Comme le rapporte le site « Atlantico » du 10 mai 2014, bon nombre d’économistes se posent la question si l’Allemagne va rester ou quitter l’Europe. Pour certains, le pays n’en a plus besoin, pour d’autres, celui-ci est trop dépendant de ses partenaires pour effectuer le grand saut.
Il ne faut pas oublier que c’est François Mitterrand qui à deux reprises a voulu arrimer la politique monétaire de la France à celle de l’Allemagne, détruisant une industrie qui n’allait pas bien fort : en 1983 d’abord, avec le tournant de la rigueur et la politique du « Franc fort », en 1989 ensuite, en paniquant après la réunification allemande, et en avalisant celle-ci au prix d’une monnaie unique et d’un fonctionnement de la BCE calqué sur celui de la Bundesbank.
Bruno Bertez spécialiste de l’information financière analyse la situation de l’Allemagne en trois points :
– L’Allemagne a des créances considérables sur l’Europe et ne veut pas les perdre; c’est le passé ainsi cristallisé et c’est sa faiblesse, en particulier bancaire.
– L’Europe est le cache-sexe de l’Allemagne, le string de son impudeur, elle peut grâce à l’Europe mener une politique mercantiliste, sans être trop critiquée et attaquée. Elle est utile dans le dispositif global américain, car elle affaiblit géopolitiquement la France, cet empêcheur traditionnel de « baiser » le monde en rond. L’optimum allemand est un sous optimum partiel américain.
– L’Allemagne est compétitive mondialement parce qu’elle étale déjà une partie de ses coûts fixes sur ses vassaux européens. Les pourcentages d’export en regard des exports totaux induisent en erreur, car la compétitivité se joue à la marge, tout comme les cash-flow et les marges bénéficiaires. C’est la même chose avec la Suisse, le surproduit de la rente bancaire irrigue toute l’économie, bien au-delà de sa part dans le GDP.
Comme l’a bien analysé Laurent Joffrin dans un article paru dans le « Nouvel Observateur » du 24 mai 2014, où il se demandait si l’Europe va couler après avoir réussi le miracle d’unir durant soixante ans des nations en guerre pendant des siècles. En effet, la lecture des enquêtes d’opinion dans la plupart des pays de l’Union le fait craindre : par l’addition d’une abstention record et de la montée effrayante des partis nationalistes. L’Europe unie est en passe de devenir une idée morte en Europe. Entre ceux qui ne voteront pas et ceux qui voteront contre, seule une minorité de citoyens formera la base électorale des partisans de l’Union dans le Parlement. Péripétie ? Crise passagère ? Sûrement pas. Imaginons un référendum à l’image de celui de 2005, proposant une nouvelle avancée de l’Union. Qui peut croire que le oui l’emporterait ?
Laurent Joffrin trouve que l’origine de cette dégradation est limpide. En organisant cinq ans de stagnation et en acceptant un chômage massif sur le continent, ceux qui ont piloté l’Europe depuis la crise ont pris une responsabilité historique. A leur bilan social calamiteux, ils viennent d’ajouter une ultime maladresse : la négociation en secret d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis qui pourrait avoir son utilité, mais dont plusieurs clauses réduisent le pouvoir des Etats démocratiques au profit des multinationales et risquent d’abaisser dangereusement les normes écologiques ou sanitaires en vigueur en Europe. Obscurité, technocratie, libéralisme sans principe, pouvoir diffus et caché.
Alors l’Europe va-t-elle mourir ? C’est possible ! Mais sûrement pas l’Allemagne.
C’est comme au football, c’est un sport où onze joue contre onze, et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne.
Par Mustapha Bouhaddar (Maghreb Canada Express N°7, Volume XII, Juillet 2014)