Le Maroc a connu ces dernières années une métamorphose considérable quant au développement de ses villes et de ses infrastructures.
En effet, le Royaume a considérablement investi et sollicité des investissements dans de grands chantiers que ce soit l’extension des grandes villes, la création d’infrastructures portuaires )tel que Tanger Med) ou encore la liaison TGV reliant le Nord du Maroc au Sud; une première dans le monde arabe !
À bien des égards, cet investissement massif de la part des autorités marocaines dans les infrastructures du pays donne la sensation d’un pays en forte croissance, qui connait un développement fulgurant et un accroissement des richesses considérable. De plus, la démocratisation du crédit à la consommation jumelé à la culture de ‘’l’apparence’’ très ancré dans la culture marocaine contribue fortement à cette sensation d’une ascension sociale existante,; en témoigne le lot de berlines allemandes qui traversent les routes neuves des grandes villes comme Tanger ou Casablanca.
LE REVERS DE LA MÉDQAILLE…
Cette politique de développement libérale ne concerne en réalité qu’une petite frange de la population, les autoroutes et la création d’une ligne de train à grande vitesse, n’est utilisé que par les classes favorisées du Maroc, par les Marocains résidant à l’étranger et naturellement par les touristes.
En revanche concernant les questions sociales qui touchent directement la population, l’État n’a pas bougé voire a déserté l’ensemble des défis sociaux auxquels le Maroc est confronté. La santé et les hôpitaux restent dans un état déplorable, l’éducation a été délibérément privatisée, les statiques de l’ONU sont unanimes, le Maroc est derrière la Mauritanie, et même le Pakistan quant au classement concernant la qualité du système éducatif !
Ainsi, les familles ayant les moyens de payer une école privée sont celles qui peuvent assurer un avenir à leurs enfants, tandis que la majorité de la classe populaire ne connaitrait jamais le concept d’égalité des chances, qui serait une chimère au Maroc.
En outre, il n’existe aucun filet de sécurité social, bien souvent la seule sécurité qui existe au Maroc est celle de la solidarité familiale qui tend à disparaitre avec la progressive individualisation de la société et la destruction du tissu traditionnel marocain !
Certains analystes déplorent cette situation sociale argüant que le Maroc bénéficie d’une grande stabilité politique et que de ce fait, il a plus de facilités à attirer les investissements étrangers (et des retombées économiques). Il devrait donc investir dans la réduction des inégalités et l’éducation.
D’autres analystes pensent, au contraire que c’est de cette stabilité politique que découle justement le manque d’éducation de la population.
Le Maroc est actuellement géré comme une entreprise finançant les projets rentables à court-terme (comme le tourisme et les infrastructures) et délaissant ceux qui le seront à plus long terme comme la santé et l’éducation des citoyens marocains.
Il est évident que le Maroc doit se développer et jouer le jeu de la mondialisation et de la compétitivité internationale et à ce titre les grands chantiers comme la création du port de Tanger-Med (qui est le plus grand d’Afrique et qui est en passe de devenir le plus grand de la Méditerranée) sont une bonne chose dans la mesure où elle attire de nouvelles usines et donc de nouveaux emplois.
Mais le développement sans progrès est une régression.
L’investissement public pour créer des stations balnéaires ne se compte plus, tandis que les établissements de santé souffrent gravement d’une carence en ressources financières, équipements et personnels. Les chiffres sont alarmants : 46 médecins pour 100 000 habitants, dont 44 % d’entre eux sont implantés entre Rabat et Casablanca. Toute la population marocaine est concernée par les problèmes de santé. Quelle serait alors la part qui va être concernée par la location de luxueuses villas pour passer un week-end à la Mer ?
Il est temps de penser le développement économique de manière plus équitable, et ne pas se reposer sur la docilité de la population face à cette injustice, car elle ne pourrait ne plus durer. Derrière la prétendue règle de l’exception marocaine, n’oubliions pas qu’à la base de toute crise politique ou soulèvement populaire, c’est l’injustice sociale qui en était le déclencheur.
Par Anas Abdoun, Maghreb Canada Express, Vol. XII, N°9, Septembre 2014.
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