Nous célébrons en ce mois d’avril 2014, le dixième anniversaire de la mise en place de l’instance Equité et Réconciliation « IER », chargée de solder les sombres années de plomb.
Par Pr. Said Charchira, Tel : RFA +4915773076053, Mail : charchira@gmx.net,
L’importance stratégique qui lui a été accordée, faisait croire à l’époque à un changement dans le paysage politique marocain. Dix ans plus tard, il n’est pas certain, que l’IER a été au niveau des attentes des victimes, voire de l’ensemble des Marocains ?
En effet, chargée de faire la lumière sur les disparitions, détentions arbitraires, tortures, en un mot sur les atteintes aux droits de l’homme, perpétrés depuis l’indépendance du pays en 1956. De la répression postindépendance, la révolte du Rif, aux emmurées de Tazmamart, en passant par la traque des opposants de gauche, la commission IER, a réalisé un travail on négligeable, mais son bilan reste mitigé.
Il est certain, que l’IER a eu le mérite de donner la parole aux victimes des années de plomb. Mais contrairement à l’expérience de l’Afrique du Sud ou il n’y a eu certes, ni poursuite ni jugement, les tortionnaires ont sollicité le pardon des victimes, alors que les membres de l’IER ont accepté une clause d’immunité, empêchant ceux et celles à qui ils ont donné la parole de révéler l’identité de leurs tortionnaires.
Même si l’on considère, que malgré quelques insuffisances, l’IER est une avancée dans le domaine des droits de l’homme, on ne peut prétendre avoir tourné la page des années de plomb. En effet, même si on laisse de côté l’indépendance de l’instance, le refus de pointer les responsables qui ont été à l’origine des violations des droits de l’homme durant cette période cruelle de notre histoire et le manque d’élucider de nombreux dossiers, comme celui du Rif, Omar Benjelloun, Manouzi, Ben Barka etc., ne permet pas de tourner définitivement la page.
Car, pour se confirmer aux standards internationaux, l’IER, qui est une instance qui a porté l’espoir de toute une société, aurait dû recommander (à défaut de jugement), au moins la mise à l’écart des responsables avérés, des postes clés dans l’administration en général et la sécurité en particulier. D’autant plus, que le pourquoi est connu et reconnu.
C’est dire, que la réconciliation aurait dû faire l’objet d’un réel effort de la part des responsables de l’IER, dont certains ont été eux-mêmes les victimes de ces années de plomb. Ils ne sont pas censés donc ignorer, que la réconciliation passe nécessairement par le devoir de l’Etat d’assumer ses responsabilités dans l’éclaircissement du sort de l’ensemble des cas en suspens.
Par ailleurs, l’IER n’a que peut évoquer dans son rapport, la réhabilitation des partis politiques de la mouvance démocratique ayant payé un lourd tribut pour la lutte démocratique. Elle n’a fait, qu’effleurer le cas des citoyens marocains de l’étranger et leur mouvement associatif, touchés également par la répression.
Alors que l’Afrique du Sud a lancé, après un plus d’une dizaine d’années, un vaste programme à destination des victimes et leurs familles, l’IER se contente de déclarations. En effet à l’occasion du dixième anniversaire de l’instance, on est choqué d’entendre des déclarations, telles : « Les victimes marocaines des années de plomb ont reçu les indemnités les plus élevées au monde». Comme, si les indemnités compensent les dommages moraux, éthiques et humains ! Comme si la rémunération peut à elle seule, apaisé les esprits, pacifier et stabilisé les cœurs !
Quand est-t-il du préjudice collectif subi par la vie intellectuelle et culturelle, qui traverse aujourd’hui une période creuse ainsi que certaines régions, marginalisées et devenues des symboles de la répression ?
Il semble, que malgré la nouvelle constitution, qu’il n’existe pas encore, aucune garantie sur le fait, que les violations des droits de l’homme, ne soient à nouveau perpétrées au Maroc. C’est dire, que dix ans après l’IER, les Marocains n’ont pas encore retrouvé une voix propre, ébranlée par plus de trois décennies d’années de plomb.
Pour terminer sur une note optimiste, il me semble que malgré toutes ces insuffisances, la perception générale de l’IER, reste positive dans cette bataille de réconciliation pour gagner les cœurs et les esprits des Marocains, conciliants par nature.
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