Il y a maintenant un mois la justice égyptienne a recommandé la peine capitale pour des prisonniers politiques. En effet, 529 personnes ont été condamnées à mort, leurs seuls torts étant celui d’appartenir ou simplement de soutenir la confrérie des frères musulmans.

 Par Anas Abdoun, Étudiant en Sciences politiques à l’Université de Montréal, candidat à une Maîtrise en Relations Internationales

anas abdoun La Confrérie ‘’Les frères musulmans’’ est à l’origine un mouvement musulman politisée crée en 1928 par Hassan Al Banna.

L’idée première de l’organisation est de lutter contre la colonisation britannique et l’important phénomène d’acculturation dont faisait l’objet l’Égypte. Hassan Al banna propose ainsi de revenir à l’essence culturelle et religieuse historique de l’Égypte par opposition aux modèles qu’imposait les britanniques.

Partout où ils s’implantent, les frères musulmans travaille activement dans le domaine social auprès des œuvres caritatifs en établissant un lien privilégié et de confiance auprès de la population, notamment auprès des plus démunis. Les frères musulmans on ainsi investit les domaines désertés par l’État est ont été un soutient important à la population. Parallèlement dans le domaine politique la confrérie a toujours revendiquer une plus grande démocratisation du pays, et a durant plus d’une cinquantaine d’années exercé le rôle de l’opposition dans le peu de libertés et de marge de manœuvre que leur laissait l’armée.

En effet, les frères musulmans ont toujours été perçus comme un contre pouvoir possible à l’institution militaire, et de ce fait ont été fortement combattus depuis Nasser. À ce jour en plus des 520 condamnés à mort, on dénombre des dizaines de milliers de prisonniers politiques, dont beaucoup ont été arrêtés sans jugements, et ont fait l’objet de tortures durant leurs incarcérations.

Si les militaires égyptiens ont toujours perçu les frères musulmans comme une menace, c’est que ces derniers ont un lien particulier avec le pouvoir.

En effet, depuis le coup d’état des officiers libres en 1952, l’armée a occupé le pouvoir sans partage. Depuis Mohammed Naguib, tous les présidents de l’Égypte sont issus de l’armée. Contrairement à la Turquie, les militaires égyptiens n’ont pas seulement une influence importante sur le pouvoir, ils sont le pouvoir. De plus, l’armée a également mis la main basse sur l’économie du pays. Ainsi, de nombreux secteurs de l’économie allant de la simple bouteille d’eau à l’électroménager, sont fabriqués et commercialisés par l’armée égyptienne. Personne ne connait l’ampleur exacte de l’armée sur l’économie du pays, les experts avancent le chiffre d’un tiers de l’économie nationale. Néanmoins après la chute de Moubarak et poussé par la vague révolutionnaire, l’armée s’est retrouvé contraint à accepter l’organisation d’élection libre qui a vue la victoire des frères musulmans.

Les frères musulmans arrivés au pouvoir ont commis une erreur qui est celle de pervertir la pensée de Hassan Al Banna, et ce, paradoxalement en y restant fidèle. En effet, la pensée du fondateur des frères musulmans qui parle de « ré islamiser» les consciences musulmanes est une idée compréhensible en 1928 dans une Égypte très traditionnelle occupé par l’Angleterre. Ainsi, alors que la laïcité en tant que philosophie individuelles était un fait tout à fait anachronique dans l’Égypte du 20ème siècle, elle est aujourd’hui un fait incontestable dans beaucoup de pays arabes avec lesquelles les partis se réclamant de l’islam politique doivent composer sans distinction aucune dans les droits qui trait à la citoyenneté. Ci bien que quand Morsi accède au pouvoir, il apporte souvent une réponse religieuse à des problèmes sociaux et politiques.

À l’image du terrible phénomène d’agressions physiques et sexuelles à l’encontre des femmes égyptiennes où les frères musulmans répondent avec des affiches publicitaires appelant les femmes à se voiler. Une réponse simpliste et religieuse est apportée à un problème politique et sociétal complexe. Il va sans dire que cette réponse ne résout en rien le problème. Les criminels ne font pas de distinction quant au rapport à la religion ou à la tenue vestimentaire de leurs victimes. Enfin les frères musulmans ont simplement ignoré le problème copte, et le sentiment d’insécurité de toute une communauté dont l’enracinement séculaire en Égypte est antérieur à l’islam. Les frères musulmans n’ont pas mis en place des politiques anti-copte, mais force est de constater qu’ils étaient sourds quant à leurs inquiétudes et leurs revendications.

La logique appliquée dans ce cas était plus politique qu’islamique.

Les frères musulmans n’ayant aucun électeur copte ne voient pas l’intérêt de s’attarder sur leurs revendications. Pour le coup, nous sommes loin de l‘éthique musulmane dont se revendique le parti qui était appliqué à l’égard des coptes. Le deuxième calife Omar allant même jusqu’à corriger physiquement le fils du gouverneur pour avoir fait de même à un copte.

C’est là tout le problème des partis islamistes qui souvent viennent à la politique avec un esprit dogmatique et qui cherchent leurs réponses dans les textes là où ils devraient d’avantage se soucier du contexte. Les partis islamistes doivent apporter des réponses politiques aux problèmes sociétaux, et être animés par les valeurs et l’éthique musulmane là où l’intérêt politique s’arrête, et non pas utiliser le pouvoir politique pour imposer un cadre islamique. Il est certain que certaines de ces politiques en plus de la crise économique ont contribué à la chute de la popularité du président. Néanmoins, ne tombons pas dans la naïveté, ce n’est pas une insurrection populaire qui amenée la destitution du président.

Avec l’arrivée des frères musulmans au pouvoir, l’armée loin de vouloir abandonner ses privilèges, ne faisait qu’attendre le bon moment pour récupérer le pouvoir. En effet, si selon la version officielle, la destitution du président Morsi relevait du soulèvement populaire appuyé par l’armée, le journal le monde révélait que selon plusieurs sources des services de renseignements égyptiens et de l’armée, le coup d’état contre le président Morsi avait été décidé dès le 23 juin, soit une semaine avant la manifestation du 30 juin.

Plusieurs détails corroborent cette thèse souligne le quotidien français, comme les coupures d’électricité et les pénuries de gaz à l’origine de la gronde populaire, qui ont été rétablit dès le coup d’état militaire orchestré par le maréchal Al-Sissi. Le coup d’état a été présenté par beaucoup, comme l’intervention de l’armée comme arbitre du jeu politique, en attendant d’organiser des élections. En somme, l’armée n’était qu’un pouvoir de transition en attendant l’organisation d’élections. Le suspens a été de courte durée, en effet, en janvier 2014 le Maréchal Al–Sissi présente sa démission au conseil des forces armées en vue de briguer la présidence. Personne n’est dupe, cette manœuvre consiste à ranger l’uniforme militaire dans le placard et se vêtir d’un costume présidentiel.

De retour au pouvoir, la première politique qui est menée par les militaires est d’ostraciser un maximum la confrérie, plus que cela, il y a une volonté du pouvoir de porter un coup fort, voir fatale à l’encontre des frères musulmans. Le mouvement est déclaré organisation terroriste, ses avoirs sont gelés, ses membres emprisonnés et beaucoup de leurs sympathisants sont comme nous l’avons vu dans le préambule condamné à mort, ce qui à pousser la confrérie a renoué avec la clandestinité. Parallèlement, on organise un véritable terrorisme intellectuel en Égypte où tout soutient affiché pour les frères devient dangereux. Ainsi quand Ahmed Abdel Zaher, un footballeur égyptien après avoir marqué un but fait le signe de ralliement des partisans du président Morsi devant les caméras, celui-ci se retrouve directement suspendu. Enfin on dénombre plus le nombre d’imams et de oulémas qui débarquent dans les coulisses de la télévision d’état pour expliquer qu’il est de l’éthique islamique pour les soldats d’obéir à leurs supérieurs, et que les frères musulmans ne sont en rien musulman, mais qu’ils sont ni plus ni moins des terroristes.

Ce qui se joue actuellement en Égypte, ce n’est pas une lutte politique pour ou contre les islamistes, mais pour ou contre la dictature militaire. Le renvoi du Maréchal Tantaoui par le président Morsi est l’élément qui a poussé les militaires à fomenter un coup d’état. Il était alors clair pour ces derniers que les islamistes ambitionnaient de remettre le pouvoir politique aux mains des civils. Aussi, il faut être en tant que démocrate précis dans la clarification des faits. La destitution du président Morsi est un coup d’état militaire, et ce que l’on appelle pudiquement l’homme fort d’Égypte, pour parler de Al-Sissi n’est plus ni moins qu’un dictateur. À présent, le danger qui guette le pays est que la violence avec laquelle les militaires combattent les frères musulmans pousse la confrérie à répondre par la force à l’image de ce qui s’est passé en Algérie dans les années 90, alors qu’elle a été historiquement toujours dans la résistance non-violente.

L’armée doit comprendre qu’elle ne combat pas une confrérie qui regroupe des centaines de milliers de personnes, mais 40 millions d’Égyptiens. L’influence du mouvement est telle, que ce conflit traverse les frontières, à l’image de la brouille diplomatiques entre l’Arabie-Saoudite et le Qatar sur fond de soutien de Doha aux frères musulmans. Trois ans après le printemps arabe il est temps de s’interroger sur l’influence considérable de l’armée dans le monde arabe, capable de balayer tout les acquis d’une révolution en Égypte ou encore de présenter un candidat mourant à la présidentielle en Algérie.

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By AEF