation des politiques publiques est une nécessité constitutionnelle.

Aucune d’elles n’a poussé la réflexion au-delà, pour savoir avec plus ou moins de précision, les mutations à venir aussi proches que lointaines de notre communauté. Pourtant, une gestion moderne et responsable, nécessite de se projeter en avance pour imaginer des scénarios possibles pour la gestion d’un tel dossier aussi multidimensionnel que stratégique en perpétuel mutation.

C’est dire, la nécessité de résoudre l’équation d’une gestion moderne et efficace de ce dossier à multiples facettes. Car en poussant même superficiellement la réflexion, on est amené à constater, que même si le nombre de nos concitoyens estimé actuellement à quelque cinq millions, ne croît qu’à un rythme long au cours des dix (10) dernières années, il pourrait dépasser les sept (7) millions à l’horizon 2030.

Une deuxième réflexion nous amène à constater que c’est justement vers cet horizon, qu’on va voir des millions de ces nouvelles générations, devenir des citoyens de souche de leur pays de résidence respectifs. En effet, dans les trois décennies à venir, un grand nombre de grands- parents des nouvelles générations seraient nés dans leurs pays de résidence, ce qui les propulsent à devenir par la force des choses, des français, belges, allemands, etc., de souche (ils n’auront plus d’ascendance étrangère immédiate et ne seront plus issues de la migration récente). C’est dire, la nécessité de se préparer déjà, à parler de minorité de souche au lieu d’intégration.  

Quant au flux des citoyens Marocains vers d’autres pays de manière régulière ou irrégulière et, l’arrivée, principalement des Subsahariens sur le sol marocain, atteste que la Maroc est incontestablement inséré dans la mondialisation des mobilités humaines. C’est la  troisième réflexion

La quatrième réflexion est une évidence, puisque à partir de cette nouvelle situation, il devient nécessaire de se propulser en avance pour anticiper le développement d’une politique, adaptée aux mutations actuelles et à venir de la communauté et comment  peut- on tirer profit d’une telle situation et de celle, de l’arrivée des migrants sur le sol marocain.

C’est dire, qu’on ne peut plus agir par petites touches, mais d’une manière à ce que les initiatives soient conçues de manière globale, homogène et adaptée aux nouvelles réalités de la communauté et du Maroc lui-même. D’où la nécessité d’intégrer cette vision dans une approche plus large de ce dossier multidimensionnel. D’autant plus, que la communauté, demeure en ces temps de crise, une source appréciable de transferts et une source de compétences et de transfert de Know-how.

Une communauté, qui recèle d’un formidable potentiel et de solides compétences opérationnelles. Mais au-delà, de ces deux aspects, il y a des aspects sociaux, culturels, cultuels, civilisationnels et politiques, qui confèrent à ce dossier un caractère stratégique et humain. La dimension de ces multiples composantes aussi importantes les unes que les autres, exigent de les prendre en considération tant au niveau de la réflexion, qu’au niveau de la pratique et de l’action. Cela suppose une politique qui va dans ce sens.

C’est pourquoi, partant de l’obligation morale et citoyenne de tout Citoyen, il devient nécessaire d’attirer l’attention des responsables du dossier sur les défis à relever. C’est l’objectif de ce point de vue, qui ne se borne pas à enregistrer les failles, défaillances, etc. mais, s’efforce de rechercher les origines et les causes, avant de suggérer les pistes à explorer. Car si la communauté constitue un acteur de mutation, l’obsession de « sécurité » et l’accueil aussi chaleureux soit-il, ne peuvent plus être – à eux seuls- un mode de gestion de ce dossier multidimensionnel. Il faut donc changer de politique menée jusqu’ici.

Car, malgré certains efforts, la gestion du dossier paraît aujourd’hui entourée d’un silence inexplicable et fait l’objet d’une véritable négligence, alors qu’il est au cœur des préoccupations de la quasi-totalité de la communauté. En effet, le floue et le désespoir, qui règnent actuellement sur la scène migratoire, constituent un risque qu’il convient de désamorcer. Espérons, que nos responsables sont à l’écoute, au moins pour une fois.

 Source : Maghreb Canada Expres, Vol. Xii, N°03, Page : 6, Mars 2014)

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