À chaque coupe du monde, il y a toujours des enjeux économiques énormes. Mais à qui profite ce business ? Surtout pas aux pauvres brésiliens qui habitent La favela.
En effet, selon un rapport de l’ONU, les favelas brésiliennes compteront 55 millions d’habitants d’ici à 2020. Une situation due au développement démographique des villes, désormais plus important que celui des campagnes. Et ses habitants qui sont majoritairement noirs sont pauvres. Au Brésil si on remonte à l’origine de son histoire, les pauvres sont noirs, et ça n’a pas changé depuis.
Le 28 mai dernier, une manifestation d’Indiens et de travailleurs sans-toit contre la Coupe du monde a été dispersée à coups de gaz lacrymogènes à Brasilia, la capitale brésilienne.
Deux semaines avant le mondial de football, les populations indigènes, qui poursuivent leur lutte contre les projets d’exploitations minières et pétrolières sur leurs territoires, veulent faire entendre leur voix.
Dans un entretien donné à JOL Press, Jean-Patrick Razon, (ethnologue et responsable de la section française de Survival international, mouvement mondial de soutien aux peuples indigènes), rapporte que même si les Indiens manifestent contre cette Coupe du monde, ils ne sont absolument pas mentionnés dans les documents officiels de la FIFA. On ignore totalement leur existence, alors que ce sont les premiers habitants du pays, même s’ils sont effectivement une minorité – à peu près 240 tribus vivent au Brésil, la plupart en Amazonie, soit près de 900 000 personnes ou 0,4% de la population brésilienne. Alors que la Constitution brésilienne de 1988 avait promis de reconnaître tous les territoires indigènes dans les quatre ans qui vont suivre. Mais aujourd’hui, seuls 70% environ des territoires indigènes ont été reconnus, c’est-à-dire qu’ils ont été délimités géographiquement et consacrés à l’usage exclusif des tribus. Mais un projet de loi du Congrès datant de 2013 veut ouvrir leurs territoires à l’exploitation minière, aux barrages, à la construction de routes etc. Les Indiens manifestent également contre ce projet de loi.
Combien de tribus indigènes sont encore « coupées » du monde au Brésil ?
Jean-Patrick Razon estime qu’il y en a encore une centaine. Ce ne sont pas forcément des gens qui n’ont jamais vu « l’homme blanc », mais ce sont des gens qui se sont retirés du « monde » parce qu’ils ont connu des situations catastrophiques par le passé : à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, l’exploitation du caoutchouc a employé des Indiens et les a traités comme des esclaves. Des tribus ont perdu parfois jusqu’à 90% de leur population durant le boom du caoutchouc. Les tribus isolées ont fui les massacres et ce genre de situations. Ils ont décidé de se retirer et de vivre d’une manière nomade, dans la forêt. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus obligés de reculer devant le front pionnier, l’exploitation minière, pétrolière, les barrages ou encore les bûcherons clandestins qui viennent raser la forêt.
Il faut savoir que le cas des Awa du Brésil a fait l’objet d’une très grande campagne de Survival qui a persuadé les autorités brésiliennes d’expulser tous les bûcherons illégaux qui étaient sur leur territoire. Cette opération vient d’être terminée avec succès. Les autorités craignaient beaucoup pour la vie de groupes d’Indiens isolés qui vivaient sur les territoires envahis par ces bûcherons. Isolés, ils n’ont en effet pas d’immunité contre les maladies que peuvent transmettre les étrangers et meurent souvent au moindre contact avec ces derniers. Une simple grippe peut tuer la moitié d’une tribu.
Pour l’instant, des milliards des téléspectateurs du monde entier sont rivés devant leurs écrans de télévision. Le football n’est pas seulement une religion au Brésil, il l’est dans le monde entier. Et les Indiens ainsi que les habitants pauvres de la favela n’ont qu’à prier le christ qui trône sur Rio ou profiter du mondial pour faire pression sur le gouvernement brésilien.
Par Mustapha Bouhaddar (Maghreb Canada Express, No 7, Volume XII, Juillet 2014)